Comté à l’apéro, osons-le !

À midi ou en soirée, l’apéritif reste le moment privilégié. Pourquoi ne pas prévoir du Comté pour l’accompagner, mais pas en cubes ! C’est l’exercice que j’ai proposé jeudi dernier dans une sympathique brasserie bruxelloise, le Classico. www.classico-la-brasserie.com

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L’apéritif est un truc vieux comme le monde

Du latin aperire qui signifie ouvrir, l’apéritif ouvre littéralement notre appétit, mais délie aussi les langues. Les conversations aidant, les bouches se font gourmandes et se réjouissent de voir accourir le Comté démultiplié en bouchées, amuse-bouche, snacks et autre zakouskis …

À l’image des Anciens, des Grecs aux Latins, nous consommons durant l’apéritif, des vins secs ou doux, mais aussi des vermouths (vin mélangé d’absinthe, le wermut) comme déjà les Allemands au 12es ou les Italiens vers la fin du 18es. La France y ajoute la quinine au 19es comme Dubonnet. Depuis, les boissons apéritives se sont démultipliées.  Alcools, breuvages anisés, effervescents, cocktails, bières, … sont monnaie courante, sans oublier les sirops, jus de fruits ou de légumes, les menthes à l’eau pour les non alcoolisées.

Apéro au Comté

Au menu, quelques boissons apéritives accompagnées chacune d’une préparation au Comté.

Comté fruité 9 mois d’Entremont (facile à trouver)

De teinte ivoire pâle, sa pâte offre une texture souple. Son odeur nous rappelle le lait frais parfumé de notes florales et délicatement fruitées, soulignées d’une pincée de poivre blanc et de quelques grains de cumin. Sa fraîcheur et sa légèreté se nuancent d’une goutte de moka, de pâte d’amande, de la saveur douce et suave du lait tiède au miel, puis évolue encore vers des impressions minérales qui renforcent son jeune caractère.

Beaujolais Blanc du Domaine Dominique Piron et Noix de Saint-Jacques gratinée au Comté

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Sa teinte lumineuse accapare le regard. Un effluve grillé saute d’entrée au nez, quelques champignons des prés viennent ensuite le chatouiller, fougère, amandes pilées, biscuits salés suivent la ronde parfumée jusqu’à la pointe iodée. La fraîcheur buccale tend illico la structure, aérienne, mais bien ancrée, elle se meuble de silex et d’argile pour le minéral, de sous-bois et d’aiguilles de pin pour le végétal, de poire, de noisette et d’amande pour le fruité, d’aubépine pour le floral. Un vin droit, franc et net qui n’oublie pas d’être aussi gourmand. www.domaines-piron.fr

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L’accord : Le Comté à l’image d’un petit couvercle déposé sur la Saint-Jacques emprisonne ses saveurs. Saveurs qui se voient renforcées par les épices du fromage. Quant au vin, son onctuosité se marie spontanément avec celle du coquillage et de la pâte fondante. Le Beaujolais apporte sa fraîcheur à la bouchée et révèle les accents iodés de la Saint Jacques teintés des goûts grillés et fruités du Comté.

Crêpe au jambon et au Comté accompagné d’un diabolo fraise (il faut penser aux enfants et aux potes qui n’apprécient guère les boissons alcoolisées)

Rouge vermillon aux bords frisants de bulles mousseuses, le Diabolo respire la fraise et nous rappelle notre enfance. Sa fragrance citronnée rafraîchit l’atmosphère nasale et tempère l’hégémonie de la fraise. Pareil en bouche, la douceur acidulée se partage entre la baie et l’agrume.

Accord : On hésite entre 10 h et 4 h, dessert ou en-cas. Nous revoilà un instant enfant, savourant cet accord sucré salé qui dès la première bouchée nous désarçonnait, mais dont bien vite l’agréable contraste nous plaisait. Rien n’a changé. Sauf qu’aujourd’hui, le Comté renforce souligne la baie du breuvage, l’épice de poivre, le rend plus « adulte ».

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Comté de 14 mois de l’affineur Marcel Petite

Sa couleur jaune ivoire évoque l’abondance de l’été, sa texture reste souple et s’écrase à peine entre deux doigts. Son odeur acidulée nous rappelle l’écorce de citron, la confiture de groseille à maquereau, puis viennent les impressions grillées du foin après la récolte, de la croûte de pain frais, du lait encore chaud. La bouche ajoute un relief et un goût minéral de calcaire éclaté, puis le léger râpeux de la châtaigne concassée agréablement sucrée. Le sel reste discret.

Rouleau de printemps en iceberg au Comté parfumé de sureau et nectar de poire William Jean Louis Bissardon

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Un jus biologique issu de poires William qui poussent dans les Coteaux Lyonnais. Velouté et frais, il séduit d’emblée par sa suavité, le goût intense du fruit. Ce jus a de la mâche, de la densité et une agréable longueur qui imprime le goût du fruit au creux du palais. www.bissardon.fr

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L’accord : Les jeux de textures du rouleau contrastent avec la fluidité du jus. Ce dernier y trouve une «douceur fraîche» égale à la sienne initiée par la combinaison sureau/iceberg. Le Comté vient arbitrer cette articulation particulière en créant le lien entre les arômes, le croquant et la fraîcheur, sans négliger d’y mêler son moelleux, ses épices, sa douceur qui mène à l’harmonie gustative.

Biercée Bitter mélangé de jus d’orange et carpaccio de veau au Comté, pignons grillés et roquette

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La mode de l’amer revient jusque dans nos contrées et c’est la Distillerie de Biercée qui lance le premier en Belgique. Un bitter très consensuel que le distillateur décrit comme fruité.

Couleur corail, il rappelle le Gancia pour le fruité et le Campari pour le côté végétal amer, avec très rapidement la gentiane qui prend le dessus. La douceur, si elle a du mal à percer, reste néanmoins bien présente, mais en fond de bouche, presque en décor avec toutefois une note de chocolat qui apporte de l’onctuosité. Les fruits rouges eux assurent la légèreté, l’élégance.  www.distilleriedebiercee.be

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L’accord : L’amer prend tout de go ses habits de terre en révélant sans détour le goût prononcé de la gentiane. Les fruits rouges ont beau faire, il faut toute la puissance retenue du Comté pour endiguer l’offensive du breuvage. Mais l’orage passé, tous les acteurs ont droit au chapitre et s’expriment alors en chœur. Chœur orchestré par la Comté qui relève de ses épices la fraîcheur carnée du veau, modère de sa crème le piquant de la roquette, torréfie un peu plus les pignons et sublime par sa douceur lactée le goût amer du Bitter. Un maelström aromatique que les papilles ne sont pas prêtes d’oublier.

Comté de 18 mois de l’affineur Marcel Petite

Un Comté de fin d’hiver à la teinte ivoire nacré. Sa texture crémeuse s’écrase souplement entre les doigts. Son odeur parle d’épices douces presque orientales, cumin, curcuma et muscade qui rehaussent les senteurs de crème de lait et de pâte d’amande. La bouche inverse le dialogue et débute par les arômes lactés soulignées par le trait amer de la réglisse. Suivent les notes iodées comme un embrun salé, les torréfiées qui hésitent entre moka ou chicorée, les fruitées qui préfèrent les noix et noisettes aux pommes tapées.

Champagne brut millésimé 2006 Chassenay d’Arce et crumble salé à la poire et au Comté

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La robe mordorée teintée d’émeraude se tisse de mille bulles en cordons serrés.  Le nez bien fruité, floral et grillé développe des senteurs d’abricot, de bigarreau confit, de confiture de mirabelle, de pain juste grillé. Une impression de sève iodée inonde la bouche, boostée par une fraîcheur citronnée qui lui donne une dynamique surprenante. Viennent ensuite noisette et pistache qui apportent du croquant. La longueur se brode de pomme tapée, d’un trait de réglisse qui affûte encore les perceptions florales et épicées. www.chassenay.fr

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L’accord : Un crumble audacieux, tout en contrastes. Certes l’efficace duo croquant/moelleux plaît simplement, mais il sert ici d’assise au couple poire /Comté. Une paire sucré/salé qui accroît les sensations gustatives et génère une impression particulière. Celle de la bulle rendue « pointue » par le grain de sel du crumble au Comté. Elle affute les papilles qui discernent alors sans hésiter toutes les épices mêlées du fromage et du Champagne, l’élégance de la poire.

Cocktail gin de la distillerie de Biercée et Tonic Mediterranean de Fever Three sublimé par un chips de Comté peinture de tomate et feuille de basilic

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On perçoit avec précision la note bien reconnaissable de la baie de genévrier. Une note florale de guimauve apporte une élégance délicate au gin. Le poivre blanc reste bien présent. La bouche entre stricte et suave tempère toutefois l’amertume de la réglisse. La fraîcheur en est étonnante, mélange de zestes aux goûts de citron et de mandarine avivé encore par une feuille de menthe. La longueur conserve le poivre et sublime la baie de genévrier qui ne nous avait pas délaissés. www.distilleriedebiercee.be

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L’accord : Le Comté a mis son habit gratiné aux accents sudistes et accompagne avec grâce et distinction le Gin. Chips craquant, il enveloppe pourtant la succulence des baies de genévrier et de poivre, il ajoute ses propres épices redessinées par la tomate et dynamisées par le basilic. Quant au tonic, il rafraîchit le duo tout en nuançant les amers des partenaires.

Comté de 24 mois de l’affineur Seignemartin

Couleur jaune ivoire prononcé moucheté de concentrations de tyrosine. Texture relativement cassante, mais qui garde de l’onctuosité. Odeur de bouillon de viande relevé d’oignon frit et nuancé d’un rien de cuir, de fumé et de fèves de cacao torréfiées. Bouche puissante qui retrouve aussitôt le suc de viande bien relevé par l’ambiance salée, s’y ajoute des épices, tels la cardamome, les graines de coriandre et le poivre noir, le tout souligné par le bitter racé de la gentiane poudrée de cacao.

L’Absinthe de François Guy parfume la soupe froide de petit pois, feuille de menthe et copeaux de comté

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L’absinthe fut interdite en Belgique en 1905, en Suisse en 1910, aux États-Unis en 1912 et en France en 1915. Elle ne fut par contre jamais prohibée au Royaume-Uni, en Europe du Sud et de l’Est. Aujourd’hui, la voilà de retour.

D’une transparence vert jaune très pâle, l’absinthe se trouble dès les premières gouttes d’eau sucrée. On y plonge avec impatience le nez pour se délecter des parfums d’anis, de chrysanthème, de réglisse et de fougère, dominés par l’odeur un rien terreuse de l’absinthe. Le sucre exalte les arômes de plantes et tempère l’élan amer du breuvage. Amertume légère qui installe une fraîcheur agréable qui exacerbe les saveurs et dynamise le mélange sucré. Une longueur délicate et surprenante termine le rite absinthique.  www.pontarlier-anis.com

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L’accord : Un bouquet printanier, voilà l’effet que produit en bouche la combinaison de tous les arômes végétaux qui se mélangent sur les papilles. Les copeaux de Comté, telle une puissante nuée de cristaux de neige, s’évanouissent dans la soupe pour mieux fondre sur la langue et rafraîchir par leur épice, leurs goûts fumé et torréfié, la note sucrée du pois. Un accord à la fois gourmand et frais.

 

Voilà, il y a de quoi faire son choix, depuis les classiques bulles ou verre de blanc aux plus inhabituels amers ou absinthes. Il reste encore pleins de boissons apéritives ou autres à marier avec le Comté qui aime les expériences variées. Les pistes sont ouvertes, à chacun son parcours expérimental.

 Ciao

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Marco

5 réflexions sur “Comté à l’apéro, osons-le !

  1. Moi j’ai osé, j’y suis allé, j’ai expérimenté les accords de Marc, et je n’ai pas regretté!
    En passant, un coup de chapeau à Dominique Piron pour son Beaujolais blanc; j’ai eu l’occasion de le déguster en même temps que deux Bourgognes blancs (dont un Corton), et ce jour là, c’est le « petit Beaujolais », ce « sans-dents » de la Grande Bourgogne, qui était largement au dessus des deux autres, tant pour la pureté de son fruit que pour son équilibre gras acidité. Ce blog n’étant pas fait pour les buveurs d’étiquette, je crois qu’il fallait le souligner.

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    1. Cela s’est passé en Belgique et le Comté avec la Gueuze et la Kriek, j’ai déjà fait. Et comme je l’ai écrit, ce texte n’est qu’une incitation à expérimenter une multitude de pistes. Merci en tous les cas pour la suggestion, qui est une bonne suggestion, tant qu’on utilise une vraie Gueuze.
      Marco

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