De l’importance du vide

Le vin s’est bu et se boit encore dans toutes sortes de contenants. Cela va du pot de confiture recyclé au cristal du plus pur Bohême. Dans cette lignée cristalline, Riedel propose une gamme au maniérisme épuré.

La série Vinum XL

Et plus particulièrement l’XL Cabernet Sauvignon

Le pied haut, un volume démentiel juché dessus, jugez-en 265 mm en hauteur pour une capacité de 1.060 cm3, de quoi flirter avec les cieux… Un bel objet, certes, élégant, racé, à la transparence éclatante. Mais son coût vaut-il son effet ?

Vinum-XL-Cabernet-6416-00

L’XL C/S en lice

Y déguster l’un des plus célèbres cépages internationaux sans comparaison n’offrirait qu’un luxe hédoniste sans réel fondement. Voilà donc notre superbe hanap en concurrence avec un verre INAO classique, le Spiegelau le plus courant et un Schott série Viña. Mon comparse Hervé prit part à cette dégustation, ce fût mon « candide », mon témoin, des fois qu’on me croit facétieux.

Premier vin : Cabernet Sauvignon 2008 Terrapura Central Valley Chile

Verre INAO : Ce 100% Cabernet offre une robe cramoisie, un nez de cerise à l’alcool avec un soupçon de cannelle, une bouche souple rafraîchie par le fruit, une petite note végétale en finale.

Verre Spiegelau : le rubis de la robe apparaît plus éclatant, le nez se nuance d’épices en ajoutant réglisse et cumin, la bouche reste assez similaire.

Verre Schott : robe pareille au précédent, le nez moins expressif par contre, c’est en bouche que la différence se fait, le fruité apparaît plus net avec l’accent mis sur les épices.

Verre Riedel : le rubis éclate de mille feux, ce qui est logique vu la plus grande surface aperçue, le nez semble plus mûr avec des notes de vanille et de cacao, le fruit se complexifie et ajoute framboise, fraise et groseille à la cerise initiale. En bouche, l’impression de plénitude apporte un confort absent précédemment, un trait animal au goût de cuir mâtiné de quinquina renforce le caractère du vin, enfin le goût végétal a ici totalement disparu.

Au Chili, on y va mais sans l’XL !

Une grande bouteille pour un grand verre …

O Esterhazy Estoras rot 05 F

Deuxième vin : Cabernet Sauvignon 2006 Estoras Domaine Esterházy Burgenland Autriche

Verre INAO : rubis moyen, nez simple certes fermé, tanins souple en bouche, un joli fruit sans plus.

Verre Spiegelau : rubis plus éclatant, le fruit se définit mieux, cerise confite, confiture de fraise, avec du cumin et du poivre noir. En bouche, on ne pense même plus aux tanins, leur soie sert simplement de décor aux dessins fruités, motifs très élégants aux contours épicés.

Verre Schott : robe égale, du fruit et des épices, mais sans l’ampleur du précédent, bouche souple et fraîche avec une persistance plus importante, les tanins se ressentent plus présents, plus accrocheurs, cela donne un grain rustique au vin et renforce son caractère.

Verre Riedel : bel aplat rubis lumineux, l’épice et le boisé grillé de l’élevage parlent en premier, mais toutefois avec modération, le léger toast au poivre cède rapidement l’espace nasal aux gelées  et aux confitures de groseille, airelle, fraise et cerise. Plus fine et plus élégante, la bouche amincit le fruit en le fortifiant, il s’ensuit une déclinaison aromatique qui orne de ses baies charnues l’espace buccal. La fraîcheur aide beaucoup cette installation fruitée.

Conclusions :

Preuve est faite que le contenu dépend du contenant ! Du moins quand on parle «dégustation».Le Vinum Riedel grâce à son ouverture large permet au nez et à la bouche d’investir le vin, de l’appréhender dans toute son atmosphère volumique. En résulte une plénitude due aux perceptions boostées par cette « plongée » physique du nez et de la bouche qui dans ce cas jouissent de concert des qualités du vin. Le volume énorme du verre l’explique, le vin y jouit d’une surface de volatilisation des arômes beaucoup plus grande, avec le nez juste au-dessus et la bouche à la réception. C’est sans conteste un avantage infaillible. Les Spiegelau et Schott sont un bons compromis, certes moins coûteux et moins fragiles. Le Riedel se réserve pour les belles occasions, celles où l’on met tous les atouts sur la table pour satisfaire les sens en éveil des invités. Le flacon plus exceptionnel, le plus rare ou le moins habituel se partagera avec une attention et une considération qui révèleront jusqu’à ses plus infimes qualités.

PS. Vu le prix, certes relativement modéré pour un Riedel de cette taille, il est toutefois intéressant de le soumettre à d’autres cépages «costauds». L’expérimentation avec un Tannat uruguayen s’est avéré concluante, le même développement fruité épicé est apparu avec un volume accru en bouche.

Ciao

Marc

5 réflexions sur “De l’importance du vide

    1. Il existe un spécial X/L Pinot Noir que je possède d’ailleurs et qui fonctionne bien avec les grands Bourgogne, mais mon interrogation est quel vin ne fonctionne pas avec ce type de verre, ils sont tellement « immergeant » que même un petit Bourgogne s’en trouvera transfiguré. Il est toutefois vrai qu’un Grand devient une œuvre d’art…

      J’aime

  1. Moi, je recommande un petit spencer en velours noir et des hauts de chausse ou un pourpoint brodé or. Stop it !
    NB : je ne nie PAS du tout l’influence du verre, c’est de la physique. Mais assez de barnum.
    Le but du verre INAO, c’était de standardiser et qu’il soit neutre. Bon, ce n’est pas un bon verre pour se faire plaisir et il est trop petit, ça, c’est sûr.
    Faut-il encourager le lecteur lambda à remplir une armoire de verres de forme et de type différents ? Sans doute pas plus qu’on n’a besoin d’un couteau à poisson de rivière et un couteau à poisson de roche !
    Sauf si les verriers/cristaliers allemands, autrichiens ou bohémiens sont vos annonceurs, bien sûr.

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.