Initiative en Corbières. L’amorce d’un grand changement

« Oh Vin Diou! » C’est le nom donné à l’initiative paysanne lancée par Karine et Nicolas Mirouze à Bizanet, dans les Corbières, pour présenter leur domaine avec des itinéraires-découvertes sur l’agroécologie, l’agroforesterie, la biodiversité, l’auto-construction des outils et le pâturage dans les vignes.

 

Karine et Nicolas ont réinvesti les terres familiales dans les années 2000. Ces deux ingénieurs agronomes de formation vont commencer par écouter, ressentir et comprendre le lieu. Les vignes ne sont qu’une partie de ce grand espace de garrigue et de forêt. Près d’eux trône un château de carte postale restauré depuis peu et, un vallon plus loin, siège l’abbaye cistercienne de Fontfroide. C’est impressionnant, autant dire sacré.
Pour en savoir plus : https://beauregard-mirouze.com

La vue, depuis le domaine Beauregard Mirouze, du Château de Saint-Martin-de-Toques

Les dix premières années, Karine et Nicolas vont s’installer et trouver leurs marques, ils obtiendront ainsi le label Bio. Après la vigne, ils plantent des arbres, des fruitiers mais pas seulement, ils adoptent les haies bocagères et développent l’agroforesterie. Ils sont suivis par des associations pour l’agroécologie : le Biocivam 11 et Arbres et Paysages de l’Aude.

Anaïs (Biocivam) à gauche – Juliette (Arbres et Paysages), un jour de Cers
Couvert végétal dans les vignes début avril

Maintenant que l’écosystème du Château Beauregard-Mirouze est en place, ils sortent de leur cocon et veulent travailler avec les autres. D’autres paysans dignes de la Nature et autres métiers connexes. Il y a quelque chose d’amical et de fraternel dans cette première journée façon « portes ouvertes dans la Nature ».

Il y a à boire et à manger, des trucs rigolos à goûter et à acheter.

Et même un conteur venu conter.

Le conteur Grégoire Albisetti
La Rouge d’Oc cultive et transforme la grenade (jus, sirop, gelée, vinaigre,…)

Bien sûr, il y a aussi une sélection de vins du domaine à déguster. Les voici

 

Blouze 2021, Vin de France blanc

Un vin floral avec une touche anisée comme le fenouil, un peu timide. Un léger perlant à l’ouverture puis il est fondant avec une matière fine, légèrement salin avec une fraiche amertume au final. 9 €
Viognier, grenache blanc, récoltés tôt, TAV 12% vol. non filtré, non sulfité. Dans la lignée de leur gamme Rouze, un vin léger et facile à boire, fait avec beaucoup d’attention mais sans intrant.

 

Rouzé, 2021 Vin de France rosé

Un rosé médium comme un jus de pêche rouge, tout en légèreté en bouche avec une fine tension tannique. Gouleyant. 9 €

La version rosé de la gamme Rouze à base de syrah, cinsault et grenache récoltés tôt, TAV 12% vol. non filtré, non sulfité.

Ciel, Vin de France rouge 2020

Un rouge rubis et cerise comme ces arômes fruités avec des pétales de rose. Il garde le fruit en bouche où s’ajoute la violette qui s’impose dans sa fraicheur gourmande. Une texture souple et aérienne avec l’amertume savoureuse d’une camomille. Un final avec la violette toujours. 12 €

Une vigne de syrah et carignan coplantés

Sol 2019, AOC Corbières, Château Beauregard Mirouze

Une robe rouge grenat avec des reflets violine, encore jeune. Il faut laisser le temps au vin de s’ouvrir pour apprécier tout le fruité et la garrigue qui s’y retrouvent. En bouche, on goûte un Corbières dans une belle expression d’épices et de fraicheur. C’est plein, c’est fondant, c’est fin dans un équilibre à la fois gourmand et tendu. Des notes camphrées de terre mouillée et de genièvre en final. 16 €

Syrah et mourvèdre sur les Grés du Santonien. Coteaux nord du Massif de Fontfroide

 

En guise de conclusion

J’ai voulu me faire l’écho de cette initiative parce qu’elle me semble révélatrice d’une nouvelle prise de conscience. Le vigneron, à l’écoute et au service de son environnement, s’inscrit dans un écosystème dont il n’est qu’un maillon. Pour aller jusqu’au bout de son évolution, il doit tendre la main aux autres paysans. Agrandir l’écosystème pour permettre un vrai changement de fond. Et je pense (j’espère) qu’il y aura de plus en plus de Karine et Nicolas Mirouze pour redonner vie aux vignobles conventionnels.

Et en guise d’épilogue…

Deux petits extraits du livre de Jean Giono, «L’homme qui plantait des arbres» (1956), lus à cette occasion par le conteur.

«Il s’appelait Elzéard Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines. Il y avait réalisé sa vie. Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s’était retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses.»

La suite de l’histoire vous la connaissez, il a planté assidûment des milliers et des milliers d’arbres qui ont donné la vie au Pays de Canaan. Trente ans plus tard…

«Tout était changé. L’air lui-même. Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m’accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d’odeurs. Un bruit semblable à celui de l’eau venait des hauteurs: c’était celui du vent dans les forêts. Enfin, chose plus étonnante, j’entendis le vrai bruit de l’eau coulant dans un bassin. Je vis qu’on avait fait une fontaine, qu’elle était abondante et, ce qui me toucha le plus, on avait planté près d’elle un tilleul qui pouvait déjà avoir dans les quatre ans, déjà gras, symbole incontestable d’une résurrection.»

Nadine Franjus

11 réflexions sur “Initiative en Corbières. L’amorce d’un grand changement

  1. Prise de conscience de notre environnement dont nous faisons partie, on croit trop souvent que la nature, la Terre est à notre service, ne dit-on pas: « on a vaincu la nature ». Aujourd’hui, on sait que le monde végétal est en contact, que les arbres se transmettent des messages, que les réseaux de mycorhizes servent de liens entre les plantes, … Pour en revenir à ton sujet d’agroforesterie et pratiques associées, les quelques lignes de Giono sont des plus explicites tout en étant touchantes, quel bonheur de ressentir ce qui se passe lorsque les arbres ont reconquis le paysage. Merci
    Marco

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  2. D’accord avec vous deux. Au départ, cela peut paraître un joyeux fourre-tout, sorte de « boboïsme rural », mais cette vision qui consiste à prendre conscience de son environnement proche, à le bichonner et à l’augmenter, à lui donner de l’importance au fur et à mesure du temps et des moyens dont on dispose, ce rapport à la nature à la fois respectueux, contemplatif et, finalement constructif, ne peut donner que de belles choses.
    Au fait, je me suis toujours demandé, qui vit dans ce château restauré à grand frais – et à plusieurs reprises, semble-t-il – ces dernières années ? Sa richesse pourrait aussi aider les vignerons alentours à les convaincre de replanter des haies (entre autre) afin de protéger les vignes du vent qui tourbillonne ici souvent, mais aussi à faire renaître toute une faune génératrice de vie. Ainsi, cet espace si sensible des Corbières, terres martyrisées en certains endroits par l’abus de traitements chimiques de toutes sortes, pourrait renaître de plus belle et nous donner des vins pleins de sens et d’amour. Ce dont on a de plus en plus besoin de nos jours.

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    1. Karine Mirouze

      Cher Michel, votre vœu (qui rejoint le notre) est exaucé. Le nouveau propriétaire du château de Saint Martin de Toques depuis plus de 2 ans est très attentif à son environnement et à notre manière de travailler. Les jachères sont à nouveau cultivées, des haies sont plantées avec Arbres et paysages 11 , des nichoirs sont positionnés avec la LPO. Nous avons œuvré pour ces rencontres et ces initiatives et l écosystème s étend. Je vous invite à venir constater et venir admirer le point de vue depuis chez nous. Le Beauregard!
      À bientôt peut-être

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  3. Nadine Franjus

    En plus de ces pratiques d’agroforesterie ou/et agroécologie, ce que j’ai trouvé touchant et important dans la démarche de Karine et Nicolas Mirouze, c’est cette envie de se rapprocher des autres, ce besoin de faire ensemble. C’est le début d’une fraternité de la Nature, comme s’ils rebranchaient les connections entre les humains, comme les arbres le font entre eux. Une invitation à se retrouver en tissant une sorte de mycorhizes du genre humain. Mais peut-être que je rêve un peu trop.

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    1. Tes mots me touchent car effectivement après cette phase du début de repli sur soi pour survivre et sortir la tête de l’eau, la collaboration avec des associations nous a fait bien avancer. Maintenant on souhaite ouvrir le domaine à d’autres personnes, paysans, artisans.

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