Le vin d’Issy et les enfants dans les vignes

Issy vendanges 2 (1)Briefing des jeunes vendangeurs au pied des vignes par Yves Legrand

L’absurde vague de puritanisme et de protectionnisme qui nous entoure, en tentant d’étouffer toute forme de spontanéité, de plaisir et de joie de vivre, n’a pas encore eu raison des vendanges organisées chaque année par Yves Legrand, au Chemin des Vignes à Issy-les-Moulineaux, tout près de Paris. Car les raisins de ses 250 pieds de vigne (chardonnay et un peu de pinot gris) sont cueillis et foulés chaque année par les enfants d’une classe de CM2 de cette ville, aux destinées de laquelle préside – depuis longtemps – André Santini.

Non, Mesdames et Messieurs les censeurs, ces enfants ne boivent pas le vin! Mais ils peuvent goûter (avec beaucoup de modération), le jus sucré qui coule du pressoir à cliquet, palper les belles grappes et sentir les baies éclater et libérer leur jus sous la pression de leur pieds nus. Quelle honteuse sensualité !

Issy vendanges 2 (2)

raisins au fouloir

foulage

foulage 2

Le projet un peu fou d’Yves Legrand, par ailleurs Président du Syndicat des Cavistes Professionnels de France et aussi sportif de haut niveau au long cours (oui, Messieurs et Mesdames les rabat-joie, on peut l’être et boire du vin), a vu le jour le 14 février 1989 : une St. Valentin, jour idéal pour lui qui aime tant les symboles. C’est alors qu’il planta les premiers pieds de vigne sur la pente assez abrupte, aménagée en terrasses, qui descend de la ligne RER Paris-Versailles au lieu-dit « Chemin des Vignes ». Car tous ces coteaux qui longent la Seine furent, autrefois, couverts de vignes. Aussi,  sur son lopin de terre surplombant les immenses galeries de stockage de vin qui constituent l’activité principale du lieu, Yves souhaitait perpétuer cette tradition millénaire.

vider dans le pressoirMathieu Legrand et un membre de la Confrérie remplissent le pressoir…

Le premier vin d’Issy (mieux vaut ça que l’eau de là) de l’ère contemporaine fut récolté en septembre 1992 et vinifié dans une feuillette achetée d’occasion chez Vincent Dauvissat, à Chablis. Bon an, mal an, la récolte au Chemin des Vignes produit entre 100 et 150 litres et se tient remarquablement bien, comme j’ai pu le constater il y a quelques années lorsque j’ai pu en déguster les 10 premiers millésimes. Depuis quelques années, Yves ne chaptalise plus et le raisin titrait 12,5% naturel cette année. Il change sa pièce de 125 litres tout les 3 ans, se fournissant directement chez un tonnelier recommandé par Dauvissat, et vinifie d’une manière simple et naturelle (oui, je le sais bien, le naturel n’est pas nécessairement bon, mais cela convient dans ce cas précis, et il sait employer le soufre à bon escient). Le produit n’est pas à vendre, sauf dans la boutique du Chemin des Vignes, au prix de 25 euros les 50 cl, et chez quelques restaurants étoilés à Paris. Oui, c’est un produit de luxe mais l’affaire ne fait pas de bénéfice, étant gérée par une association loi 1901 sous forme de Confrérie.

vérification… et cela coule, d’une source visible

Pour moi, l’intérêt de ce vignoble est peut-être ailleurs, et surtout dans ce bain d’initiation au travail du vin offert à une classe d’enfants citadins chaque année. Voir de la vigne, récolter des raisins, les fouler, les presser et voir le jus couler dans une barrique est bien sûr un condensé de l’activité dure et durable du vigneron, mais cela touche à sa finalité: une production issue d’une transformation maîtrisée mais très liée à la nature, au départ. Et au sens d’un travail d’équipe qui mène un projet au bout. Car la participation des enfants ne s’arrête pas là. Chacun dessinera une des étiquettes qui vont habiller ces petits flacons par la suite, chaque bouteille étant donc une pièce unique. Ce n’est pas rien !

David Cobbold

(texte et photos)

10 réflexions sur “Le vin d’Issy et les enfants dans les vignes

  1. Et pourquoi ces enfants ne pourraient-ils pas DEGUSTER un peu du vin lui-même? Il n’est pas question de leur faire ingurgiter de grandes quantités d’alcool, mais un tiers de verre (4 cl) de bon vin – non coupé d’eau – ne leur fera aucun tort (ne pas le boire sur un estomac vide, ni avec des boissons gazéifiées) et les mettra en contact avec un élément culturel important, et une valeur traditionnelle de la vieille Europe et de la France, non puritaines.
    J’ai été élevé durant les 10 premières années de mon existence par une grand-mère qui était ex-institutrice et « plutôt sévère ». J’ai toujours été tenu de goüter aux vins présentés à table, depuis l’âge de 4-5 ans et cela ne m’a pas transformé en ivrogne. Mes premières soulographies datent de la fac’, et c’était à la bière!

    J’aime

  2. Il existe une très rare et alléchante BD sur LE VIN POUR les enfants… Madame VIDAL du Chateau de LA LIQUIERE (« belle histoire de famille dans le territoire de Faugères ») me l’a fait découvrir il y a quelques années… Je ne me souviens plus du titre du remarquable ouvrage, quelqu’un a-t-il une info là-dessus ?

    J’aime

  3. Avant, il y a très très longtemps on coupait beaucoup le le vin avec de l’eau pour le donner aux enfants. Maintenant, Coca a pris la place… Croyez-vous qu’ils seront consommateurs de vin plus tard? Non…
    Avant, les enfants allaient à la pêche avec le grand-père ou le cousin, maintenant ils restent devant les jeux vidéos…
    L’initiative de Legrand est une bonne initiative; mais allons plus loin pour protéger nos enfants et copions les Canadiens qui ont tout compris….http://vinpur.com/view.php?node=504

    J’aime

  4. Je trouve plus malin d’apprendre à son gosse à apprivoiser le vin, à le pratiquer avec modération et esprit critique, comme on lui apprend à faire du vélo (dangereux, le vélo, on peut tomber ou se faire renverser!), ou de la mobylette (encore plus dangereux!), ou à faire du ski, ou que sais-je, plutôt que d’interdire (et de ne pas savoir ce qu’ils font derrière votre dos). Evidemment, ça demande une surveillance de la part des parents, une éducation… Education que l’école n’est pas la seule à devoir donner.

    J’aime

  5. Je ne sais pas si le canadiens ont tout compris, mais le programme Educ’Alcool est une excellente approche, qui n’interdit pas de parler de l’alcool dans les écoles, ce qui est bêtement censuré en France. J’étais content de voir qu’un des possibles futurs candidats à la prochaine élection présidentielle en France, qui est actuellement Maire de Bordeaux, a été fait ambassadeur pour ce programme.

    Comme Luc, on m’a fait humer, puis déguster, du vin assez jeune, mais à partir de 7 ou 8 ans seulement. Cela ne m’a pas jeté dans les bras de la soulographie : j’ai même horreur de cela.

    Plis généralement, nous qui sommes convertis à l’intérêt gustatif et culturel du vin, nous ne devons pas sous-estimer la puissance du lobby anti-alcool en France. Ils sont manifestement très influents auprès de l’actuel Ministre de la Santé et ils ont des moyens et peu d’honnêteté intellectuelle.

    J’aime

  6. Est-ce le lobby anti-alcool ou bien au contraire le lobby des alcools forts de MARQUES, genre Pernod-Ricard? Cela mérite une vraie analyse. Mais il est près de 22 h, Je me suis levé à 5 h 30′ et nous avons fini le rosé ==> bonne nuit.

    J’aime

  7. Non Luc, le lobby hygiéniste et anti-alcool met tout produit contenant de l »alcool dans le même sac. Il suffit de regarder les propositions de loi santé, ou les procès intenté par l’ANPAA, pour le voir. Bonne suite de vendanges.

    J’aime

  8. Ping : Le vin d’Issy et les enfants dans les vignes | Wine Planet

  9. Ping : Mondes du vin | Le vin d'Issy et les enfants dans les vignes

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.