Est-ce que l’été sera bleu?

Je reçois régulièrement, comme beaucoup d’entre vous j’imagine, les offres de différents sites de vins – sites espagnols, dans mon cas.

Régulièrement nous avons droit à la liste des «Top Ventes», et à chaque fois, je m’étonne de ne pas en connaître la moitié; et je me dis que nous autres professionnels vivons souvent à côté de la réalité du marché.

Alors que nous cherchons à faire connaître, voire à imposer dans nos rayons, ou dans nos papiers, des vins que nous estimons représentatifs d’un terroir, ou au moins le reflet de l’attachement d’un vigneron à sa terre, des vins qui ont une âme et un vrai goût, des vins qui se veulent différents, en voyant ce que que sont les meilleures ventes de ces sites, je me dis qu’il reste encore beaucoup de travail à faire, en admettant que nous détenions une « certaine » vérité en matière de goût. Ce dont, quand même, et sans prétention aucune, je demeure persuadée.

Simplement, il faut admettre qu’il existe plusieurs publics, que le nôtre est tout petit, et, qu’il faut que nous menions un combat incessant pour l’agrandir.  Cela ne doit  pas nous empêcher de respecter l’autre, qui se laisse trop souvent distraire. Tout ce petit laïus, pour en revenir  à une des  dernières offres d’UVINUM, qui m’a laissée pantoise:

 Pasión Blue Chardonnay (Vino Azul) 2015 Sin DO (España)

Pasión Blue Chardonnay 2015, c’est un vin blanc, soi-disant élaboré avec les meilleurs chardonnays de 2015!  L’histoire ne raconte pas d’ou ils viennent, ni le nom du domaine.

Description du vin : hétérodoxe, futuriste, différent… la liste d’adjectifs pour définir ce vin est interminable! Et, je ne vous parle pas du nombre d’articles et de commentaires que j’ai trouvé sur le Web en cherchant qu’elle était la bodega qui pouvait bien produire ce vin BLEU…

C’est la bodega Santa Margarita, située en Castilla et León, qui est à l’origine de ce vin, mais il n’est pas encore présenté sur son site. Je lis sur UVINUM, qu’il est vinifié comme un rouge, le secret réside dans la manière d’obtenir la couleur : grâce à un processus complexe, sans l’aide d’aucun colorant artificiel, on a ajouté de l’anthocyanine -des pigments organiques présents dans la peau du raisin- mais aussi des pigments naturels comme l’indigo. Pas d’autre explication.

Autre argument commercial, il ne titre que 11,5º.

Et, cerise sur le gâteau, il est noté 5/5 par les clients d’ UVINUM.

pasion-blue-chardonnay-vino-azul

J’ai réussi à m’en procurer une bouteille: sa robe est d’un bleu clair, et ne me donne aucune envie d’y tremper mes lèvres; le nez est assez peu aromatique, plutôt synthétique, sans intérêt; la bouche est diluée, et la finale est acidulée, sucrée.

Le commentaire qui va avec : «un vin osé, facile à boire, à déguster sans idées préconçues, différent et unique» n’est pas faux.

Sauf que s’il y a ajout d’un colorant, ce n’est plus du vin, officiellement.

Alors je ne m’offusque pas, mais, simplement, en ce qui me concerne, je lui donne 1/5 : d’abord la couleur me rebute, ne me donne pas envie de le boire; le nez est certes assez frais, mais cette douceur, et cette dilution sont loin de me convaincre et encore moins de me séduire. Je reconnais pourtant qu’il  pourrait plaire à certains palais novices, qu’il aurait attiré par son marketing de la couleur. J’espère qu’il les incitera quand même à boire d’autres vins… je veux dire, de vrais vins.

Pasión Blue, 6,60€/la bouteille en Espagne

En France, c’est Gïk Vin Bleu, qui est proposé sur les sites : «Cet été le vin ne sera pas rosé mais bleu», chaque bouteille de Gïk livrée coûte 10 euros. Un vin qui a fait le buzz sur internet : «la nouvelle tendance de l’été 2016», «la boisson qui bouscule le monde du vin»… et dire que j’ai failli passer à côté!

160117193525

 

Il parait qu’il est idéal pour accompagner les sushis !

Dans le communiqué de presse de Gïk, on peut lire :

“Boire Gïk, ce n’est pas seulement boire du vin bleu, c’est consommer une invention. Vous buvez une création. Vous brisez les règles et créez les vôtres. Vous réinventez la tradition.”

Voilà tout est dit, il n’y a plus rien à rajouter.

Hasta pronto,

vin-bleu-gik-02

MarieLouise Banyols

 

.

 

18 réflexions sur “Est-ce que l’été sera bleu?

    1. Tu parles d’or, David. Souvent,l’antigel contient des glycols, de l’éthylène-glycol notamment ou plus souvent encore du di-éthylène-glycol . Il y a eu quelques cas d’édulcoration frauduleuse de vins moelleux (en Autriche notamment) avec ce composé au goût sucré, dans les années ’90. Le problème est sa toxicité neurologique (immédiate) et aussi que notre organisme le dégrade en acide oxalique. Les oxalates peuvent entraîner une insuffisance rénale aiguë, entre autres problèmes. On peut aussi appeler l’éthylène-glycol « éthanediol » et certaines levures en produisent spontanément pendant la fermentation alcoolique. Mais les teneurs restent très basses. Pour être édulcorant, il faut monter à des doses de l’ordre du gramme par litre. Le di-éthylène-glycol, lui, est normalement absent du vin … sauf en cas de « fuite » d’un système réfrigérant. On en utilise dans les refroidisseurs au moment du « dégorgement » des vins effercescents et on a connaissance de cas accidentels de « passage » dans le vin. Enfin, un autre composé chimique apparenté, le propylène-glycol, apparaît spontanément et à très faibles doses (autour de 5-20 mg/l) dans le vin. Il possède également des propriétés intéressantes en congélation.
      On rappellera que les glycols sont une famille chimique dont les membres contiennent deux fonctions hydroxyle, des diols donc, portés par deux atomes de carbone différents.
      Comme rien n’est anodin, il est quand même curieux que l’on ait retenu, pour les systèmes d’aide au réfroidissement, des composés chimiques qui sont PARFOIS naturellement présents dans le vin. Comme cela, s’il y a un passage accidentel modéré, on possède une porte de sortie.

      J’aime

  1. On peut établir un lien entre votre publication d’hier et ses commentaires, qui a laissé le barbare que je suis (et le revendique) perplexe, et le billet du jour.
    Si vous faites écouter du Schubert, pensez à faire déguster du vin bleu : la fameuse « Truite au bleu » est une spécialité établie.
    Si c’est du Strauss, ce vin marche aussi : « An den schönen blauen Donau ».
    Si c’est Rossini, pas de problème : « Le Barbe Bleue de Séville » est un « bouffe » adéquat. Béla Bartok conviendra aussi.
    Si c’est le léger Robert Planquette, les Blue Nuns pourront faire sonner ses « Cloches de Corneville ».
    Mais, sans doute plus canaille et moins dans les … cordes d’Hervé, je préfère Vincent Scotto et son « Jaja bleu ».

    J’aime

  2. Est-ce que c’est vraiment du Vin?
    Quelles sont les mentions obligatoires?
    A lire vos commentaires, ce pourrait-être n’importe quel rosé techno, façon « rosé piscine ». Un équilibre sucre/acide assez élevé pour une sorte de soda sans gaz, en bleu!

    J’aime

  3. C’est vraiment du vin, pour le Blue Pasión, c’est un 100% chardonnay, vinifié comme un rouge.
    C’est un vin d’España, avec toutes les mentions légales obligatoires pour cette catégorie. Mais vous avez raison, gustaivement parlant c’est plus près d’un soda que d’un vin. Evidemment, c’est TRÊS TECHNO, oui, un Bleu piscine, mais à choisir, je préfère encore le rosé.

    Aimé par 1 personne

  4. Que les pigments soient d’origine naturelle (indigo, d’après ce que je lis) ou même issus de vin, un vin auquel on ajoute des colorants ne devrait plus pouvoir porter le nom de vin, au moins en Europe, d’après ce que j’en sais. D’ailleurs, je ne vois pas le mot sur l’étiquette. Peut-être s’agit-il plutôt d’une boisson à base de vin?
    Quelqu’un peut-il me renseigner plus précisément sur ce point de règlement? L’OIV, peut-être?

    J’aime

    1. Un petit tour sur Legifrance.gouv.fr :
      « Article 9 (abrogé au 6 septembre 2003) En savoir plus sur cet article…
      Abrogé par Décret 2003-851 2003-09-01 art. 4 JORF 6 septembre 2003
      Addition de produits étrangers.
      Est interdite toute addition au vin, au vin de sucre ou de marc, à la boisson de raisins secs :
      1° De matières colorantes quelconques ;
      2° Des produits tels que les acides sulfurique, nitrique, chlorhydrique, salicylique, borique ou autres analogues ;
      3° De chlorure de sodium au dessus de 1 gramme par litre ;
      4° Soit au moment de la fermentation, soit après, du produit de la fermentation ou de la distillation de figues, caroubes, fleurs de mowra, clochettes, riz, orge et autres matières sucrées. »
      https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=4BD0280FDA4A9600030CB0506E2AFE46.tpdila15v_2?idArticle=LEGIARTI000006620644&cidTexte=LEGITEXT000006071657&dateTexte=20030905

      MAIS, si les produits utilisés sont issus du raisin, leur addition respecte la définition du vin!!!
      Sic,

      J’aime

  5. Ton intro m’interpelle, Marie-Louise; comme toi, souvent je me trouve en décalage avec le marché, mais je ne m’en inquiète pas trop. Je pense que nous avons une mission d’information, voire d’éducation. Peu m’importe qu’on nous traite d’élitistes (ce que je ne suis pas, quand je regarde la liste des vins que j’ai dégusté cette semaine – un Mateus blanc, un Vin du Duché d’Uzès, et IGP d’Oc, rien que des vins à moins de 8 euros); si nous étions critiques musicaux, nous limiterions-nous au Top 50?
    Il nous faut nous garder, bien sûr, de l’écueil du snobisme, mais également de celui de la vulgarité, d’autant que la loi de Pareto s’applique aussi au vin: 20% des gens consomment à peu près 80% du volume, et bon nombre de ces gens consomment de mauvais vins, souvent toujours les mêmes, d’ailleurs, et n’ont rien à faire de notre avis!

    J’aime

  6. Tu as raison Hervé, mais que ce Pasion Blue soit placé dans les meilleures ventes m’a interpellée et je me suis demandée si vous aussi connaissiez ce « vin ».
    Sur le site, il est presenté comme un vin: »Es un vino, con una elaboración especial, donde buscamos un vino afrutado, partiendo de la variedad chardonnay. »
    D’ailleurs, le chardonnay dans la dégustation, on l’oublie complètement, on ne se rappelle même plus qu’il existe…

    J’aime

    1. C’est le propre du chardonnay. Ce cépage est particulièrement plastique. Dès que son rendement augmente « un peu », il disparaît. Et il a tendance à BIEN mûrir. Par contre, cette plasticité même le rend fascinant, quand il est fascinant. Son peu de caractère variétal permet d’exprimer « tout le reste »: le « terroir (n’est-ce pas, David?), la barrique, la fraîcheur, la concentration etc … Voir les « Morillon » du Steiermark, les chardonnays de Roquetaillade (Mouscaillo p.e.), ceux des Humbrecht sur Windsbühl au début (maintenant, c’est assemblé, je crois) et des milliers d’autres.

      J’aime

  7. Peter Kupers

    J’ai déjà exprimé mes doutes sur le GiK (https://thewineanalyst.org/2016/06/28/on-mistaking-marketing-ploys-for-wine/), surtout parce que les gens qui ont pris cette initiative n’ont non seulement aucun lien avec le monde du vins, mais qu’ils en sont fiers, en plus. C’est dommage que c’est presque copié-collé dans des publications qui sont censées de se spécialiser dans du ‘vrai’ vin. En ce qui concerne le trend vers les vins bleus qui apparaissent à gauche et droit, c’est qqchose qui selon moi va être oublié assez rapide, une histoire du marketing ne reste que ca, s’il n’y a pas de substance derrière. D’ailleurs, je serai très curieux de voir une analyse chimique de se vin.

    J’aime

    1. Un petit commentaire bien réac’ (cest ça aussi, la liberté): l’année passée, l’équipe de la Côte d’Ivoire a défié le Ghana en finale de la CAN. Est-ce qu’il y a beaucoup de joueurs d’origine ghanéenne dans la Seleçao?. J’espère que mes amis portugais pourront compter sur un arbitre impartial! En tout cas, on connaît la tactique de Deschamps: le 4-9-3 pour passer en force! Moi, ma charnière centrale, je la confie à Provock, un solide.

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.