Une histoire de tomate, mais pas que…

Mon premier boulot après l’armée, ce fut à Camaret-sur-Aigues, dans le Vaucluse, au sein d’une coopérative agricole: Le Cabanon, spécialisée dans la conserve de tomate. C’était en 1985.

Ce n’est que bien plus tard que je me suis intéressé au vin, au travers du journalisme.

Ceci, pour vous expliquer que mon attention ait été attirée sur l’article du Figaro consacré au livre de Jean-Baptiste Malet, L’Empire de l’Or Rouge, et dont le point de départ est justement… Le Cabanon.

L’Empire de l’Or Rouge, chez Fayard

Mais à lire cet article, je me dis que la tomate est loin d’être un cas isolé; j’ai pensé au jambon serrano issu de porcs hongrois ou hollandais; aux fraises andalouses plus gorgées de pesticides que de goût; aux huiles d’olives grecques rebaptisées italiennes, aux conserves françaises de haricots chinois… et au vin, bien sûr.

Nous pestons souvent ici – moi le premier – contre les règlements souvent abscons qui régissent notre production de vin, contre tout ce qui peut décourager l’initiative dans la viticulture française. Je n’ai pas changé d’avis. Mais je me demande pourtant si, en évitant que le vin ne soit une simple commodité, une matière première comme les autres, cet encadrement ne permet pas d’éviter certaines dérives comme celles auxquelles on assiste dans la tomate. Et si le contrôle de l’origine était quand même une protection pour le consommateur?

Votre avis?

Hervé Lalau

6 réflexions sur “Une histoire de tomate, mais pas que…

  1. georgestruc

    Le Cabanon avait été acheté par le géant Chinois Chalkis en 2004, qui avait « garanti » la prise en compte et la transformation de 60 000 tonnes/an de tomates régionales, ce qui n’a jamais été appliqué. Le concentré venait de Chine, bien entendu. En 2014, faillite et rachat par le Portugais Unitom. Bel imbroglio !! D’où proviennent les tomates du Cabanon actuellement ? je ne saurais le dire… Lamentable. Un outil qui fonctionnait assez bien et absorbait de très importants tonnages dans les années fastes. Un tomatoduc reliait le Cabanon à l’usine presque mitoyenne de Buitoni (fabrication de sauces et de plats cuisinés).
    Oui, Hervé, l’encadrement qui concerne le vin possède des côtés irritants, mais au moins il garantit l’origine, qui est contrôlée (ou à tout le moins contrôlable, n’est-ce pas), ce qui un gage très sérieux en matière de rigueur, d’honnêteté et de respect du consommateur. Tous les produits devraient pouvoir en bénéficier, ce qui serait, à mes yeux, un avantage considérable dans le monde très vaste de l’alimentaire.
    Je me suis rendu en Chine il y a quelque années à propos d’eau de source à mettre en bouteilles. Conditions de captage surprenantes (à côté d’un lavoir séparé du cimetière du village par un simple talus ; des dispositifs de mise en bouteilles à faire peur… et une forme de baratin visant à masquer tous les défauts analytiques). Cela ne gênait en rien les dirigeants.

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  2. Hervé LALAU

    Merci Georges.
    Autre élément choquant dans cet histoire; le fait qu’il s’agissait d’une coopérative, créée par les producteurs provençaux eux-mêmes. N’ont-ils pas eu l’impression de se faire berner par les dirigeants qu’ils étaient censés contrôler, lorsque ceux-ci ont vendu l’outil aux Chinois? Puis lorsque ceux-ci ont arrêté de transformer de la tomate locale? Ou bien étaient-ils consentants? Il y a là un paradoxe assez étonnant.

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  3. georgestruc

    Certes, oui. Cette coop était en pleine déroute financière lorsque Chalkis s’est porté acquéreur pour 7 millions d’euros et 55 % des parts. Il a fallu encore ajouter 5 millions d’euros pour obtenir la maîtrise de la totalité des parts, mais Chalkis et ses dirigeants n’ont pas su travailler dans l’environnement local, régional et national. D’où des pertes, encore et encore. Il y a eu des mouvements sociaux, mais les coopérateurs ont été quelque part soulagés de ne pas devoir mettre la main au portefeuille afin de redresser leur outil devenu un boulet. Un exemple, hélas terrible, de la mauvaise gestion d’un système trop lourd pour des dirigeants (je parle de la période française) qui, euphorisés par un incontestable succès depuis 1947, date de naissance de la coop Le Cabanon, n’avaient pas vu venir la concurrence internationale sauvage qui s’était installée dans ce segment de l’agro-alimentaire.

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  4. Au temps pour moi, encore une publication intempestive ….
    Des amis de l’adorable Patrick Böttcher, qui se fourvoie au sein des profiteurs de S… F… , m’ont reproché de penser peu de bien des « metteurs en boîte » de la San Marzano avec lesquelles ils « élaborent » (commettent) toutes leurs sauces. Ce n’est pas la variété que je réprouve – elle est excellente – mais le traitement qu’on lui fait subir.
    La région qui m’a accueilli (si on peut dire cela) et où en tout cas j’habite, jouit du privilège de proposer de très bonnes tomates … en saison. Depuis lors, je n’en consomme quasiment plus jamais en dehors de la période juillet-août-septembre. On me répliquera que les producteurs doivent vivre toute l’année, et c’est un débat intéressant.
    Les vignerons doivent vivre toute l’année aussi et pourtant les obstacles à la vente du vin ne cessent de se multiplier.
    On peut vivre sans boire de vin, c’est vrai, mais on peut aussi cuisiner sans tomate!
    Après, quand ce fruit est mûr, juteux, savoureux … quel délice.
    Comme Dali, qui exigeait d’un journaliste qu’il lui posât la question « Quoi de neuf? », je répondrai: « Velàzquez! ».

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