Le vin au restaurant en France

Un récent sondage réalisé par Opinion Way pour le salon Wine Paris a attiré mon attention car il portait sur le vin dans les restaurants en France.

J’ai toujours pensé qu’il y a aux moins trois problèmes majeurs dans ce secteur de vente en France si on voulait améliorer à la fois la satisfaction des clients et la performance commerciale. En premier lieu je citerai les prix trop souvent prohibitifs pratiqués par la plupart des restaurants en France pour les vins à leur carte.

Je connais le refrain qu’ils chantent face à cette critique : « les charges sont trop lourdes pour faire autrement ». Mais cette analyse me semble un peu simpliste, d’autant plus qu’elle opère une confusion évidente entre bénéfice potentiel et bénéfice réel. Pratiquer des coefficients multiplicateurs de plus de 3 (et souvent bien plus encore) sur un prix d’achat lorsque de plus en plus de clients de restaurants connaissent les prix des vins fait non seulement passer le restaurateur pour malhonnête, mais surtout freine la consommation; soit que cela oblige le client à acheter un moins bon vin (car moins cher à la carte) et donc à dépenser moins, soit que cela le pousse à se passer de vin. En comparaison, les restaurateurs sont bien moins gourmands en Italie, en Espagne ou au Portugal, notamment.

Deuxième problème : l’absence de connaissance des serveurs, grande restauration exclue. Combien de fois j’entends des serveurs décrire un vin blanc comme étant « fruité » pour ensuite être incapable de me dire s’il est sec ou pas. Maintenant, et dans des restaurants ayant fait un petit effort sur ce plan, on est aussi pollué par des expressions toutes faites du genre « minéralité », mais sans que cette expression fourre-tout signifie quelque chose de précis quand on creuse un peu le sujet. Mais, très globalement, dans la restauration « moyenne » que je fréquente, il s’agit  bien trop souvent d’une ignorance totale de la nature des vins qui figurent sur la carte.

Troisième problème : mauvaises conditions de stockage et/ou de températures de service, auxquelles on peut rajouter une qualité de verres pas toujours acceptable. Ce dernier point me fait me détourner de nombreux restaurants ou bistrots : quand je vois des verres « ballons » (voir ci-dessus) ou l’équivalent sur les tables, je suis à peu près sur qu’il vaut mieux passer mon chemin ou bien boire une bière ou de l’eau.

Tous ces obstacles à une bonne expérience autour du vin pour les clients des restaurants sont, in fine, de la responsabilité des propriétaires des établissements, même si, en ce qui concerne la formation, la curiosité et la fierté professionnelle des serveurs est aussi en question.

Mais voyons maintenant cette étude, qui, bien qu’elle ne traite nullement les sujets que je viens d’évoquer, révèle quelques points positifs ou intéressants.

L’étude concernait un échantillon de 2125 personnes représentatif de la population des différentes régions de France et agé de 18 ans et plus. Elle a été réalisée en ligne en octobre et novembre 2019.

Globalement, 81% des français déclarent boire du vin, devant la bière (72%) et les spiritueux (70%), mais seulement 42% boivent du vin chaque semaine et 15% tous les jours. Je me reconnais dans la catégorie des 42%.

Parmi les consommateurs de vin, 96% en consomment au restaurant, ce qui représente 80% de la population adulte. Si cette consommation au restaurant s’effectue pour 89% avec le repas, 83% en consomment avant le repas, donc à l’apéritif.  Petite satisfaction pour les restaurateurs, 72% des ces consommateurs estiment que le vin au restaurant est de meilleur qualité qu’avant (avant quand, je ne sais pas et l’étude ne le dit pas !)

Mais la baisse de la consommation est aussi une réalité, car 64% déclarent boire moins de vin au restaurant qu’il y a quelques années. Le syndrome de « moins mais meilleur » semble opérer pour la moitié des sondés, et 34% disent avoir réduit pour baisser leur consommation d’alcool.

La montée du vin comme apéritif est une réalité pour plus de la moitié des sondés, et surtout chez les femmes, tandis que très peu prennent du vin avec le dessert, par exemple (ce qui se traduit clairement aussi par la forte baisse des vins doux).

Comment fait-on son choix de vin au restaurant ?

Trois critères dominent nettement. Le prix (sans surprise) pour 88%, puis viennent la région et le pays de production. Ce qui est encourageant, et qui devrait inciter certains restaurateurs à ouvrir un peu plus leur carte de vin est que 79% des gens aiment découvrir des nouveaux vins au restaurant, même si 83% disent avoir des préférences pour des vins locaux (mais qu’est-ce que cela veut dire dans les régions non productrices ?)

Les habitudes ont la vie dure

J’ai aussi vu dans cette étude que la même proportion des sondés (66%) continuent à préférer boire du vin rouge avec les fromages, comme d’ailleurs avec le plat (64%), alors que la grande majorité des professionnels du vin sont maintenant d’accord pour dire que les accords réussis avec les fromages sont très majoritairement obtenus avec des vins blancs.

Tout le monde n’a pas la chance de fréquenter un restaurant ayant les compétences, plus la gentillesse, de quelqu’un comme ce Monsieur, qui a longtemps dirigé les Restaurant Laurent à Paris. Je recommande fortement ce livre d’ailleurs.

Les serveurs ou sommeliers compétents sont importants

86% apprécient leur conseils, et, d’un autre côte, 26% disent ne pas commander du vin quand ils ne savent pas quoi choisir (absence de conseil compétent).

Les types de restaurants

Parmi les consommateurs de vin, 82% en commandent dans des bistrots ou restaurants indépendants, mais seulement 68% dans le chaînes et 56% dans les restaurants haut de gamme (question de prix peut-être dans ce dernier cas ?)

Conclusion et autres enseignements

Sondage intéressant parfois mais qui est loin de résoudre les problèmes évoqués dans mon introduction, même s’il en évoque une directement (le conseil ou l’effet de son absence). J’ai aussi noté que le vin à l’apéritif fait une bonne percée dans les pratiques, et c’est une bonne chose car bien plus adapté que des alcools durs à ce moment de consommation. Le marketing du bio et des bonnes pratiques agricoles semblent aussi avoir leur impact sur le consommateur, qui aime aussi, est c’est également une bonne chose, avoir un offre significatif de vins au verre.

David Cobbold

 

14 réflexions sur “Le vin au restaurant en France

  1. adelinebrousse

    Concernant les trois problèmes évoqués en introduction, on aurait pu écrire (et on l’a certainement fait !) exactement la même chose il y a quarante ans. Et rien n’a changé… La réponse est sans doute à chercher davantage dans une analyse sociologique.

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    1. David Cobbold

      Adeline, je pense que la qualité des verres s’est nettement améliorée quand-même, mais aussi la diversité de l’offre et le nombre de vins proposés au verre.

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      1. adelinebrousse

        Oui David, pour la qualité des verres il y a souvent du mieux. Le nombre de vins proposés au verre est plus grand, mais bien souvent le prix en devient beaucoup plus grand aussi… C’est normal que le volume soit plus cher au verre qu’en bouteille, mais souvent c’est l’addition qui déborde. Pour le reste, je retrouve vraiment ce que nous analysions entre nous quand j’ai commencé à déguster et à écrire sur le vin. Mais tu as raison,il faut continuer à le répéter, ça ne peut pas faire de mal !

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  2. Marc Oligau

    Concernant la médiocrité et le peu de pertinence des commentaires et descriptions des vins par les serveurs on peut se demander si les restaurants sont prêts à « investir » dans la formation car, si nous sommes ici entre … hum..connaisseurs je me doute bien que la majorité de leur clientèle n’a, du vin, qu’une connaissance disons, empirique et se contente souvent de quelques mots simples et évocateurs…

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    1. David Cobbold

      D’accord, mais même des mots simples comme « fruité », « sec », etc, ne sont pas maîtrisés, et je ne parle même pas de tanins et leur effets. La mise en place de descripteurs (simples, bien entendu) sur les cartes pourrait aider.

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    1. David Cobbold

      Cette étude n’est pas rendu publique sur le site d’Opinion Way et je n’ai reçu (ainsi que d’autres collègues journalistes du vin) qu’une sorte de synthèse assez détaillée. Vous pouvez demander copie auprès de Wine Paris, qui en est le commanditaire.

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  3. Marc pourra en parler mieux que moi (qui ne fréquente pas tellement les restaurants), mais il me semble que les marges appliquées en Belgique ne sont pas vraiment moins fortes qu’en France.
    Par contre, en moyenne, la diversité des cartes de vins est plus importante. On trouve plus facilement de beaux vins italiens ou espagnols, par exemple.
    Quant aux verres, c’est très variable, et si l’on compare avec l’Autriche, où la moindre brasserie ou restaurant de station de ski présente déjà de beaux verres, la Belgique reste un cran en dessous, je pense.

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  4. David Cobbold

    Je voudrais rajouter un commentaire, ou plutôt citer un exemple, pour montrer que mes critiques (largement justifiées je le pense) envers les restaurants de moyenne gamme en France ne correspondent pas à une sorte de fatalité qui ferait qu’il faille accepter ce triste état général.
    J’ai dîné récemment dans un restaurant dans le 15ème arrondissement de Paris et qui s’appelle Véraison (ce qui indique déjà son intérêt pour le jus de la treille !). C’est un restaurant de moyenne gamme, donc abordable pour beaucoup de monde: pas grand, avec la cuisine bien visible à l’entrée derrière un bar et une carte de vins courte mais plutôt bien choisie. Le service y est remarquable, comme la qualité de la nourriture. Ce service est attentionné et amicale, décontracté et informatif sans nécessairement se vautrer dans les arcanes des vins servis. Et cela suffit amplement, aidé par une nourriture excellente, des verres de qualité et, bien sur, le choix des vins qui sont servis à parfaite température (on voit les bouteilles dans une cave d’appartement dans la salle). C’est petit, pas compliqué, très bon et on en sort très heureux, d’autant plus que les coeffs sont raisonnables et il y a le choix au verre. Donc c’est possible : il suffit de le vouloir. La salle, qui contient je pense une trentaine de couverts un peu serrés, était pleine ce soir-là, et ce n’est surement pas un hasard.

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  5. Michel Kimmel

    Eh oui, le résultat est le suivant: au lieu de profiter d’un service parfait – verres, température, décor, commentaires, je bois les grandes bouteilles chez moi et me contente, hélas de petits vins au restaurant même lorsque la cuisine mériterait une belle bouteille. C’est ainsi que j’ai vu – entre autres – un flacon que j’achetais 60€ au domaine à 380€ sur la carte d’une belle table. Dissuasif sauf pour les personnes pour lesquelles l’argent ne compte pas ou qui souhaitent épater leurs invités…

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    1. David Cobbold

      Michel, je crains que nous soyons nombreux dans ce même cas. Pourtant, une autre politique de la part des restaurateurs est non seulement souhaitable, mais possible.

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  6. David Cobbold

    Non, je ne les oublie pas et ils font un bon travail, mais la quantité de bons producteurs de verrerie en Autriche/Allemagne par rapport à ces marchés est autrement plus significative, il me semble.

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