A l’ami Vincent Pousson, à propos de Cahors

De retour de vacances dans le Sud-Ouest, je découvre une polémique qui m’avait échappé. Elle concerne les cocktails au Cahors.

Cette idée reprise par l’interpro a suscité pas mal de réprobation dans la blogosphère du vin. Vincent Pousson en tête. Voici son billet.

Je lui concède d’être articulé, argumenté. Même si je ne suis pas d’accord. Je pense en effet que la réaction est démesurée.

Je ne suis pas fan des cocktails, mais je constate qu’il s’en pratique un peu partout et avec toutes sortes de vins. On n’a pas dû attendre la mixologie ni l’Union Interprofessionnelle des Vins de Cahors pour que le vin serve de support à toutes sortes de mélanges (sans parler des élucubrations de blogueurs et blogueuses branchouilles – et je ne parle pas de toi, Vincent).

Ni toi ni moi, Vincent, ne pouvons dicter au consommateur ce qu’il doit faire du vin, en toutes occasions – après tout, une fois le vin acheté, cela nous dépasse. Et qui n’a pas mis un jour des glaçons dans un rouge trop chaud, ou du sirop dans un mousseux trop acide? Et quid du Spritz? Et puis, je pense qu’on le fait plus facilement avec un petit jaja pas cher qu’avec un vrai vin de terroir, celui que nous aimons, celui que nous défendons et illustrons au quotidien.

Mais plus important, je suis atterré que la critique visant cette opération – locale, et très marginale, dans l’action de l’interpro – soit élargie à l’ensemble de son oeuvre.

Ton attaque contre le prétendu « tout marketing » et le « tout Malbec », cher Vincent, relève de l’amalgame.

Regardons un peu ce qui s’est passé ces dernières années sur les rives du Lot et au-delà: on n’a jamais autant parlé de Cahors. La recherche des terroirs n’a jamais été aussi poussée – je peux en témoigner pour les avoir touché du doigt, littéralement, dans les fosses creusées à cet effet, lors du Festival Cahors Malbec. Et dans la dégustation des vins qui a suivie – ceux-ci étant justement rangés par terroir.

D’ailleurs, la communication sur les sols n’a fait que s’intensifier  – demande un peu à Claude et Lydia Bourguignon.

Parallèlement, bon nombre de vins de base, qui ne méritaient pas de figurer sous l’étiquette de Cahors, sont sortis de l’appellation pour se replier en IGP. Le syndrome de la vieille Carte Noire, dont tu parles à juste raison, se résorbe peu à peu, on commence à voir se dessiner une vraie hiérarchie des Cahors. Et des prix rémunérateurs, qui sont à la base de toute action.

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Je peux aussi témoigner du fait que le Malbec n’est qu’un vecteur, pas une fin. Les liens noués avec les Argentins, aujourd’hui principaux dépositaires du Malbec dans le monde, me semblent une preuve de bon sens, pas une dérive mondialiste: à chacun son Malbec, mais plus on en parle, mieux c’est pour tout le monde. Ne pas le revendiquer, c’eut été l’abandonner aux autres.

Au fait, ceux qui oublient Cahors au profit du Malbec ne sont pas les responsables de l’interpro, mais plutôt des gens qui misent sur leur marque, et grand bien leur fasse, tout le monde n’a pas la fibre de l’appellation.

Tu égratignes la Cave des Côtes d’Olt et Vinovalie; tu parles du Rosé de Piscine (IGP Comté Tolosan élaboré à Rabastens, rien à voir avec Cahors), mais tu aurais pu aussi parler de leur excellent Château Les Bouysses – c’est juste une question de point de vue.

Il aurait été au moins aussi intéressant de se pencher sur le cas de Lagrézette, qui, lui, en appellation Cahors, et avec la notoriété qu’il a, et les réseaux qu’il a, préfère se profiler sous le logo « Château Lagrézette Malbec depuis 1503″ (dans l’ordre que tu veux). Mais c’est là la stratégie d’un franc-tireur.

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Bref, je trouve quant à moi que la politique suivie par l’interprofession a été éminemment positive pour les vins de Cahors, leur image, leur segmentation, et qu’on aurait tort de jeter le bébé avec l’eau du bain, sous prétexte qu’une opération – mineure – de communication ne va pas dans notre sens, ne correspond pas à notre philosophie du vin.

Ceci dit en toute amitié, Vincent, parce que je pense que tu es sincère.

Moi aussi, soit dit en passant.

Car je ne suis pas payé par l’interpro pour écrire cela; j’ai eu moi même l’occasion de mettre en doute, il y a quelques années, la stratégie de Cahors. Je me suis rendu sur place, j’ai écouté, j’ai dégusté, redégusté, et j’ai changé d’avis.

Coïncidence troublante – parce que Jérémy Arnaud n’est pas derrière chaque cuve!, je pense que les Cahors, en moyenne, n’ont jamais été si bons. Les ténors sont toujours là, mais d’autres prennent la relève, et je trouve aujourd’hui du plaisir à différents niveaux de prix.

A propos de l’interpro, et au-delà des personnes, il faudrait évoquer l’aide apportée aux viticulteurs en matière de connaissance de leurs sols, justement; en matière de pratiques culturales et oenologiques, et plus globalement, de leur fierté retrouvée. Ce qui est lié, bien sûr, à la hausse des cours, car pour faire de meilleurs vins, il faut pouvoir les vendre à bon prix.

Hervé Lalau

19 réflexions sur “A l’ami Vincent Pousson, à propos de Cahors

  1. PAULY

    Je suis peiné de voir que 10 ans de marketing font disparaitre l’usage local (Auxerrois ou Cot, à défaut), au profit du bordelais Malbec (que vous citez 7 fois dans votre texte), du nom de son promoteur dans le vignoble aquitain au XVIIIème (selon Guy Lavignac)… Dans la même veine, le Cabécou de mon enfance est devenu un « Rocamadour », même s’il est produit dans la vallée du Célé…. L’ampélographe Guy Lavignac reste moins sensible à ce vent de modernité dans son ouvrage sur les cépages du Sud Ouest, et reste fidèle aux auteurs plus anciens : l’historien Marcel Lachiver et le géographe Christian Béringuier dans les années 80, l’ancien directeur de la coopérative José Baudel dans les années 70 et même Jules Guyot, dans son « Etude des vignobles de France » de 1876…. Ne rayons pas d’un trait l’histoire de ce vignoble, jadis chanté par Clément Marot (en français, certes…).

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    1. Hervé LALAU

      Le nom de Malbec (souvent avec un ck) est aussi employé en Italie (j’en ai bu dans les Pouilles). A Bordeaux, à l’époque où il y en avait beaucoup, on l’appelait plutôt Noir de Pressac.
      Quant au nom d’Auxerrois, il est source de confusion, puisque c’est le nom d’un cépage de la Moselle – on en trouve beaucoup au Luxembourg, où il fait des vins très fruités, mais qui n’ont rien à voir avec Cahors. C’est d’ailleurs un cépage blanc.

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  2. Comme Vincent, j’ai critiqué en son temps les visées « mixologiques » de Cahors autour de son Malbec. Cela me rappelait une autre histoire récente destinée à faire vendre plus de médiocres Sauternes en les associant à de la glace et du Perrier. Encore plus lorsqu’il s’agit de vins d’AOP, toutes ces dérives me choquent. Cela dit, il m’arrive moi-même parfois dans des cas extrêmes de glisser des glaçons dans un Côtes de Provence rosé, alors… Il m’est arrivé aussi de mélanger une bonne dose de crème de cassis avec un Bourgogne aligoté. Alors ? Alors, si tous les goûts sont dans la nature, il n’est pas nécessaire de les professer, de les encourager

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  3. Hervé LALAU

    Oui, Michel, mais ce n’est pas le fond de mon propos. Ce qui m’embête, c’est que de ce petit fait – une promotion locale – on puisse généraliser à l’ensemble de la politique de l’appellation, qui me semble aller dans le bon sens.

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  4. Plus informatif: j’ai avalé avant-hier pour la première fois du « rosé pamplemousse », mis en bouteille par un faiseur gardois (rien qu’un numéro comme identification). Il n’était vraiment pas bon: odeur d’écorce d’agrumes très synthétique, bouche pâteuse comme de l’aspartame et gros sucre résiduel, notes oxydatives malgré un sulfitage canon. A proscrire absolument.

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    1. Tu mets en exergue un petit point dans mon argumentation, Vincent, le Château Les Bouysses. Je n’ai cité Château Les Bouysses que parce que tu parlais de Vinovalie; je le trouve excellent, tu en jugeras sur pièces, et même si tu ne partages pas mon avis (c’est ton droit, heureusement qu’on n’aime pas tous les mêmes vins!), merci de lire le reste de mon billet: les autres liens à la fin montrent que j’ai eu bien d’autres coups de coeur à Cahors.
      Ma défense du Cahors se fonde sur l’ensemble de mes dégustations, sur place et à Bruxelles, que ce soit en « mission officielle », comme tu dis, ou à titre privé, car je passe souvent mes vacances non loin de Cahors, ce qui me donne l’occasion de déguster mes propres bouteilles, achetées par mes soins, de mes petits deniers.
      A tort ou à raison, j’ai perçu dans ton texte une attaque voilée contre les journalistes qui participent à des voyages de presse, comme moi – comme si cela nous empêchait d’être lucides, voire nous incitait à être complaisants.
      Si c’est le fond de ta pensée, c’est dommage. Parce que je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter cela. Ce métier, pour moi, ne vaut que si l’on est honnête avec le lecteur; c’est à lui que l’on est redevable, pas aux interprofessions, aux producteurs, aux attachées de presse, aussi aimables et respectables soient-ils.
      J’essaie d’apporter ma petite part de vérité, telle que je la perçois; je suis conscient de ne pouvoir faire que tendre à l’objectivité; il est même possible que je me fasse embobiner, parfois; mais merci de me croire, Vincent, quand je te dis que c’est en toute bonne foi.

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  5. Concernant l’emploi du mot Malbec, Vincent, puisque tu sembles trouver qu’il fait trop bordelais, je me permets de compléter ma réponse à M. Pauly. En 1857, dans ses pages sur Bordeaux, Victor Rendu (Ampélographie Française) ne parle pas de Malbec. Il parle de Noir de Pressac – il précise même que ce cépage constitue un tiers de l’encépagement de Saint Emilion, à parts égales avec le Bouchet (cabernet) et le Merlot.Il semble que le nom de Malbec(k) soit venu plus tard, avec la diffusion de ce plant par un certain Malbeck (on en trouve mention dans le Littré de 1877 (avec l’orthographe Malbeck), mais sans qu’on le rattache particulièrement à un terroir ou une région; sa définition étant simplement: « Cépage très productif ».
    Après – et c’est l’utilisateur qui parle – j’avoue que je suis assez favorable à ce que l’on normalise les noms de cépages, ne serait-ce que par paresse de journaliste. On le fait bien pour les noms de plantes ou d’animaux, qui ont tous un nom latin « officiel ». Pourquoi pas les cépages, qui ne sont après tout que des cultivars de la plante vitis vinifera?
    Cela éviterait en plus pas mal de confusions.

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    1. Antoine Pauly

      Oui pour St Emilion, mais pas pour le Blayais où l’usage serait traditionnellement le mot Malbec (et le cépage moins confidentiel)…. Selon Pierre Galet, l’usage du mot Malbec est antérieur à celui de Pressac…. Pourquoi ne pas retenir alors Cot ? On privilégierait ainsi l’origine linguistique du cépage (francisation de Caors ?) Et cette terminologie s’est largement imposée, même en langue d’Oïl (je pense à nos amis de Touraine)… Le Docteur Guyot parle indifféremment d’Auxerrois (Autsserès en quercynois) et de Cot à queue rouge (traduction probable de Costa Roge, usité dans tout le Sud Ouest)…

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  6. Antoine Pauly

    Et puis l’essentiel n’est pas là, j’en ai un peu assez du folklorisme (re)construit par le marketing : dans la vallée de montagne où j’habite, l’église des Hospitaliers de Jérusalem est devenue celle des Templiers et le Porc Gascon, le Noir (comme la truffe ?) de Bigorre,… Alors « Malbec depuis 1503″…..

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  7. Les slogans, on s’en moque un peu. En revanche il est nécessaire d’appeler un chat un chat et un malbec un malbec, si nous voulons avoir une chance d’avoir des vins français vendus à l’étranger. Car lui (l’étranger) n’a pas grande chose à faire de nos petites querelles de clocher sur le nom à donner à tel ou tel cépage. Le malbec est devenu connu et désiré grâce à l’Argentine et il se trouve que c’est le cépage dominant de Cahors. Alors ou est le problème dans le fait de le nommer Malbec ? C’est plutôt une chance pour les vins de Cahors et les résultats commerciaux sont là pour valider ce choix. Selon cette même logique, doit-on recommencer à appeler le Cabernet Sauvignon « vidure » sous prétexte que c’était sa première dénomination ?

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    1. Antoine Pauly

      Je comprends bien l’argument économique et les viticulteurs cadurciens ont certainement raison de profiter de cette aubaine, mais il ne faudrait pas que le nom (globalisé) du cépage prenne le pas sur celui de l’appellation, comme on commence à le voir sur certaines étiquettes… Je n’ai évidemment pas besoin de vous rappeler que le vin est aussi un produit culturel, fruit d’un espace social et linguistique… D’autres vignoble de la région ont basé leur renouveau sur cette recherche d’identité (Jurançon, Pacherenc, Irouléguy, Marcillac et même Gaillac)…. Cela ne me semble donc pas une simple « querelle de clocher »… Même si l’essentiel reste que je n’ai jamais goûté de Cahors aussi bons qu’aujourd’hui !
      De bon plant planta la vinha, de bona maire pren la filha !!!

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  8. Antoine, votre défense d’une forme d’identité unique et locale est claire. Mais je ne pense pas que le fait de mettre Malbec en grand sur les étiquettes de leurs vins empêche les vins de Cahors de rester ce qu’ils sont et de clamer aussi leur lien géographique (à part Lagrezette qui a manifestement une dent contre l’appellation). Les exemples que vous citez dans le sud-ouest n’ont pas la même réussite (récente) que Cahors et on peut analyser les raisons de diverses manières : taille, cépage à la mode, organisation interne, absence d’un type unique de vin (pour Gaillac). Refuser une ouverture à un ou plusieurs grands marchés en refusant de donner un nom à son cépage roi qui compréhensible par tous me semble être une erreur stratégique qui ne ferait du bien à personne, et surtout pas aux producteurs.

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  9. Foissac Patrice

    Puisque M. Vincent Pousson m’attaque nommément sans, bien entendu, me laisser un droit de réponse sur son blog, je me permets d’intervenir dans la discussion. Pour moi, elle avait commencé dans le même esprit que l’article de M. Hervé Lalau. Je poste donc ici la réponse non publiée adressée à M. Pousson.
     » M. Pousson dont l’incommensurable vanité a été égratignée dans une précédente discussion sur Facebook croit que je suis, je le cite « missionné, financé par le syndicat d’appellation […] ». Je voudrais le rassurer : je suis fonctionnaire de l’éducation nationale (je sais que cela est à ses yeux une injure) et à ce titre je perçois un salaire dont je me contente. Ma déclaration d’imposition est à la disposition de ceux qui en douteraient.
    Vincent Pousson qui, en son temps, a cru trouver une « niche écologique » dans une cave coopérative des Corbières ( les « kolkhozes » et le « collectivisme » qu’il dénonce le gênaient beaucoup moins à cette époque) a l’impudence de déplorer, je le cite encore,  » Qu’on utilise l’argent des vignerons pour leur tirer des balles dans le pied. » Je crois que la cave et les viticulteurs qui en relèvent pourraient en ce domaine lui donner quelques leçons de morale.
    Enfin, sur le fond du débat, les « terroirs de Cahors », je renvoie notre « spécialiste de la spécialité » aux travaux scientifiques de l’historien Roger Dion ( http://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1952_num_61_328_13718), des géographes Eric Rouvellac (« « Dire qu’un terroir particulier peut se repérer uniquement au goût du vin reste une imprudence dans laquelle peu de scientifiques s’aventurent… »), Jean-Claude Hinnewinkel et Hélène Vélasco-Graciet. Et je me permets pour conclure de donner le résumé de la communication de ces derniers dans le Bulletin de l’Association des géographes français :
    « A partir de l’exemple bordelais, les logiques de fragmentation des vignobles apparaissent beaucoup plus relever du domaine
    social que de celui de l’environnement naturel. Les terroirs de production des vins de qualité sont plus souvent délimités en fonction de l’organisation des producteurs que de données pédologiques pourtant jugées déterminantes par la profession comme par l’opinion. Cela tient largement aux conditions qui ont présidées à la mise en place des zones d’ appellation d’origine contrôlée. Mais, aujourd’hui encore, dans un vignoble en pleine mutation comme celui de Cahors, le primat du naturel sur le social paraît bien être un argument « scientifique » qui masque des choix politiques et sociaux » (http://www.persee.fr
    /doc/bagf_0004-5322_2004_num_81_2_2384)

    Patrice Foissac, historien, bénévole dans la Société des études du Lot (qui travaille sur le sujet depuis… 1872 !)

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    1. Pierre Sauvage

      //Vincent Pousson qui, en son temps, a cru trouver une « niche écologique » dans une cave coopérative des Corbières ( les « kolkhozes » et le « collectivisme » qu’il dénonce le gênaient beaucoup moins à cette époque)//

      uhuhuh c’est tellement vrai. Sa maitrise de la prose est extrêmement habile mais il y a tellement de contradictions et de méchanceté dans ses prises de position egocentrées et vaniteuses que ça en est ridicule.

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