Saint Jacques et Saint Vincent

Saint Vincent, les amateurs de vin le connaissent bien, puisque c’est le saint patron des vignerons. Et le 22 janvier, alors que démarrent généralement les travaux de taille, on le fête un peu partout en France, (bien qu’il soit Espagnol).

Cette association qui paraît évidente a pourtant été assez tardive : alors que le martyr aragonais a vécu 4 siècles après JC, ce n’est qu’au XVIe siècle qu’il a été choisi par les vignerons pour les représenter. La raison n’en est pas très claire – peut-être est-ce simplement une question de nom: dans Vincent, en effet, on peut entendre vin et sang… A moins que cela ne soit une affaire parisienne (Saint-Germain-des-Prés, qui d’appelait initialement Sainte-Croix-et-Saint-Vincent, aurait été la paroisse des vignerons de la capitale). L’histoire, ce sont parfois, ce sont même souvent autant d’inconnues que de certitudes.

Saint Vincent

Toujours est-il qu’à partir du XVIe siècle, on voit les représentations du Saint, jusque là affublé d’un chevalet ou d’un grill de torture, ou encore de la palme des martyrs, se parer de grappes ou d’outils divers de la viticulture.

Quant à Saint Jacques (un des douze apôtres, pour ceux qui auraient séché leur catéchisme), c’est moins sa vie ou son œuvre qui sont liées à la vigne que son célèbre Chemin, par lequel ont transités aussi bien des cépages que des méthodes culturales ou vinicoles. Ce qui expliquerait par exemple la présence du Trousseau jurassien en Galice et au Portugal, sous le nom de Bastardo ou de Merenzao. Ou encore, l’expansion des Carménets (y compris les Cabernets) hors de leur berceau du Piémont pyrénéen.

Les chemins de Saint-Jacques se croisent tous, ou presque, dans le Sud-Ouest

Reconnaissance

Mais revenons à nos saints.

Si je me lance ainsi dans l’hagiographie, ce n’est pas pour étaler ma confiture de culture religieuse, mais c’est parce que les deux saints sont dans l’actualité… du Sud-Ouest.

Irouléguy

Au détour d’un récent article sur l’excellent Fer, je vous ai dit que les différentes branches du Chemin de Saint Jacques constituent des axes majeurs pour le développement viticole de cette vaste région: le Sud-Ouest est en effet un passage quasi-obligé sur la route du Finistère espagnol.

Les vignerons et l’interprofession qui les représente, l’IVSO, sont bien conscients de cette importance.
Aussi se sont-ils battus pour faire reconnaître ce patrimoine historique, matériel et immatériel, par le Conseil de l’Europe. Le Sud-Ouest vient donc de prendre sa place au sein de la Route Culturelle Européenne de la vigne et du vin «Iter Vitis – Les Chemins de la Vigne» (www.itervitis.eu), laquelle court de la péninsule ibérique jusqu’au Caucase.

Une Route qui met à l’honneur les paysages viticoles (en tant que patrimoine matériel) et la culture de la vigne et du vin (en tant que patrimoine immatériel). Avec comme corollaire la volonté de préserver et de promouvoir ce double patrimoine ainsi que des formes de tourisme responsables et durables.

Côtes-de-Gascogne

Particularité: pour la première fois, dans le Sud-Ouest, l’itinéraire s’élargit à l’ensemble des différents vignobles d’une même région, de Gaillac à Irouléguy, de Marcillac à Madiran, de Cahors aux Côtes du Brulhois, et j’en passe. Tous peuvent donc se l’approprier, s’en prévaloir pour qualifier et promouvoir leur offre d’oenotourisme, notamment. 

Gaillac

Fédérateur

Plus globalement, cette reconnaissance institutionnelle permet de sensibiliser vignerons, habitants, élus et visiteurs à la dimension culturelle de LEUR vignoble, au-delà de sa seule dimension productive. C’est aussi très fédérateur, pour la mosaïque des appellations du Sud-Ouest. Comme le souligne le co-président de l’IVSO, Joël Boueilh, « Cette inscription est une reconnaissance, celle de la valeur patrimoniale du vignoble du Sud-Ouest en tant qu’ensemble cohérent de vignobles liés par l’histoire et la géographie. Mais c’est aussi une impulsion qui, en région, va renforcer la conscience d’un patrimoine partagé et qui, au-delà, va donner au Sud-Ouest une visibilité auprès des œnotouristes du monde entier. »

Madiran

Elle permettra aussi de stimuler la recherche sur le rôle historique des Chemins de Compostelle dans les circulations de savoirs, de techniques ou de traditions dans les différents domaines de la viticulture.

Ce stimulus a déjà été mis à profit, dans la région même, pour la tenue d’un cycle de conférences-dégustations, intitulé «De la Saint-Jacques à la Saint-Vincent» – et les deux dates n’ont pas été choisies au hasard, on s’en doute.

La première a eu lieu le 25 juillet dernier dans le vignoble d’Irouléguy
Voici les suivantes:

-22 septembre 2022 : dans le vignoble d’Estaing

 -20 octobre 2022 : dans le vignoble de Gaillac

-26 novembre 2022 : dans les vignobles du Gers

-15 décembre 2022 : dans le vignoble de Fronton

-19 janvier 2023: dans les vignobles du Lot.

Plus d’info: IVSO, www.vignobles-sudouest.fr

Hervé Lalau

2 réflexions sur “Saint Jacques et Saint Vincent

  1. J’aime beaucoup cet éclairage historique qui nous montre bien les origines à la fois ‘récentes’ et peu claires des saints qui accompagnent nos fêtes bacchiques et autres connotations œno-religieuses. Tu devrais nous en faire plus souvent des comme ça. Du moins moi, ça m’intéresse, ça fait toujours une personne.
    Marco

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