Quoi de neuf à Torraccia?

Torraccia, entre mer et montagne, Marc Imbert et sa femme Sarah marchent sur les traces du père de Marc, le charismatique Christian, qui a défriché le maquis et créé le domaine viticole.

A la vigne, Marc tente de toujours mieux cerner le potentiel de ses parcelles – celles-là même qu’enfant, déjà, il parcourait; humant les odeurs, flairant le vent, escaladant les affleurements de granit qui se réchauffent au soleil et diffusent sa chaleur; s’étonnant de la fraîcheur du sous bois qui conduit à la vieille bergerie. Voila pourquoi tous les raisins ne se valent pas. Voila pourquoi une vigne n’est pas une usine à vin. La nature, ça s’apprend aussi. Pour le vrai vigneron, c’est du domaine de l’intime.

Un jour peut-être, son fils Etienne prendra la suite. Ainsi va la vie des beaux vignobles où tout est toujours à refaire – le vigneron hérite et transmet.

IMG_3960A Torraccia (Photo © H. Lalau 2014)

A la cave, aussi, Marc apporte peu à peu sa touche personnelle. Faut-il plus extraire ou pas? Faut-il modifier les assemblages? Créer de nouvelles cuvées? Pas évident quand on est à la tête d’un des domaines les plus emblématiques de Corse.

Ses cuvées Oriu (la grotte, en langue corse) sont des vins de garde – même si aujourd’hui, le fringuant 2011 semble plus prêt à boire que le dense 2009. A l’autre bout du spectre, sa cuvée Niellucciu est conçue un peu comme un primeur.

Pour rappel, le Niellucciu est la version corse du Sangiovese (à moins que ce ne soit l’inverse); c’est le cépage de l’appellation Patrimonio. Dans le Sud de la Corse, il partage souvent la vedette avec l’exubérant Sciaccarellu – mais pas dans cette cuvée.

IMG_3957Quelques fleurs dans le maquis de Lecci (Photo © H. Lalau 2014)

Domaine de Torraccia Niellucciu 2013

Ce vin est un grand séducteur, qui accroche le dégustateur ou la dégustatrice par le croquant des ses fruits rouges et noirs (cerise, framboise), mais qui ne le laisse pas en rade (de Pinarellu ou d’ailleurs), comme un vulgaire Don Juan. La bouche révèle en effet une belle accroche tannique et une remarquable fraîcheur, sans oublier, nageant sur le tout, comme une senteur d’immortelle par une chaude après-midi d’été, quelques épices et une pointe de menthe. C’est gratuit, comme les fleurs du maquis!

IMG_4205Niellucciu 2013 (Photo © H. Lalau 2014)

Domaine de Torraccia Oriu blanc 2013

Ici, la vedette s’appelle Malvasia bianca. Alias Vermentinu. Alias Vermentino, en Toscane. Alias Rolle, en Provence. Quelque soit son nom, c’est un des plus beaux cépages méditerranéens – relativement facile à conduire, aromatique, vinifiable en sec comme en doux, en cuve ou en barrique, agréable sur le fruit ou « reposé ».
Ici, dans sa prime jeunesse, il nous livre de jolies notes de pomme et de poire, de jasmin, auxquelles succèdent bientôt, en bouche, du coing, un bon gras, et une très jolie amertume. La pierre sous le soleil.

IMG_4229Oriu blanc 2013 (Photo © H. Lalau 2014)

Peu porté à l’autosatisfaction, Marc Imbert ne s’arrêtera probablement pas à ces deux belles réussites; sans doute s’attachera-t-il plutôt à comprendre comment il peut encore améliorer sa Rolls, l’Oriu rouge. Lui imprimer sa marque sans trahir. Innover pour perpétuer. Et il aura raison.

IMG_3968Sur les chemins de Torracia (Photo © H. Lalau 2014)

C’est aussi pour cela qu’il faut faire le détour de Torraccia. Quitter Cala Rossa, Porticcio, les villas, les marinas; et prendre la route de Lecci. Venir partager avec Marc et Sarah un petit moment de leur vie, de leur enthousiasme, de leurs doutes, de leurs efforts et de leur joli coin de Corse. Prendre le maquis.

Dites que vous venez de ma part.

Hervé Lalau

IMG_3933Et en prime, la vue sur mer avant de repartir… (Photo © H. Lalau 2014)

8 réflexions sur “Quoi de neuf à Torraccia?

  1. Comme Adeline, j’aurais bien aimé revoir le visage de Christian. Donne-t-il encore son avis sur les assemblages ? A-t-il rompu totalement avec le domaine ou garde-t-il un petit jardin secret ? Que fait-il de ses journées ? S’il lit ces lignes, qu’il sache que je l’embrasse et que dès que j’entends le mot Corse, mes pensées vont vers les bons moments qu’il nous a fait vivre dans son île.
    Dès que j’en aurais l’occasion, j’irais goûter les vins de Marc & Sarah.

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  2. Nous avons bu un verre… de Champagne ensemble – le jour où je suis passé, c’était l’anniversaire de son petit-fils qu’il adore. Il a laissé les rênes à Marc et Sarah, mais ne se désintéresse certainement pas des vins. Il vit sur le domaine, à deux pas de la cave.

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  3. georgestruc

    Un billet qui informe de façon objective, précise, déterminée, et qui donne une seule envie, celle d’aller découvrir sur place les vins de ce domaine. Merci, Hervé ; c’est cela l’essence du blog des 5 du vin, tout au moins l’esprit que j’aime.

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  4. olivier dubost 2A

    Cher Hervé, passionné de vins et vignerons corses (Elisabeth, Yves C, Antoine, Etienne, Jean-Charles, Nicolas et tous les autres que je connais pas encore personnellement) je passerai certainement cet été -en voisin- et me recommanderai de vous car je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer cette belle famille Imbert. Merci. A doppu!
    ps. il me semble que les fleurs du maquis sont des cystes.

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  5. Je vous souhaite de belles vacances et de belles dégustations; pour les cistes, vous avez sans doute raison. Pour Jean-Charles (Abbatucci, je suppose), ce sera le sujet du billet de mercredi prochain… Merci de votre fidélité. A a salute!

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