Touraine-Oisly, onze ans après

En 2012, l’appellation Touraine accueillait deux nouvelles mentions complémentaires (1): Touraine-Chenonceaux (avec un x) et Touraine-Oisly. Cette année-là, je m’étais rendu sur place pour les découvrir en plein déploiement. J’en avais gardé un souvenir assez positif, celui d’un collectif soudé qui voulait bien faire. Tous les vins ne m’avaient pas forcément convaincu, mais où est-ce donc jamais le cas? Et puis, c’était le démarrage.

Onze ans plus tard, comment se porte Touraine-Oisly ? Une après-midi sur le terrain, dans le cadre de l’opération Millésime en Val-de-Loire, m’a permis de m’en faire une petite idée.

Sauvignon, exclusivement

Pour rappel, cette dénomination n’est ouverte qu’aux blancs de sauvignon (contrairement à Touraine-Chenonceaux qui peut aussi produire du rouge). Les douze producteurs (dont une coopérative) sont fiers de rappeler que le sauvignon blanc a trouvé sur leurs coteaux sableux (2% de pente minimum dit le cahier des charges) un terroir bien adapté. Tout comme les asperges, mais le goût de ce légume n’est pas le plus recherché dans leurs vins, heureusement pour nous !

Et puis, si l’on regarde plus profondeur, on trouve deux substrats différents: des calcaires et des argiles à silex. D’où une variété d’expressions plus importante qu’il n’y paraît à lire le paysage de surface. Selon le site de l’appellation : «Les surfaces sableuses sont favorables à l’intensité aromatique: sur calcaires, la rondeur sur formation à silex et perruches les vins ont une expression de fumé plus minéral. La grande perméabilité, le bon ressuyage du sol et une charge caillouteuse sont les autres atouts du terroir de Touraine Oisly. Ils permettent un réchauffement rapide au printemps et assurent ainsi la maturité au sauvignon blanc».

Dont acte. Au fait, le sauvignon est attesté dans la zone depuis 1905.

Un peu de géo

La zone de production s’étend sur dix communes au sud de Blois et à l’Est de Montrichard, mais il faut plutôt imaginer des îlots de vignes, entrecoupés de bois et de champs, plutôt qu’un vignoble continu. D’ailleurs, Touraine Oisly ne définit que des parcelles et non un périmètre: chaque vigneron propose une ou plusieurs parcelles et les revendique pour la mention. 

Oisly sur la carte des appellations de Touraine et de L’Orléanais

La densité minimale des plantations est de 5.200 pieds par hectare.

Le nombre de producteurs s’est un peu accru en onze ans. La plupart sont également producteurs d’AOC Touraine «générique» (pour le blanc mais aussi pour le rouge). A noter que les contraintes sont plus sévères en Oisly – il y a notamment l’obligation d’un élevage sur lies fines au moins jusqu’à la fin du mois d’avril de l’année suivant la récolte. Mais aussi, l’obligation d’une dégustation d’homologation, à l’aveugle.

Après des débuts assez modestes (20 ha revendiqués en 2012), la production de Touraine-Oisly augmente régulièrement ; sur les 5 dernières années, elle se situe aux alentours de 1700 hectolitres en moyenne.

Dégustés pour vous

Rien de tel qu’une dégustation pour prendre le pouls de cette appellation – surtout quand on peut comparer ses commentaires avec ceux rédigés sur place en 2012…

Midoir Touraine-Oisly La Plaine des Cailloux 2021

Des agrumes persistants au nez; en bouche, c’est le miel d’acacia et le coing qui prennent le relai, ainsi que des notes fumées qui nous conduisent agréablement vers une finale légèrement saline. 11 euros.

Ce domaine de Chémery comprend 30 hectares de vigne dont 20 de sauvignon, et Raphaël Midoir (cinquième génération) se tourne vers le bio (encore assez rare dans la région).

www.raphael-midoir.com

Pré Baron Touraine-Oisly L’Elégante 2021

Un sauvignon exubérant! Aux fruits tropicaux plutôt opulents (mangue) du premier nez répondent des nuances citronnées plus vives qui se confirment en bouche ; puis apparaissent quelques notes plus végétales; enfin, une touche d’amertume plaisante vient contrebalancer une très légère sucrosité (réelle ou juste ressentie). Tout un voyage! En 2012, j’avais déjà apprécié le Touraine Oisly de ce domaine (un 2011) alors plus marqué par les agrumes au nez, mais qui présentait aussi un soupçon de sucrosité. 9,50 euros.

Jean-Luc Mardon (5e génération) dirige Pré Baron, un domaine situé à Oisly même, depuis bientôt 20 ans. Il y produit 9 cuvées dont 4 de rouges et une de Touraine-Oisly, celle présentée ici.

https://www.domaineprebaron.com/vins

Delobel 2020 Touraine-Oisly Cuvée B de Oisly

De la poire et des fruits jaunes bien mûrs au nez, une belle matière à la fois souple et nerveuse en bouche, avec une acidité contenue qui souligne plus qu’elle ne domine, le temps a fait son œuvre, et la finale fruitée donne au vin un côté résolument solaire. 12,80 euros chez XO-vin.

Sandrine (le fruit) et Benjamin (la terre) Delobel exploitent en bio les 13 ha de ce domaine situé au Controis-en-Sologne. Seules leurs vieilles vignes, ramassées bien mûres, sont utilisées pour leur cuvée de Touraine Oisly.

Coup de ♥️

www.domainedelobel.fr

Domaine Dubreuil Touraine-Oisly Éloquence 2020

Les jolies notes de coing, mâtinées d’anis au nez, évoquent une vendange bien mûr, et le tout début d’une belle évolution ; la bouche est toute en rondeur, il y a moins d’acidité que dans les autres cuvées, mais il faut bien sûr tenir compte du millésime. Et aucune mollesse, plutôt une sorte de confort buccal qui me fait penser au lit de boucle d’or : ni trop dur, ni trop mou…

J’ai beaucoup plus apprécié ce 2020 que la cuvée dégustée en 2012 (un Oisly 2011) que j’avais trouvée marquée par le végétal, le buis, notamment. 11,50 euros.

Laure et Stéphane Dubrueil (7eme génération) exploitent 50 ha de vignes à Couddes et Oisly, dont ils ne tirent pas moins de 11 cuvées.  Pour celle-ci, ils utilisent une parcelle où le sable de surface recouvre de l’argile et où le sauvignon mûrit lente, il est donc récolté plus tardivement que les autres.

En résumé

Cette fois-ci, j’ai pu découvrir les vins d’autres domaines que ceux dégustés lors du baptême de l’appellation, en 2012 – comme ceux de Midoir et de Delobel, que j’ai bien appréciés. J’ai aussi pu comparer les 2011 et les 2020 ou 2021 de Dubreuil et de Pré Baron. Il y a l’effet millésime, bien sûr, mais il me semble que les vins ont gagné en densité, et perdu en végétal, ce qui pour le sauvignon, n’est jamais mauvais.

Il semble aussi que le désherbage chimique, encore courant il y a quelques années, régresse.

Pour mémoire, je rappellerai mes bonnes impressions d’autres producteurs ayant présenté des vins en 2012, à savoir Lionel Gosseaume et le Domaine des Corbillières, sans oublier une des grandes initiatrices de la dénomination Oisly, la bien nommée Cave de Oisly.

J’ajouterai qu’entre 8 et 13 euros (avec des pointes selon le revendeur), les prix des Oisly restent assez sage. Et pour un produit qui est bien mieux qu’un «bête sauvignon», pour plagier l’ami Marco, qui déteste ce cépage quand il est trop variétal.

Hervé Lalau

 

(1) Pour mémoire, l’AOC Touraine comprend aujourd’hui cinq dénominations géographiques : Touraine-Amboise (blancs, rouges et rosés) , Touraine-Mesland (blancs, rouges et rosés), Touraine-Azay-le-Rideau (blancs et rosés), Touraine-Chenonceaux (blancs et rouges) et Touraine-Oisly (blancs uniquement).

2 réflexions sur “Touraine-Oisly, onze ans après

  1. Gillou 81

    J’ai découvert l’appellation avec les vins de Lionel Gosseaume, au Leclerc Albi. Je les adore : un fruité sur les fruits blancs et agrumes, une note minérale rafraîchissante et une finale subtilement fumée. A essayer avec tapas et sushis.

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