Retour sur image, mais sans images

C’est grâce à Michel Smith et à son article du 8 octobre, sur notre site que j’ai pris connaissance du discours délirant d’un jeune homme qui étale, dans une vidéo sur le site du magazine l’Obs, toute une série d’imprécisions, d’amalgames et d’absurdités qui font que je me demande comment un titre supposé « sérieux » puisse laisser champ libre à cela. Est-ce l’ignorance de ce journal au sujet du vin ? Est-ce le sacro-saint principe de liberté de penser et de dire ce qu’on veut, y compris n’importe quoi ? En tout cas, ce n’est pas du journalisme, même « d’opinion » ; c’est de la propagande méprisante et, comme toujours dans ce cas, c’est assez révoltant.

Plusieurs personnes plus avisées que moi de la technique du vin, comme André Fuster, se sont donné la peine de réfuter quelques unes des affirmations absurdes contenu dans le discours de cette personne. Michel, dans son article, a eu la bonne idée de proposer des liens vers ces textes que je vous encourage de suivre.

Mais quelqu’un d’autre à porté à mon attention une autre réponse que je trouve aussi brillante que pertinente. Vu qu’il n’est pas signé (ou uniquement avec un pseudo), nous ne voulons pas le publier in extenso sur ce site car nous avons pour principe de demander aux commentateurs de signer avec leur nom, alors comment ne pas l’exiger pour les articles ? Mais je ne peux pas résister au plaisir de vous livrer quelques extraits.

« Antonin, tu nous les brises. Ces chroniques de punk à chien que, j’ose dire, pour le malheur de tous ceux que tu désinformes, tu nous livres à intervalle régulier depuis quelques années afin de défendre et le « nature » et le « naturel » et « l’éthique » et « bla-bla-bla » face au grand méchant « conventionnel » – chimique et sournois, va sans dire – sont à œnophilie sincère, je te le dis comme je le pense, mon pauvre ami, ce que la pornographie de caniveau la plus déplorable est à l’authentique plaisir de l’étreinte : un mensonge aussi grossier que cynique, un outrage impardonnable. »

« Alors évidemment, tu me diras, je le sais, que tu t’adresses à un public de néophytes, à un public ignorant des choses du vin, un public jeune et citadin, connecté, complotiste et friand de tes diatribes, et qu’il convient, pour faire du clic, de le nourrir de raccourcis manichéens, de caricatures sectaires et de « fake news » à vocation pédagogique ; tu me diras que tu vulgarises, que tu défriches, que tu ouvres la voie ; tu me diras que tu inities et que si, touchée par la grâce miraculeuse d’une « punchline » bien brutale, une seule de tes ouailles se détourne de la grande distribution pour s’en aller, docile, sucer un irréprochable artisan moustachu, le pari est gagné. »

« Je sais aussi, et probablement mieux que toi, crois-moi, le dangereux virage de la chimie pris au champ plus qu’au chai dans le courant des années soixante, je sais le caractère grotesque de la multiplication des traitements, et pire, des traitements préventifs, devenus au fil du temps aussi automatiques que la prescription d’antibiotiques à la première toux ; je sais, puisqu’à juste titre, on en parle beaucoup ces jours derniers, le glyphosate et bien d’autres encore, car, oui, je connais les matières actives et leurs adjuvants ; j’ai étudié par simple comptage, je te rassure, la progression des populations de quelques parasites communs en vue de les contenir et je maîtrise, grands dieux, l’effrayant concept de pression cryptogamique, tu vois ? J’en ai vu des vertes et des pas mûres… Et je n’ai pas plus que toi de sympathie pour les pesticides, les insecticides, herbicides et fongicides, qui filent, dit-on, de méchants cancers aux pauvres diables chargés par une hiérarchie, assurément national-socialiste, de pulvériser en douce, à la scélérate, d’innommables poisons à proximité des écoles maternelles. »

« Et pour autant, tu me les brises, Antonin. Tu me les brises menu avec ta suffisance de petit blogueur, qui, entre deux dégustations à la Maroquinerie, propage la peur et l’ignorance – et l’ignorance surtout, dont découle la peur. J’en ai marre que tu fasses le « buzz » sur les réseaux sociaux en assénant avec toute l’assurance que te confère ton inqualifiable cuistrerie, les contre-vérités et les amalgames qui font le sel et le piment de tes interventions mesquines. »

« …..Sérieusement, tu crois toi-même aux conneries que tu racontes ? Tu t’entends ? Tu t’écoutes ? Tu devrais, je crois. Ça t’éviterait de raconter n’importe quoi. Ça t’éviterait notamment d’estimer qu’il suffit à quiconque de jeter un coup d’œil rapide et distrait à ce fameux Codex, qui fixe les limites du possible et que tu sembles avoir pris en grippe, pour affirmer que les vins que boivent communément l’essentiel de nos congénères, les tiens, les miens, toi, moi nous, contiennent jusqu’à soixante-dix intrants. Ça t’éviterait ce genre d’énormité, tu vois ? Parce que je te le dis sans animosité : aucune vinification, aucune, je vais même te l’écrire en majuscule, AUCUNE vinification ne requiert l’usage de soixante-dix additifs….. ce serait un contresens œnologique, ce serait un contresens économique, dans la mesure où chaque manipulation exige un achat, une compétence et de la manutention et ce serait donc, pour le dire en peu de mots comme en trop, une insulte lancée à la plus rustique des intelligences. »

« Et enfin, parlons goût.  Puisque dès lors qu’il s’agit de pinard, la question du goût se pose fatalement. Et mettons les pieds dans le plat : « nature » ou « naturel » n’est pas synonyme de qualité, d’intégrité et garantie d’enchantement, ou pas plus en tout cas que « conventionnel » n’est synonyme de platitude, d’artifice et promesse d’un abyssal ennui. Présenter les choses de cette manière, au mieux, dénote une ignorance crasse et coupable et au pire, révèle une indicible malhonnêteté, qu’à vue de nez, je situerais à onze ou douze-mille années-lumière du simple parti-pris. »

L’auteur de ces lignes, dont j’admire le talent et qui manifestement connaît bien son sujet, dit aussi qu’il aime les vins « natures », entre autres. Et il fournit, en guise de signature, un mail de contact : oenorage@gmail.com

Si vous voulez le texte en entier, voici le lien: Je suis grognon

J’aurai bien voulu signer ce papier, si j’avais les connaissances techniques, l’expérience et le talent d’auteur. J’aurai bien voulu lui demander la permission de publier ces extraits, mais je ne le connais pas. J’espère qu’il (ou elle) ne m’en voudra pas.

David

7 réflexions sur “Retour sur image, mais sans images

  1. Aïe, aïe, aïe David, je suis obligé de réagir à nouveau, alors que j’avais résolu de « remain silent for ever ».
    J’ai rencontré Antonin et ses amis proches, de manière virtuelle, lors de correspondances régulières que j’avais avec l’entourage de Jacques Berthomeau. Ils m’ont invité à monter montrer mes vins lors d’un mini-salon qu’ils organisaient à Paris. J’a été très bien accueilli et ai rencontré des vignerons de grande qualité avec de beaux vins. C’était en décembre 2013. Tout était « alternatif branché » et très bon enfant.
    La fois suivante, avec le blogueur du Beaujolais et aussi Eva, nous nous sommes retrouvés, Antonin et moi (et Christine, qui est toujours adorable et discrète en société) dans un de leurs studios, près de la mairie de Montreuil. On a dégusté beaucoup de mes vins, qui leur ont plu, je crois. Ma personnalité non, par contre, et aussi le fait que je pourfende le bouchon de liège.
    Depuis lors, j’ai fait l’objet de critiques et d’un ostracisme systématique pendant 2-3 ans, puis du silence radio.
    Je précise que je n’en tire aucun ressentiment.
    Mon analyse est un peu différente de celle ci-dessus, mais ses bases sont les mêmes. Une génération de « jeunes » blogueurs ont cru pouvoir transformer un hobby en profession, en tablant sur une capacité facile à écrire et parler. Au début, ils prennent de l’importance, mais atteignent bien vite un palier. A ce moment-là, ils déchantent et se « radicalisent ». Ils n’ont pas d’autre métier, pas de revenus et en fait aucune compétence technique. Et alors, ça déraille. Ajoutons à cela des tendances narcissiques très affirmées et un parisianisme avancé et vous avez le tableau complet.
    Je ne crois pas qu’ils fassent le buzz, à part dans un microcosme vraiment très étriqué. En outre, le type de vins qu’ils prônent a aussi son attrait et son intérêt, notamment parce qu’il secoue le cocotier.
    Moi qui ne suis EVIDEMMENT pas français (grand Dieu non) mais vis pleinement en Hexagonie et en ai adopté certains préceptes, je crois comme Hugo ou Voltaire (il y a pire comme modèles) que ceux qui ne partagent pas nos opinions ont le droit de s’exprimer (même Madame Le Pen qui ne me fait pas rire, ou Dieudonné que je trouve souvent outrancier et injuste mais qui me fait rire quand même). Nous devons simplement montrer qu’ils se trompent.
    Si le vin nature, c’est Dard & Ribo, le formidable Thierry Allemand (un copain) ou encore la famille Barral, moi j’accepte cela avec bonheur et oublie leurs errements occasionnels (vinaigre et Brett). Après, l’endoctrinement « oeno-salafiste », qui a commencé avec les élucubrations ésotériques et anthroposophiques de M. Joly et de quelques autres vers 1987, pour se poursuivre tous azimuths, ne durera qu’un temps.
    Je signale en passant que toutes mes mises depuis 4 ans se sont faites avec zéro de SO2 libre (et sous obturation hermétique, vis ou Vinolok), mais ceci n’est pas une religion en soi. Et aucun de ces vins n’est « déviant ».
    Y’a bon bla-bla, non?

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  2. Cédric

    Bonjour,
    Je souhaiterais simplement connaître les blogs auxquels vous faites référence M Charlier L, j’en suis certains assidument mais je n’ai jamais lu de bloggeurs jeunes, radicalisés, qui essayent de vivre de leur blog.
    Il me paraît difficile de vivre d’un blog sur le vin, surtout que vins natures et publicités à outrance ne font pas bon ménage.
    Les blogs sont aussi gratuits et permettent à leurs auteurs d’évoquer leur passion, et de dire aussi quelques bêtises certainement, Est-ce si grave ?
    Ce qui l’est peut-être un peu plus, c’est que l’obs accorde une tribune comme celle-ci en l’appelant l’obs reportages, on peut s’interroger sur cette notion . Mais bon après visionnage de la vidéo, à part dire qu’elle n’est pas très rigolote et un peu laborieuse. Je ne vois pas trop le mal qu’elle peut faire. Et surtout quel peut être son’écho? L’obs ne mentionne pas le nombre de vues.

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  3. J’ai envie de dire qu’il faut goûter de tout; qu’on a le droit d’avoir ses préférences, bien sûr, et même de militer pour une viticulture plus propre, ou moins interventionniste, mais qu’on n’est pas obligé de dénigrer ceux qui suivent une autre route, comme aurait dit Brassens.
    Je trouve de beaux et de mauvais vins de part et d’autre de la « frontière du soufre ».
    Pour le peu que j’ai eu de contacts avec Antonin, je l’ai trouvé plutôt sympa, espiègle, déterminé, un peu outrancier, parfois, mais cela m’arrive de l’être aussi.
    Je crois qu’il a des convictions, mais aussi qu’il s’est un peu piégé lui-même en endossant un personnage de chevalier blanc du nature. Mais s’il s’en expliquait lui-même? La rubrique invités lui est ouverte, en ce qui me concerne… Parce que comme dit très bien notre ami Luc, il faut laisser s’exprimer tout le monde, surtout si l’on veut argumenter avec eux.
    Et puis, derrière les slogans et les invectives, il y a les gens, et je suis toujours curieux de mieux connaître leurs ressorts.

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  4. georgestruc

    Dès lors que ce genre de texte (celui d’Antonin) sort d’un petit cercle de personnes/lecteurs en addiction avec de tels discours pour se propager via un organe de presse de grande importance vers un autre public, on ne peut décemment s’offrir le luxe de dire n’importe quoi au nom de la liberté de penser ou d’expression. La « faute » en revient à l’Obs qui, pour titiller l’esprit de ses lecteurs sans avoir pris la peine de mesurer (c’était pourtant facile) les graves défauts de la littérature antonienne, a balancé une info sulfureuse (H2S, contraire du SO2…). Antonin me fait penser à gars un peu agité, qui fait du bruit et tape sur des couvercles de casseroles afin de focaliser les regards sur lui. Il y parvient avec un certain succès. Le tout est de savoir si cela possède un impact significatif. Je ne le pense pas. La sagesse et la perspicacité du consommateur sont sous-estimées. Oui, Hervé, il faut en premier lieu goûter le vin.
    Les intrants auxquels il est fait allusion ne sont pas ceux de la vinification qui, à part du SO2, des produits de collage et deux ou trois autre bricoles, n’en utilise pas. Mais ils appartiennent à ceux qui sont employés dans la vigne et sont susceptibles de passer dans les baies. On touche là le pb majeur de la chimie, que l’on n’est pas prêt de résoudre…hélas, devrais-je dire. Il y a plein de vignerons qui sont des utilisateurs raisonnables de la chimie, premier pas vers l’absence de l’utilisation de pesticides. Tout ceci se construit pas à pas. Ce n’est pas le SO2 qui pose problème ; on se bat inutilement sur cette molécule banale, dont l’abus est désagréable mais l’emploi à faible dose bien souvent salvateur et inoffensif pour la santé.
    Le discours d’Antonin me paraissant assez embrouillé (mélange de données, absence de hiérarchisation, peu d’organisation dans l’argumentaire) Hervé lance une suggestion intéressante : lui ouvrir le blog. A une condition, qui va faire bondir certains lecteurs ou auteurs du blog : le texte doit passer par la filière d’un comité de lecture qui aura pour missions de détecter les contresens, les inexactitudes, les manquements à l’éthique…tout comme dans une revue scientifique de haut niveau. Dire ce que l’on pense doit se fonder sur des paramètres solides, et non pas sur un état d’âme plus ou moins passager…Désolé, c’est mon côté vieux scientifique.

    Bon courage.

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  5. Bien d’accord avec Georges et avec Luc sur le contenu de leurs commentaires. Mais je ne veux pas donner une plateforme de plus à un type capable de dénigrer tout ce qui n’est pas de sa persuasion (très étroite au demeurant) et qui dit autant d’inepties. C’est voué à l »échec à mon avis.

    Lire aussi les remarques d’André Fuster.

    Luc, je suis venu en 2013 à la dégustation que tu cites. Tes vins étaient bons, comme toujours, mais il y avaient beaucoup de daubés, c’est à dire oxydés, bourrés de bretts, etc.

    Je pense que les restaurateurs et les clients doivent bien rigoler quand ce type propose tranquillement de laisser un vin ouvert et d’y revenir 48 heures après s’il pue !

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