La nouvelle classification de la Rioja !

Je vous ai parlé de la nouvelle classification des vins du Priorat, il est donc juste que je vous informe aussi de la nouvelle classification des vins de la Rioja. Ils auront désormais 3 niveaux de sélection, et se déclineront en : Vin de zone, vin de village et vignoble singulier.

Ces décisions qui ont été prises cet été par le Conseil Regulador sont historiques, car pour la première fois en près de cent ans d’existence, l’appellation se préoccupe enfin des vignobles, de leur différenciation, au lieu de se focaliser sur l’élevage, temps passé en fût ou au domaine et des mentions traditionnelles du vieillissement, qui étaient devenues le principal facteur de reconnaissance qualitative de la Rioja. Les vins du millésime 2017 peuvent déjà être élaborés dans ces nouvelles catégories. Rappelons que la DO Rioja est devenue une appellatoion d’origine qualifiée en 1991, ce fût la première à l’avoir, actuellement parmi les 70 DO espagnoles, elle est seule avec le Priorat à en bénéficier.

Examinons de plus près chacune de ces catégories en commençant par le bas de la pyramide:

1. Vino de Zona (Vin de Zone)
   

Rien de nouveau aujourd’hui, puisque les zones sont celles que nous connaissions déjà, la précédente réglementation de 1998 de la DOCa Rioja comportait déjà, une indication relative à la zone géographique, il s’agissait des  vins dits de sous-zones. Mais, ils s’appelleront  désormais vins de zone, c’est moins péjoratif ; les 65 326 hectares de vignobles protégés par la DO se répartissent ainsi : la Rioja Alavesa (13 389 hectares), la Rioja Alta (27 347 hectares) et la Rioja Oriental (anciennement Baja, là encore, on comprend qu’il est plus valorisant pour les vins de remplacer le terme Baja, par Oriental, 24 590 hectares). Chacune d’entre elle ayant des caractéristiques viticoles bien différenciées.

Les 3 Zones :

• La Rioja Alavesa, dans la partie nord de la région, au nord de l’Èbre, est la zone la plus haute et la plus escarpée, avec un sol argilo-calcaire. Son climat continental est un peu plus chaud que celui de la Rioja Alta en raison de la protection fournie par la Sierra Cantabria. Quelques bodegas de Rioja Alavesa: Marqués de Riscal, Luis Cañas, Viña Salceda, Bodegas Faustino, Bodegas Valdemar, Sierra Cantabria y Bodegas Izadi.
• La Rioja Alta, s’étend sur les territoires situés entre Haro et Logroño, au sud de l’Èbre, dans une région humide et montagneuse en raison de son altitude plus élevée au-dessus du niveau de la mer et de son profil complètement atlantique. La plupart de ses sols sont alluvionnaires, calcaires-argileux-ferreux.Quelques domaines de Rioja Alta: Viña Tondonia, Roda, Cune, La Rioja Alta (Viña Ardanza, Viña Arana, Viña Alberdi), Bodegas Bilbaínas, Bodegas Martinez Lacuesta, Bodegas Beronia, Bodegas Ramon Bilbao, Marques de Murrieta y Marqués de Cáceres.

• La Rioja Oriental (anciennement Rioja Baja) est située au sud-est de la région, son altitude plus basse en fait un endroit plus méditerranéen pour son caractère plus chaud, car en été, il peut atteindre 35 ° C et plus sec. C’est une zone exposée aux vents chauds du sud-est. Elle est principalement située en Rioja, même si elle comprend également des zones en Navarre. Ici, les sols alluviaux de sable brun abondent. Quelques bodegas de Rioja Oriental: Bodegas Palacios Remondo, Bodegas Ontañón, Bodegas Franco-Españolas y Viña Real.

Rioja Baja qui est devenue Rioja Oriental

Quelles sont les exigences auxquelles les producteurs doivent satisfaire  ?

• La bodega doit être située dans la zone indiquée sur l’étiquette.

• Les raisins doivent provenir, au moins à 85%, des vignobles de cette région et il faut que  le reste appartienne aux communes limitrophes, marge envisagée par la réglementation communautaire.

• Le maximum autorisé de 15% de raisins provenant de vignobles voisins peut être utilisé à condition que  ces vignobles, appartiennent au domaine ou soient loués, en exclusivité pour au moins 10 ans. Aucune limite de rendement n’est établie

• L’élaboration, le vieillissement et la mise en bouteille doivent être effectués dans la région.

Ces vins devront également être conformes à la réglementation, exigée par le Consejo Regulador, avec une série d’exigences documentaires et physiques garantissant leur origine et leur qualité. Les règlements antérieurs exigeaient que les noms de ces zones soient imprimés à un maximum de 2/3 de celui la taille du mot Rioja. L’actuel permet de les réaliser en égalité de taille, à condition que la zone apparaisse en dessous de la mention Appellation d’origine qualifiée qui apparaît tour à tour en dessous de Rioja. Ces vins auront droit à leur propre étiquette, en tant que document de garantie. Cette mention sera enregistrée avec les catégories de vieillissement actuelles des vins de la Rioja: générique, Crianza, Reserva et Gran Reserva.

2.Vino de pueblo o de municipio

En réalité, cette distinction existait depuis 1999, mais n’était pas utilisée. Or, récemment, certaines parties du secteur et du marché s’y sont intéressé, et, grâce à une mise à jour de sa réglementation son utilisation a augmenté. A partir du millésime 2017, 144 villages de la Rioja pourront se prévaloir de cette appellation, et ils sont ainsi répartis : 118 pour La Rioja, 18 pour Álava et, 8 pour la Navarre.Les conditions de commercialisation de ces vins sont identiques à celles qui étaient nécessaires pour les vins de zone, évidemment appliqués à un village spécifique. Ainsi, une bodega située à Samaniego (Rioja Alavesa) peut utiliser, par exemple, des raisins de la municipalité voisine d’Ábalos (Rioja Alta) pour son vin de pueblo, mais ne peut utiliser de raisins Labastida ou San Asensio. Ces vins doivent également être conformes à une règlementation mise en place par le Conseil  Régulador, un ensemble complet d’exigences documentaires et physiques garantissant leur origine et la qualité exigée des vins de la Zone…

Ces normes sont loin de satisfaire les vignerons!

Ils regrettent que se soit la bodega et son emplacement qui restent les facteurs déterminants  pour obtenir la DO vin de village. Car, telle qu’elle est prévue, cette DO ne permettra pas aux  bodegas de produire des vins de différents villages, comme en Bourgogne ou en Alsace ; ils devront être élaborés et mis en bouteille dans la même commune que celle où le vignoble est situé. En pratique, cela revient à dire que chaque établissement vinicole ne pourra produire du vin qu’avec une seule indication de commune, celle où il est situé, sauf s’il dispose d’installations de production dans d’autres municipalités. Or, l’histoire de la Rioja a conduit de nombreuses bodegas à posséder une multitude de vignobles répartis sous l’appellation d’origine. Il se peut même que certains d’entre eux ne possèdent pas de vignobles ou que ceux-ci ne soient pas de la meilleure qualité dans la commune où ils se trouvent.

Pour le Conseil Regulador, c’est une question de traçabilité et d’identité, ce manque de liberté fait dire à de nombreux viticulteurs, qui se consacrent à l’élaboration de vins de terroir, que cette nouvelle catégorie est une occasion manquée d’attribuer une importance particulière au vignoble, au lieu de tout axer sur le  domaine. « En fin de compte, disent-ils, rien ne change. C’est l’origine de la mise en bouteille  qui est certifiée au lieu de celle des raisins ». Autrefois, le vignoble était dans le village même, mais aujourd’hui, avec les moyens de transport modernes, la plupart des vignerons recherchent des vignobles de qualité; la proximité de la cave est secondaire. Rafael Vivanco, dont la propriété compte 300 hectares de vignes réparties dans la DOCa Rioja, convient que cela aurait pu aller plus loin. « La bonne chose aurait été de partir du vignoble, de laisser la cave en arrière-plan et de limiter les vins de village aux vignobles en  propriété. Mais, je pense quand même que cette nouvelle catégorie contribuera à montrer la diversité de la Rioja. »

L’étiquetage!

Sur l’étiquette, la mention qui apparaîtra sera «Vino de… suivi du nom du village ». Cette indication géographique sera située sous la mention Dénomination d’origine qualifiée ou sous l’indication géographique de zone, au cas où le vin en aurait également. Une autre des nouveautés sera visible sur les étiquettes, car il sera possible d’agrandir  la taille du nom du village ou de la zone. Jusqu’à présent, la taille était limitée à un maximum de deux tiers de  la taille du mot Rioja. À partir de la récolte 2017, ils peuvent être représentés sur un pied d’égalité, à la seule condition de ne pas se démarquer davantage que le nom de la dénomination. Cette mention sera enregistrée avec les catégories de vieillissement actuelles des vins de la Rioja: générique, Crianza, Reserva et Gran Reserva. Il est également requis que les marques utilisées pour ces vins soient exclusivement pour celles de cette origine géographique et que les étiquettes soient différentes de celles du reste des vins de la cave. Ces vins auront droit à leur propre étiquette, en tant que document de garantie.

Tout cela parait bien compliqué, je doute qu’un consommateur s’y retrouve: dans un passé récent, l’idée que la région avait des différences climatiques et des différences de sol marquées, qui se transmettaient aux vins, n’était pas soulignée par les responsables de la dénomination, mais bien au contraire….Aujourd’hui, d’un seul coup apparaissent  144 noms de village, il ne sera pas aisé pour un consommateur et peut-être même un professionnel d’arriver à les mémoriser, seuls ceux qui vont se faire reconnaitre pour la qualité de leur vins marqueront les esprits et prendront de la valeur avec le temps. Et pour atteindre cet objectif, il ne me semble pas essentiel que les vins soient vinifiés et mis en bouteilles dans la commune même d’origine des raisins. Une fois de plus cf la Bourgogne ou le Bordelais ! Il reste encore beaucoup à faire, mettre maintenant en évidence 144 villages,  semble un saut que le marché mettra longtemps à comprendre eet à digérer. Le consommateur lira les noms de villages occulté par le passé, mais  çela lui sera-t-il une information utile ou lui  servira-t-il de critère d’achat??? Il est vrai que nous en sommes aux premières étapes de la mise en œuvre de la réglementation et, espérons-le, avec le temps, ces changements amélioreront la qualité des vins qu’ils soutiennent, ce qui compte vraiment.

3.Viñedo Singular (unique)

Le BOE (Bulletin officiel de l’Etat) a publié la reconnaissance des premiers 84 vignobles « uniques » de la D.O.Ca. Rioja le 30 juillet 2019

Contexte:  Les domaines et les vignerons de la DO ont soumis plus de 80 demandes de » vignobles uniques » au  Ministère de l’Agriculture, dela Pêche et de l’Alimentation, lequel a travaillé en coordination avec  la DOCca Rioja afin que ce projet d’excellence soit autorisé dans une court délai. Le 30 juillet dernier, le ministère a publié au Journal officiel, la reconnaissance de 84 vignobles identifiés, « vignobles uniques », au sein de l’appellation d’origine qualifiée de la Rioja qui s’étend sur 66 000 hectares, et, cette nouvelle micro-dénomination totalise seulement (pour le moment) 155 hectares, qui sont censés être les plus spéciaux, soit 0,23% de la superficie totale du vignoble. C’est la première fois que la Do reconnait l’existence de ces vignobles de qualité qui sont censés donner de la valeur à ses meilleurs vins . Il s’agit donc d’une étape positive pour le Conseil Regulador de la Rioja et pour les trois communautés autonomes concernées: La Rioja Alta(31), la Rioja Alavesa (43), et Rioja Oriental (10).Le millésime 2017, sera le premier à recevoir cette classification.

Un fait est certain : cette appellation a suscité le plus grand intérêt parmi tous les agents impliqués dans le monde du vin, en particulier à l’étranger- Grace à elle, certaines zones seront désignées, il s’agit de superficies géographiques plus petites que celles des Vins de Village, situées dans le périmètre de la DOCa Rioja. Ces lieux spécifiques peuvent occuper une ou plusieurs parcelles cadastrales, à condition qu’ils aient leurs propres caractéristiques agro-géologiques et climatologiques qui les différencient et les distinguent de leur environnement. Il faudra donc  y produire des vins présentant des caractéristiques et des qualités uniques. Cette appellation vise à relier les vins au terroir et à  en souligner l’ origine  et leur qualité. Cette mention sera enregistrée avec les catégories de vieillissement actuelles des vins de la Rioja: générique, Crianza, Reserva et Gran Reserva.

Sur la photo, Viña Garugele, de Bodega Carlos Moro, est un de ces vignobles

Quelles sont les conditions à remplir pour se prévaloir de cette reconnaissance ?

• Le vignoble doit être délimité et avoir un âge minimum de 35 ans,
• La propriété des vignobles ou des contrats de location stables est requise pendant au moins dix ans,
• Il peut comprendre une ou plusieurs parcelles cadastrales
• Tous les raisins doivent provenir exclusivement du vignoble délimité
• La récolte doit être manuelle
• L’élaboration, l’élevage, le stockage et la mise en bouteilles devront se faire dans le même endroit.
• Un étiquetage spécifique et un contrôle renforcé seront exigés : Les contre-étiquettes qui garantiront ces vins certifiant tous ces extrêmes comprendront, la mention  » Viñedo Singular », qui permettra aux consommateurs de savoir que toutes les caractéristiques décrites sont certifiées par le Conseil Regulador.
• Les rendements ne doivent pas dépasser, 5000 kg par hectare pour les rouges et 6 922 kg par hectare pour les blancs.
• La culture doit être respectueuse de l’environnement
• Le vin sera évalué deux fois : juste après son élaboration et juste avant sa commercialisation lors de l’analyse organoleptique du Conseil Regulador avant la mise en marché, moment où il doit être considéré comme excellent par la plupart des dégustateurs qui l’évaluent
• Le vin sera élaboré et mis en bouteille par des personnes physiques ou morales disposant d’installations et de mise en bouteille enregistrées à leur nom dans DOcq«Rioja», qui prouvent par tout titre juridique valable en droit que la production résulte exclusivement des raisins du «Viñedo Singular».

 

J’ai interrogé plusieurs vignerons, un seul a accepté de me répondre à ce jour. Voici ce qu’il en pense:

« La vérité, c’ est que c’est la première fois que nous essayons de classer tout cela un peu. Mais je pense que ce n’est pas la bonne façon. Ce sont des vignobles qui répondent aux caractéristiques qui ont été établies par la DO et par les grandes bodegas qui ont voulu, et ont indiqué les vignobles qu’elles souhaitaient et qui répondaient aux exigences. Le conseil et le ministère les examinent et l’accordent.  Les exigences sont assez basiques et presque tous les vieux vignobles peuvent y répondre. En fin de compte, il y aura beaucoup de vignobles uniques. Je n’y ai inscrit aucun de mes vignobles, parce que je ne pense pas que ce soit le chemin. Je crois aussi que pour être un grand cru, le marché est celui qui doit juger le vin et non certains papiers.  »

L’appellation Viñedo Singular repose sur l’idée d’identifier des parcelles spécifiques offrant des vins différenciés et uniques. Il ne s’agit donc pas de classer ou hiérarchiser les terroirs sur lesquels ces vins sont élaborés, comme le demandent certains producteurs de la Rioja. La philosophie du Conseil  est de lier les vins au terroir et d’en souligner l’origine. Il est très probable que ce changement de réglementation soit insuffisant pour les producteurs intéressés par la classification des vignobles! Il faut donc s’attendre à vivre de nouveaux départs de vignerons  sécessionnistes au sein de la dénomination.

A suivre pour d’autres rácations.

Hasta pronto,

Marie-Louise Banyols