Le vin arménien, par delà l’histoire

La semaine dernière se tenait à Bruxelles une dégustation de vins arméniens organisée à l’instigation de l’Ambassade d’Arménie en Belgique.

C’était pour moi le premier contact avec les vins de ce petit pays du Caucase, dont les recherches archéologiques les plus récentes nous apprennent que c’est là qu’ont été trouvées les traces les plus anciennes de vinification (à peu près 6.100 ans).

Noé

L’ivresse de Noé (Chroniques Mondiales de Nuremberg)

Entretemps, la patrie de Noé a connu pas mal de vicissitudes, de passage et d’invasions, pas toujours favorables au vin – la période ottomane, bien sûr, mais aussi la période soviétique, au cours de laquelle le pays était devenu un gros fournisseur du grand frère russe… mais surtout pour le brandy. Jusqu’aux années 1990, la viticulture locale fonctionnait majoritairement pour la production d’alcool.

605px-Emblem_of_the_Armenian_SSR.svg

Clin d’oeil de l’histoire: la République socialiste soviétique d’Arménie avait mis une grappe de raisin sur ses armoiries

Avec la fin du communisme, est venue la baisse des importations russes. L’Arménie se tourne donc vers d’autres marchés – mais le processus est assez lent.

Sur la foi de ce que j’ai dégusté, tous les produits ne se prêtent pas encore à la conquête du consommateur occidental moderne.

Primo, quelques cuvées présentées souffraient de tares évidentes (piqure acétique, oxydation précoce, déviations);

Plus grave, à mon sens, la plupart des vins souffraient d’un manque de définition – sucre résiduel mal fondu pour une bonne partie des blancs, déséquilibre entre nez et bouche pour pas mal de rouges, impression de chaleur, de verdeur des tannins, alcool envahissant, rudesse. Je ne suis pas contre une certaine dose de rusticité, mais trop n’en faut!

Vous me trouvez dur? Je pense de mon devoir de faire savoir à nos amis arméniens que de gros efforts restent à faire. Personne n’attend les vins arméniens sur nos marchés. Si nous les achetons, ce ne sera pas pour leur origine, que nous ne connaissons pas, ni pour le glorieux passé, mais pour le contenu dans la bouteille, hic et nunc.

armenie1

Le vignoble arménien se situe surtout au Sud du pays (Armavir, Ararat, Vaïots Dzor et Siounik)

Bande d’amphorés!

Il y a avait heureusement des exceptions à ma déconvenue générale.

Les Areni de Takar, d’Ar Mas, de Maran (Cuvée Bagratouni) et de Zorah (cuvée Karasi), notamment, qui combinent des arômes de fruit mûr assez inhabituels (grenade, figue verte) et une belle fraîcheur – mention particulière pour la Karasi, très pur et d’une belle minéralité (serait-ce l’élevage en amphores?).

Ces exceptions démontrent qu’il y a une place pour l’Arménie sur l’échiquier mondial du vin; pas seulement en hommage pour son passé de précurseur, mais pour la touche originale apportée par ses multiples cépages autochtones, notamment l’Areni, par ses pratiques culturales et de vinification originales.

En effet, on a affaire à un vignoble de montagne (l’altitude moyenne du pays est de 1800m), où la vigne souffre à la fois de longs hivers très froids (au point qu’on l’enterre souvent en hiver) et de la chaleur de l’été. Les cépages locaux y sont les mieux adaptés, et c’est sans doute la chance de ce pays de les avoir conservés; le consommateur mondial est un peu saturé des grands cépages internationaux et est prêt à découvrir autre chose.

 

2308004085

Mon préféré

Cette « autre chose », l’Arménie peut la fournir – avec une autre originalité – qu’elle partage avec la Géorgie voisine: la vinification en amphores. A l’heure où des producteurs européens redécouvrent le vin orange, les Arméniens, eux, ne l’ont jamais vraiment délaissé.

Le défi, cependant, sera de polir ces joyaux un peu bruts, ce potentiel, pour mieux les faire briller.

Cela passe sans doute par une phase de sélection des meilleurs cépages à vin – tous ceux qui ont été utilisés pour les brandies et les vins mûtés ou pomegranates ne sont pas forcément les plus adaptés à des vins élégants; par une meilleure maîtrise de la matière première (inertage de la vendange, tables de tri…) et de l’outil – qu’on utilise des foudres, des barriques, des cuves inox, des cuves ciment ou des amphores, les règles de base de l’oenologie s’appliquent – propreté, contrôle des températures et des fermentations…

Un peu de « benchmarking », aussi. J’ai donné mon sentiment sur les vins dégustés – il serait utile d’avoir l’avis d’un panel complet de dégustateurs aguerris, sur les différents marchés potentiels.

Moyennant quoi on pourrait reparler des vins arméniens.

Hervé Lalau

6 réflexions sur “Le vin arménien, par delà l’histoire

  1. jp glorieux

    On touche peut être ici à la résurgence gustative de ces mythiques vins antiques que l on coupait d eau bien souvent .
    Ah le Goût des Autres !!

    J’aime

    1. Luc Charlier

      C’est facile de se procurer ces vins. Ils sont importés par le …. Aznavour Club! Tu as donc bien fait de coucher tes commentaires sur le papier, Hervé. On parlera longtemps encore de ton papier d’Arménie.

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.