Pourquoi écrire sur le vin, et qui nous lit ?

J’ai été amené à penser à ce sujet après avoir passé deux jours (samedi et dimanche, transport compris), au Château de Clos de Vougeot, à attendre le chaland et à signer quelques livres au sein d’un grand rassemblement d’auteurs, Livre en Vignes. A noter que si les auteurs de livres sur le vin étaient bien représentés, ils restaient minoritaires parmi la masse d’écrivains qui se rassemblent en Bourgogne chaque année dans ce lieu mythique pour cette occasion.

Cette fois-ci, pour la quatrième édition de ce festival (et mon deuxième), je m’y suis rendu  à moto, pour mon plaisir personnel; cela n’a pas grand rapport avec mon sujet, sauf que les voyages à moto tendent à stimuler, par moments et dans les lignes droites, ma réflexion sur divers sujets, dont celui-ci : pourquoi publie-t-on tant de livres sur le vin, et qui les lit ?

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Ma monture devant les vignes du Clos de Vougeot. Oui, je sais que c’est un vilain petit canard avec son bec, mais qu’est-ce qu’elle marche bien !

Je suis constamment étonné par la vivacité du monde de l’édition, et cela ne tient pas uniquement à l’univers qui nous préoccupe sur ce blog. Car, malgré les assauts de l’électronique, il y a une telle quantité de livres publiés tout le temps que cela me donne parfois le vertige. Avec mon collègue Sébastien Durand-Viel nous avons publié trois livres et participé très activement à trois autres ouvrages collectifs au cours des 24 derniers mois. Et tous ont été commandés par les éditeurs en question.

Des festivals de ce genre sont lourds à monter et dépendent aussi de la bonne volonté de sponsors, privés et institutionnels, ainsi que de la présence des libraires qui organisent la vente des livres signés par les auteurs pour le public.

Il faut aussi son lot de « vedettes » : cette année, dans la salle réservé au vin et à la gastronomie, nous avions l’inévitable Jean-Pierre Coffe, Jacques Dupont, Bernard Pivot (que je n’ai pas vu une seule fois derrière ses bouquins), l’insupportable démagogue Périco Legasse (de Marianne), dont le livre, selon un ami expert en gastronomie, est truffé d’âneries, et puis le local de l’étape, le très agréable et érudit Jean-François Bazin; et plein d’autres personnages obscurs comme votre serviteur.

En types de livres, il y avait de la BD, des romans policiers, des livres savants, des livres pratiques, des récits, de pamphlets… rien que pour le vin ! La plus grande librairie spécialisée de France, l’excellent Athenaeum, de Beaune, en assurait la partie commerciale. Mais la grande partie de ce salon était dédié à de la littérature, dans toutes ces formes.

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Un restaurant dans un ancien cinéma de village : c’est Chez Guy, à Gevrey-Chambertin

C’est une sensation assez curieuse de voir défiler tant de gens ; ceux qui jettent vaguement un coup d’oeil en passant; ceux qui, les plus nombreux, passent devant vous sans regarder; et puis de temps à autre, tout de même, ceux qui s’arrêtent et ouvrent un livre. J’ai dû signer une douzaine d’exemplaires en l’espace d’un jour et demi.

Le soir, ceux et celles d’entre nous qui ne souhaitaient pas participer à la grande messe au Château de Clos de Vougeot se sont retrouvés au restaurant chez Guy, à Gevrey-Chambertin. J’y ai bu un très bon vin de ce village, que vous verrez dans la photo ci-dessous.

Nous avons discuté et beaucoup rit entre nous, qui nous trouvions ensemble un peu par hasard à la même table. Nous étions tous auteurs, mais tellement divers : une ancienne policière, auteur de polars, un auteur de romans normand dont les histoires sont basés en Afrique, un médiéviste universitaire spécialiste de cris des villes, et mon ami gastronome. Pas d’autres « pinardiers ».

Et si c’était cela, l’utilité des ces festivals : l’ouverture vers d’autres horizons ? Et puis j’ai rencontré quelques lecteurs, et c’est bien aussi.

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Un beau Gevrey, et ne voyez aucune allusion dans le nom du climat

David

16 réflexions sur “Pourquoi écrire sur le vin, et qui nous lit ?

  1. Hervé Lalau

    Et finalement, tu conseillerais à quelqu’un de publier un nouveau livre sur le vin? Cela fait des années que j’ai un projet dans mes tiroirs, mais je ne le juge ni assez urgent, ni assez nécessaire pour le mener à bien. Quand est-ce qu’on sait quand c’est « mûr »? Et à quoi sait-on après coup qu’on a eu raison?

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  2. Si tant de livres sur commande sont publiés, c’est tout simplement qu’il y a une demande suffisante de la part du lectorat. Je suis personnellement un grand lecteur de livres culinaires (livres techniques et livres sur les grands cuisiniers/vignerons aidant à comprendre leur philosophie) et dans ce type de littérature, je recherche l’érudition de l’auteur et un partage de savoir. Je suis par contre horripilé par les auteurs qui ne maîtrisent pas très bien leur sujet ou qui baclent leur ouvrage juste histoire de publier quelque chose.

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  3. Denis Boireau

    @ Michel: tout ca me fait repenser a ton travail sur le carignan. Meme additionne au cinsault, je comprend que ca reste un sujet trop niche pour enthousiasmer un editeur.
    Pourquoi ne pas etendre le projet a tous les cepages meprises: folle blanche, hybrides, etc – avec un titre accrocheur: Les cepages maudits: la triste histoire des cepages mal-aimes.
    Je suis volontaire comme re-lecteur benevole!

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    1. Vas-y Denis, je te souhaite grand courage ! On m’avait commandé un tel ouvrage que j’ai refusé car, même si c’est passionnant, c’est trop de boulot. Je suis certain qu’il y en a deux ou trois en préparation… Quant à mon petit livre sur le Carignan, il sera bien dans sa niche…

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  4. Hervé Lalau

    Je propose sinon « Un petit page pour tous », préfacé par Jean Cocteau dont c’est aujourd’hui le 50ème anniversaire de la mort.

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      1. Elle me dit que j’bois d’la vinasse
        Que j’suis comme un tout p’tit enfant qu’aime plus l’grenache même pas Rayas,
        Que j’suis Carignan Méchant, jamais content…
        Carignan Méchant, jamais content

        Déjà mes parents, dans le temps,
        Voulaient que j’aille faire le charmant
        Chez des vignerons d’mon grand-père, des mecs de droite, des sectaires,
        Qui me trouvaient carrément vulgaire, très ordinaire,
        Carrément vulgaire, très ordinaire.

        Puis on m’a enrôlé d’office,
        A Angers, dans un blog à malice.
        Ils voulaient que j’fasse des billets
        Deux fois par s’maine sur n’importe quel sujet.
        Je leur ai carrément dit « Oui, mais je choisis! »,
        Carrément dit « Oui, mais je choisis ».

        Je me suis sauvé en Casamance
        Je faisais le frenchman, super grosse lance.
        J’me teignais pas les cheveux, les sourcils
        J’en avais pas besoin pour faire viril.
        Carrément viril, c’était mon style.

        J’ai chopé la mélancolie
        En faisant des articles sur mon lit,
        Des commande pour des revues d’cuisine.
        Fallait que j’dise « c’est bon » en quelques lignes
        Ça m’a carrément miné, tout dégoûté,
        Carrément miné, tout dégoûté.

        Promoteurs, ils voulaient, canailles,
        Que j’vante des vins comme homme de paille,
        Que j’construise des réputations
        Pour appâter l’investisseur, les cons.
        J’y ai carrément mis le feu : bien fait pour eux !
        Carrément mis le feu : bien fait pour eux !

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  5. Hervé Lalau

    Ah oui, au fait, pourquoi écrire sur le vin – je parle pour moi. Parce que c’est ce qu’on sait faire. A peu près bien.

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