Quelques cuvées insolites (volet 2)

Cette semaine, nous poursuivons la dégustation des cuvées insolites, mais nous abandonnons les pinots pour retrouver des cépages du Sud.

  1. Terres de Causse et de Paulilles

J’ai découvert à cette occasion les vins de Didier Mouton, un vigneron amateur non interventionniste,  qui au départ, s’est installé en Corrèze  avec 3 vignes issues de défrichements de bois ou taillis au total 1,30ha. Plus tard,  il a acquis à Paulilles  25 ares sur le terroir de Cosprons,  16 terrasses de schistes argilo-sableux de 5 à 35m d’altitude,  elles avoisinent les 70 ans. En 2012, il a rajouté des grenaches gris sur une friche. Tous ces vins sont naturels: non levurés, non chaptalisés, non collés, non filtrés, non sulfités. Les rendements sont faibles, autour de 8 hl/ha

Voiles Blanches Vin de France,  

Majoritairement composé de Grenache Gris, mais aussi de Grenache Blanc, et d’un peu de Macabeu, issus de Paulilles, c’est un vin de France, car je crois savoir qu’il le vinifie dans les Causses !

Voiles Blanches avec 7 jours de presse, affiche son style, la robe est orangée, le nez intense, assez sauvage avec des notes de rancio. La bouche est suave, très sèche, fraiche avec cependant un brin d’oxydation. La finale est persistante.

Ça n’est pas complètement droit, mais je dois reconnaitre que c’est un vin passionnant et étonnant. Les convaincus de jus nature vont adorer !

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PVP : 29,90€

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Tramontane 2013 Vin de France

Ce Vin de France est presque un mono-cépage puisqu’il se compose de 95% de Grenache noir et de 5%. Rendement autour de 8 hl/ha. Il est issu d’une parcelle de 12 ares, plantés dans les années 50, sur un sol schisteux sableux.

Elevage 2 ans en vieux fûts de 10 vins, puis 6 mois en cuves, ZERO intrant virgule ZERO. Le domaine produit 800 bouteilles par an…

Je suis moins enthousiaste en ce qui concerne le rouge, certains dégustateurs l’ont trouvé d’une grande fraicheur et « buvabilité », je l’ai trouvé au contraire dur, tannique, végétal et agressif, même si le jus est dense. Ça ne ressemblait pas à grand-chose, et c’était donc un vin très original.

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PVP : 29,90€

  1. Fons Sanatis

Vigneron irréductible » c’est comme se décrit  Benoît Braujou, vigneron du Domaine Fons Sanatis.  Pour comprendre vraiment qui il est, comment il pense et veut ses vins, il faut aller lui rendre visite à Saint Jean de Fos, au Nord de Montpellier. Je lui consacrerai prochainement un papier car il vaut la peine d’être connu.

Les vins du domaine sont volontairement déclarés en vin de table pour pouvoir laisser libre cours aux envies de Benoît Braujoux, juste vous dire qu’il cultive la vigne sans pesticides.

J’ai été très surprise et à la foi très heureuse de voir apparaitre une de ses cuvées dans la dégustation.

  • Mémé Jeanne Fons Sanatis Benoit Braujou, Vin de France Lot.20.15

    Mémé Jeanne est un vin blanc sec, mono-cépage de petit manseng, vinifié comme un rouge, en macération avec   la peau des baies. Un cépage inattendu, venu d’ailleurs ! Cuvaison de 3 à 4 semaines en cuves béton avec chapeau de marc immergé. Fermentations exclusivement en levures indigènes. Le vin est ensuite élevé 15 mois en cuve inox.

    Je ne crois pas que Benoît ait voulu faire un vin orange, même si la couleur le laisse penser. Le nez surprend agréablement avec ses notes de fruits secs, la bouche est pure, tendue, la matière riche, la finale est persistante et laisse échapper  des effluves d’épices et de coing. Un vin délicieusement surprenant et envoutant.

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PVP : 24€

3. Maselva Emporda Catalogne

Maselva est une petite propriété de 7ha située dans une vallée du Cap de Creus au sud de la Catalogne. Les propriétaires Richard et Laure Meyer sont alsaciens, ils ont laissé la vinification aux mains de Julien Ditté, dont je vous ai déjà parlé en vous présentant ses vins AMISTAT. Le vignoble a été planté en 2000 et n’a connu aucune goutte de désherbant chimique. Les vignes bénéficient d’un terroir exceptionnel  plantées dans un fond de vallée protégé par l’immensité du cap de Creus, elles profitent de la tramontane, apportant embruns maritimes depuis la plage de Port de la Selva.

Empordà MaSelva rouge 2012

C’est  vin issu de l’assemblage de 3 cépages : grenache, syrah et cabernet –sauvignon, il a bénéficié d’un élevage en barriques pendant 12 mois et d’une garde en bouteilles de plus de 24mois avant d’être proposé à la vente.

Le nez est prometteur, très marqué par les fruits noirs et frais, la bouche est savoureuse, la texture veloutée,  la finale  persistante. C’est un vin très civilisé, avec une vraie personnalité. J’aimerais qu’il acquière un caractère un peu plus sauvage, à l’image de son terroir magnifique, qu’est le Cap Creus.

PVP : 19€

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Désolée, c’est l’étiquette du blanc, le rouge ayant la même étiquette, j’ai fait un doublon …. J’en profite pour dire que le blanc est étonnant, et mérite d’être gouté.
  1. Terra Remota

C’est un domaine de 40 ha, niché dans les contreforts de la Serra de l’Albera qui appartient au couple Marc et Emma Bournazeau, d’origine française, mais avec des racines catalanes du Sud. Terra Remota représente pour eux un retour à la terre d’origine, la récupération d’une identité perdue. Leur rêve a commencé à se réaliser en 2000, quand ils ont acquis le terrain. L’existence de quelques vieux pieds de vigne, a décidé les Bournazeau à y implanter un domaine viticole. En ce sens, l’expérience de Marc a été décisive car ça n’est pas un novice dans  le monde du vin.  Il a en effet,  déjà été à la tête de deux domaines avant celui-là, l’un  dans le Roussillon (Château Saint-Roch) et l’autre au Chili (Bodega Las Niñas).  Je connais bien Marc et je l’apprécie beaucoup,  c’est un homme déterminé, volontaire, mais aussi passionné par tout ce qu’il entreprend, à Terra Remota il a voulu profiter de son expérience pour transmettre dans ses vins le meilleur de ce terroir. Malgré les bonnes relations qui nous unissent, je n’ai jamais pu rentré ses vins de l’Emporda, peut-être à cause de ça justement, et il ne m’en a jamais voulu. Aujourd’hui, je peux  m’exprimer en toute liberté.

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Marc Bournazeau

Empordà Terra Remota USTED 2011

C’est la première fois que je dégustais cette cuvée d’exception composée de 60% de grenache noir et de 40% de syrah. La syrah est issue d’une parcelle sélectionnée : Adrien et élevée durant 36 mois en barriques neuves de 225l. Le Grenache a été élevé 36 mois en barriques de 500 litres. La production est de 800 bouteilles et de 600 magnums.

Usted veut dire « VOUS » en espagnol, en baptisant ainsi leur vin, j’imagine que les Bournazeau ont voulu transmettre une certaine forme de respect, et de fait c’est un vin qui en impose.

A commencer par sa robe, noire, profonde et brillante, suivi par un nez qui hypnotise tant il est délicat et expressif, la syrah apportant son intensité aromatique, ses notes de griottes et d’épices,  associés à celles plus réglisses du grenache ; la bouche suit sur le même registre : l’attaque est  concentrée, structurée…des notes fumées se rajoutent à celles du nez, les tannins sont puissants mais soyeux, veloutés  soutenus  par une fine fraîcheur qui souligne des arômes gourmands d’épices et de truffe au chocolat La finale est persistante, le boisé parfaitement intégré, l’équilibre trouvé. C’est un grand vin, racé, je ne l’attendais pas dans cette région.

Son prix de 150€ ne veut pas dire grand-chose, étant donné le faible volume.

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En guise de conclusion : Je note que les professionnels sont attirés par les cuvées de vins naturels, elles étaient presque majoritaires dans cette dégustation. Tant mieux, à condition qu’ils soient très sélectifs dans leur choix,  car, il ne faut pas croire «qu’il n’y a rien à jeter» !

Hasta Pronto,

MarieLouise Banyols

 

 

 

 

8 réflexions sur “Quelques cuvées insolites (volet 2)

  1. Marc Danielou

    C’est toujours étonnant de voir des passionnés élaborant de tels vins « hors norme » ! …mais des vins qu’il est difficile de déguster pour le grand public et même pour les passionnés comme tous les lecteurs des 5 (difficile à trouver et prix élevé… je ne dis pas que ça ne le vaut pas).
    Je suis toujours impressionné par ces vignerons qui appliquent de telles méthodes de vinification et de culture; et surtout par ceux qui ne le font pas pour des raisons marketing mais par conviction, sens du risque…bravo à eux pour leurs projets ambitieux
    Petite remarque : Tramontane 8hl/ha ? 800 bouteilles produites pour 12 ares, ça fait plutôt du 50 hl mini (mini, pour tenir compte des pertes et de l’élevage de 2.5 ans) si je ne me trompe.
    Merci à toi Marie-Louise de nous faire profiter de tels moments… toujours de grandes découvertes.

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  2. Hervé LALAU

    Désolé de jouer le trouble-fête, mais nature ou pas, 29 euros pour un vin que Marie-Louise trouve « dur, tannique, végétal et agressif »… ça ne donne pas vraiment envie. Zéro intrant, et zéro plaisir sortant, ce n’est pas une formule gagnante, pour moi!
    Les convictions du vigneron, c’est très bien, mais je n’achète pas le vigneron! Juste son vin, et je préfère qu’il soit bon.

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  3. Oui, mais ce qui est curieux, c’est l’engouement que ces vins soulève. Je le vis très souvent et en l’occurrence, beaucoup de dégustateurs ont « adoré » ce vin, de quoi se poser des questions.
    J’ai pris les chiffres du rendement sur son site et je n’ai pas calculé, ça n’est pas mon fort.
    Merci pour la remarque, je serai plus attentive désormais.

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    1. Marc Danielou

      J’ai du mal à comprendre l’engouement pour ces vins… et je m’interroge souvent (sans haine ni polémique aucune je tiens à le préciser et je ne cherche pas à être désagréable). Il m’arrive de prendre grand plaisir avec ces vins d’esprit nature ou peu interventionniste (le dernier : Haut de Riquet en Duras blanc 2012 je crois), mais j’ai souvent ressenti le contraire.
      Je ne prône rien et je suis tolérant envers toutes pratiques (et même intéressé). Mon avis n’intéresse pas grand monde mais je ne suis pas seul à me poser des tas de questions et c’est ainsi que l’on progresse… questionnements ne serait-ce que sur la dégustation (je n’aborde pas les méthodes et moyens de production, vinification, élevage, commercialisation, marketing…) :
      La manière de déguster change t-elle? Les critères de qualité ou de non qualité ont ils évolués et/ou, y aurait il une certaine tolérance pour les vins natures? Des déviances aromatiques deviennent-elle des qualités, de même que des volatiles? Du perlant, voire du pétillant sur vin rouge ne choque pas plus que ça? … etc… (je parle de vins finis commercialisés, pas d’échantillons bruts !).
      Probablement que les jeunes générations (25-35 ans) de dégustateurs dégustent différemment des nôtres (je me mets avec vous) et je serais curieux de voir en parallèle des commentaires de 2 ou 3 génération de dégustateurs réputés compétents sur de mêmes vins… je pense qu’il y aurait des grands écarts !

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      1. Je suis exactement dans le même état d’esprit que vous, Très tolérante, ouverte, ayant pris et prenant beaucoup de plaisir avec certains de ces vins, et je me pose les mêmes questions que vous. Votre suggestion de dégustation comme le fait remaquer Hervé est excellente. Le niveau de culture ou d’appréciation des vins de la part des jeunes générations ne peut qu’être différent du nôtre, pur la plupart ils n’ont pas en mémoire les mêmes vins que nous.

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  4. jean-marie PAUL

    Entièrement d’accord avec Hervé , le consommateur doit se faire plaisir avant de financer des doux rêveurs …
    lui aussi voudrait bien passer ses journées à Paulilles

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