Le Douro, ce n’est pas que le Porto

Nous autres Français avons depuis belle lurette annexé le Porto – c’est un des rares vins étrangers (muté, certes, mais vin tout de même) que nous consommons en quantité – apparemment sans maux de ventre ni problèmes existentiels au niveau du vécu national, préférence, exception culturelle, etc… Même Arnaud Montebourg doit bien en boire de temps en temps.

Certes, ce sont généralement les qualités les plus basses que nous importons – le simple Ruby. Et pas les marques les plus prestigieuses.

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Les hauteurs du Douro (Photo © H. Lalau)

A l’inverse, des noms comme Taylor’s, Ramos Pintos ou Barros (sans parler de quintas comme Vargellas ou Infantado) restent peu connus et peu diffusés en France. Si vous les connaissez, c’est que vous avez soit un oncle portugais, soit une nanny anglaise ou que le virus vous a pris (mieux vaut celui du rabelo que celui de l’Ebola)  – bref, vous considérez  le Porto comme un vin plutôt que comme un petit apéro sympa, et je vous en félicite.

Car vous avez raison.

Par ailleurs, la région a connu ces 30 dernières années une grande mutation – j’ai choisi ce mot à dessein, vous pensez bien.

Nombreux sont les producteurs qui ce sont mis à produire du vin « sec », non muté, à savoir de la DOC Douro. Une diversification qui correspond à la fois à un changement de réglementation, au début des années 90 (la fin du monopole des Port Lodges et de l’interdiction d’embouteiller hors des chais de Vilanova de Gaia) et au bon sens paysan (ne pas mettre tous ses vins dans la même barrique, ou le même oeuf). Elle prolonge aussi une vieille tradition: bon nombre de grandes propriétés de Porto produisaient, et de manière fort ancienne, du vin pour leur consommation personnelle, une réserve familiale.

Quelques unes, comme Ferreira, en vendaient – c’était la fameuse Barca Velha (sans doute le vin portugais le plus réputé à l’époque); ou encore Champalimaud, avec son Quinta do Cotto. J’ai eu la chance d’en déguster à la fin des années 80. Je ne suis plus très sûr de l’appellation qui figurait sur l’étiquette, à l’époque. Je crois que la DOC Douro est venue après.

Aujourd’hui, le Douro a pleinement conscience du potentiel de ses vins secs. Les Douro Boys (Niepoort, Quinta do Vallado, Quinta Vale Meia, Quinta do Crasto – tiens, ils sont 5 aussi!) ont été les grands catalyseurs de ce mouvement. Mais il en est d’autres.

Quinta do Pessegueiro 2011

Premier arrêt, assez haut dans le cours du fleuve, voici la Quinta do Peissegueiro. Nous sommes entre Pinhão et Tua, mais de l’autre côté du fleuve, sur la rive Sud. Avec comme voisins quelques noms prestigieux comme Quinta do Noval, Quinta do Ventezelo, Quinta Nova…

Roger Zannier, le propriétaire, a fait fortune dans les vêtements pour enfants (Z, Catimini, etc…). En visitant des fournisseurs portugais, il est tombé amoureux du Douro. Il y a trente ans, il a acheté ce domaine – à l’époque, ça n’intéressait pas autant de monde qu’aujourd’hui. Pendant les 25 premières années, accaparé par ses affaires, il en a confié l’exploitation à la Quinta do Noval. Et puis, il y a quelques années, il s’y est vraiment investi personnellement; constituant une nouvelle équipe autour de Marc Monrose (directeur général) et de João Nicolau de Almeida (oenologue) digne rejeton d’une grande famille du Porto.

Au nez, ce 2011 présente énormément de fruit noir, légèrement compoté; et de jolies notes d’épice (romarin, sauge, thym, un vrai bouquet garni); en bouche, on admire la belle structure, mais surtout la finesse; quelques notes mentholées donnent à la finale fraîcheur et profondeur. Je pense à un pur sang dompté, certes, mais qui n’aurait rien perdu de sa fougue. Chapeau à João: c’est un sans faute.  Gros potentiel de garde, mais déjà très plaisant aujourd’hui. Saurons-nous résister à la tentation?

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 Quinta Da Foz Douro 2009

Deuxième arrêt, au  confluent du Fleuve d’Or et du rio Pinhao.  Cette quinta historique, ancienne propriété de la famille Cálem, est aujourd’hui dans les mains d’un groupe angolais. Elle compte 7 ha de vignes en forte pente. J’y ai séjourné dans les années 80. Et j’y ai dégusté le vin – je ne pense pas qu’il était commercialisé, à l’époque. Aussi, ce fut une belle surprise, la semaine dernière, de pouvoir goûter le millésime 2009, ce qui s’appelle à présente très officiellement  DOC  Douro.

Ne me demandez pas de comparer. Je n’ai plus mes notes de l’époque, si tant est que j’en ai prises. Et puis c’était le soir, et puis j’étais venu pour le Porto. D’ailleurs, je ne sais plus le millésime.

Quoi qu »il en soit, ce 2009 nous offre une explosion de framboise et de mûres. Ces fruits prennent le relais en bouche, sans aucun temps mort. Le boisé sous-tend l’édifice mais ne domine pas (malgré 18 mois passés en barriques de chêne français). Les tannins sont très soyeux, la puissance (15°, tout de même) se fait presque oublier sous l’élégance. Quelques notes d’eucalyptus en finale.

L’assemblage comprend Touriga Nacional, Touriga Franca et Tinta Roriz (alias Tempranillo). Trois des cépages le plus utilisés dans le Porto. Aussi ne s’étonnera-t-on pas de retrouver un petit air de famille.

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Quinta da Basília do Todão 2008 Old Vines Premium 

Troisième et dernier arrêt, encore un peu plus bas dans l’aire d’appellation. Les vieilles vignes de cette quinta longent, non pas le Douro, mais son affluent le Ceira. Elles sont plantées en terrasses sur sols de schistes, exposées à l’Est et au Sud. Pas très loin de la Quinta do Crasto, également à Gouvinhas, pour ceux qui dépassent non seulement la Porte d’Orléans, mais même, parfois, Cerbère…

Ce vin aséfuit par son joli fruité noir (cerise) et sa complexité en bouche. Rien d’étonnant : il assemble pas moins de 25 cépages (dont 30% de Touriga Nacional).

Juteux, fumé, un poil animal, le vin ne manque ni de vivacité, ni de puissance, ni de gouleyant. Le boisé (14 mois de barrique de 400 litres, bois français uniquement) est bien fondu dans le vin. La finale, sur la prune et la menthe, allie la fraîcheur et l’alcool. Fruité, il a pourtant aussi un je ne sais quoi d’austère, de réservé. Bref, je l’aime pour tout et son contraire, je l’aime tout court.

 

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Hervé Lalau 

 

2 réflexions sur “Le Douro, ce n’est pas que le Porto

  1. Je pense que le Douro recèle on potentiel énorme et produit déjà grand nombre de vins aussi remarquables que diversifiés. J’ai dégusté tout récemment la remarquable gamme de Quinta da Romaneira, par exemple. Cela fait trop longtemps que je n’y suis pas retourné. Va falloir monter un projet. les 5 dans le Douro ?

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