S’il n’en existe pas UN, peut-être en existe-t-il plusieurs. Certes, voilà une affirmation bateau. Trêve de plaisanterie et parlons de ces blancs attachants qui fleurissent sur les bords du lac Léman. De ces Chasselas qui sans prétention, sans en jeter, finissent par vous charmer.
Le Chasselas, un cépage sans intérêt…
Avant de rejoindre le concours qui leur alloue quelques médailles, j’étais comme beaucoup d’entre nous, des plus dubitatifs. Pour moi, Chasselas vaudois, Fendant valaisan, Pouilly sur Loire et Gutedel germanique, pour ne citer que les plus courants, n’offraient guère d’intérêt. Il a fallu un Suisse opiniâtre, voire deux, pour m’obliger à ouvrir les yeux, le nez et la bouche, sans toutefois aller jusqu’aux supplices moyenâgeux. Bref, de me convaincre de participer au Mondial du Chasselas.
J’en suis à ma deuxième participation et compte bien récidiver encore quelques années.
Le Chasselas, un cépage délicat
Le Chasselas n’est pas un cépage qui se donne facilement. Il faut en déguster une flopée pour en reconnaître toutes les subtilités. Il faut aller le chercher, l’amadouer pour pouvoir le séduire. Alors il sort de sa retenue et vous charme.
Le Chasselas c’est tout le contraire d’un Sauvignon qui vous en jette tout de go…
Pourquoi ne pas l’avoir compris plus tôt ? Simplement parce que les Chasselas rencontrés étaient issus de ces productions à gros rendements, vendus frisants et sans âme. Il en existe toujours, qui sont, pour reprendre la comparaison avec le Sauvignon, son parfait opposé. Quand ce dernier se farde à l’extrême, l’autre devient des plus insignifiants. Mais les assembler serait gâcher son temps.
Le Chasselas vieillit
Ce n’est pas parce qu’il offre peut d’acidité et que son pH est un peu haut qu’il ne possède aucune aptitude au vieillissement. La preuve, cette sympathique verticale du Clos du Rocher à Yvorne qui nous a plongé jusqu’à un plus de 30 ans en arrière (ndlr: à ce propos, notons que le domaine embouteille le clos sous capsule depuis 1990 – 25 ans de bons loyaux services qui prouvent que ce bouchage est tout à fait adapté aux grands blancs à potentiel de vieillissement. Et qu’on ne nous parle pas de la magie du « plop »: sur les trois vins bouchés liège, un était affreusement bouchonné – une belle moyenne!).
Clos du Rocher 2014
Un pet de CO2 pour un nez très floral et une bouche minérale, il a la facilité de la jeunesse qui masque aujourd’hui son potentiel.
Clos du Rocher 2008
Un éclat de silex qui embrase les fruits confits teintés de fenugrec, il se prolonge sur les épices, mais finit avec une pointe de sécheresse.
Clos du Rocher 2002
Le millésime n’a pas été catastrophique partout, le Vaudois s’est réchauffé au soleil et offre un caractère affirmé, une matière dense aux épices délicates et un envol floral des plus élégants.
Clos du Rocher 1998
L’âge lui apporte une complexité nouvelle où une amertume raffinée vient rafraîchir la bouche emplie de fruits confits bien épicés.
Clos du Rocher 1994
Très minéral, il garde un reliquat de carbonique voilé d’un léger fumé. Une pointe acidulée de gelée de citron soutient le développement fruité.
Clos du Rocher 1984
Peut-être le vin le plus complet de la série. Très confit, il évoque l’abricot sec, la chips de mangue, la gelée de poire, le tout bien relevé de poivre blanc et parfumé de livèche. Ici, la fraîcheur provient de l’impression iodée aux accents salins.
Clos du Rocher 1982
La cire d’abeille domine le nez comme la bouche et lui donne bien son âge. La tension minérale lui assure une excellente fraîcheur. Les fruits jaunes tel l’abricot sec et la pêche au sirop nous procure un réel plaisir buccal proche de la suavité.
Le Chasselas se prête aux différents contenants
Nous l’avons dégusté des Chasselas en cuve, en foudre et en barriques usagées, ce qui correspond aux usages traditionnels de vinifications et d’élevage. Plus récemment, quelques vignerons se sont procurés des œufs et des amphores. Les encaveurs, voire toute la Suisse, confondent les deux. Les premiers sont des contenants originaux construits avec un liant béton au taux de sable argileux important qui favorise la respiration du contenu. Les seconds sont des dolia appelé partout amphore et fait de terre cuite.
Les Chasselas vinifié et laissé dans ces contenants jusqu’à 8 mois offrent une structure plus ferme et un caractère plus affirmé, les deux soutenant avec plus de précision le dessin aromatique. Ce qui est intéressant, vu que la Chasselas n’est pas un vin qu’on peut appeler aromatique.
Bref, avec la concours et ses deux matinées consacrées à la dégustation, suivi de visite chez les encaveurs, notre connaissance du cépage s’est trouvée bonifiée.
Le challenge avait cette année lieu dans la magnifique château d’Aigle, tout au bout du Léman. J’y étais avec l’un des 5 qui pourra aussi vous en parler avec ses mots…
Merci Marc, de liquider au moins trois poncifs en un seul article:
1) Non, le Chasselas n’est pas que ce vin vite bu vite oublié, neutre et insipide que j’ai moi-même décrié par le passé. La finesse, ça s’apprend (je parle pour moi).
2) Non, le Chasselas n’est pas dépourvu de potentiel de vieillissement (au moins les bons). Mais pourrait-on dire des Bourgognes ou des Bordeaux qu’ils ont tous aptes à vieillir?
3) Non, la capsule à vis n’est pas à réserver aux petits vins à boire dans leur première année. Au contraire: si vous tenez à ce que votre vin vieillisse au mieux, amis producteurs, et si c’est un vin dont vous êtes particulièrement fier, raison de plus de le protéger. Vous améliorez constamment la maîtrise de votre production, de la vigne au chai, alors pourquoi accepter qu’unE vieille méthode de bouchage ne gâche tous vos efforts.
Les consommateurs et les sommeliers suisses se sont habitués à voir leurs grands crus sous capsules, alors pourquoi serions-nous plus obtus qu’eux?
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Super, Marco ! Je m’autorise simplement à signaler un Pouilly-sur-Loire (aop exclusivement Chasselas) de vignes adultes (20 ans) plantées sur silex (Saint-Andelain) de Thierry Redde en hommage à son grand père Gustave Daudin. Oui, ça donne de fort belles choses au bout de 5/6 ans… à condition de ne pas révéler le nom du cépage avant que tes convives n’aient achevé le premier verre. http://www.michel-redde.fr/vins/pouilly-sur-loire-gustave-daudin-1.html
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Très adéquate mise au point, Marc et tu as raison de montrer du doigt le rendement, certainement dans le cas du chasselas. Les dames Faller, malheureusement décimées, avaient l’habitude de montrer – sans laisser voir l’étiquette – le chasselas dont elles font aussi une mise. Très bon.
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Il y a des points communs avec le carignan. Le mode de production et le terroir font beaucoup sur le caractère du vin. Les carignans aussi ont connu une longue période de volume avec les 200HL/Ha et les 4 grappes pour remplir un seau de vendangeur. Jusqu’au jour où quelques vignerons de talent se sont penchés sur son berceau. La suite de l’histoire avec Michel pour le carignan. Marc, tu voudrais pas nous faire une spécialité du chasselas? Je goûterais bien le 1984 moi.
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Pourquoi 1984 Nadine ?
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Pour la « gelée de poire, le poivre blanc et la livèche » Et surtout pour sentir « la fraîcheur iodée aux accents salins ». Tous ces mots me titillent les papilles. Pour de vrai. Rien à voir avec mon année de naissance.
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Merci Nadine, faudrait que je fasse un triple accord Chasselas et fromages par exemple. Par contre, du 1984 j’en ai pas mais du plus récent oui. On s’en dégustera une bouteille.
Marco
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Marc a déjà eu un lecteur qui voulait déguster le côté amer des caramels, maintenant c’est la NFA qui veut de l’iode salée et qu’elle ait le goût de son année de naissance, en plus ! Hors sujet, vous connaissez le penchant de Léon pour la taquinerie et le grivois. Donc, d’accord avec Gainsbourg, je goûterais bien un peu de 69, moi !
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à l’aveugle?
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