White Christmas (5) ou pas, mon cadeau c’est le Gamay du Cher !

Même si Christmas c’était hier, ayant raté le train pris par mes collègues de blog – parbleu, je deviens de plus en plus tête en l’air -, j’achève ici la série du « Vin de Noël ». Et puisque je suis une sorte d’insoumis à la tradition, puisque je sais depuis belle lurette que le père Noël n’existe, pas plus que la mère Noël d’ailleurs, puisque j’ai horreur des vomissures en forme de guirlandes lumineuses et des achats intempestifs qui font chauffer la carte bleue, silver ou gold, je vais rester à mon humble niveau en choisissant, une fois n’est pas coutume, un vin simple et joyeux. Joyeux comme les fêtes, cela va de soi. Et simple comme ceux qui n’ont que de larges sourires à offrir en partage.

Photo©MichelSmith
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Viens là mon si Cher Gamay, mon tendre Gamay du Cher, sors du rebord de la fenêtre où je t’ai condamné provisoirement, sors du froid de l’hiver, viens près de moi maintenant que tu grelottes, viens ! C’est lui le vin populo, le rigolo, le moqueur, l’enjôleur, le coquin, le païen, l’ingénu, le tout nu. Lui le Jésus de la crèche, le souriant, le croustillant, le débridé, le mécréant, le pur, le joyeux, le libérateur ! C’est lui le vin. Oui, c’est bien lui qui va me sauver de la pantalonnade festive de cette fin d’année 2013, de ces embrassades intempestives et obligées, de cette avalanche de cadeaux inutiles et si vite avariés, de ces colis aussi piégés qu’obligés suintant la bienséance, l’hypocrisie, de ces objets insultants, emmaillotés, enturbannés, de ces joujoux indispensables à la vie de tous les jours comme les consoles ou autres tablettes à plusieurs centaines d’euros que l’on abandonnera par lassitude au bout de quelques mois d’utilisation, de ces friandises douteuses, de ces chocolateries fadasses, de ce trop plein de boustifaille que l’on ingurgite jusqu’à ce la chiasse. Viens donc mon Gamay, viens mon Cher Gamay ! Viens me délivrer de ces turpitudes chrétiennes ! Sauve-moi de la médiocrité.

Alors, pour avoir chaque année l’illusion de croire que cette « magie de Noël » ne va pas m’atteindre, pour ne pas me sentir pour autant « émerveillé par le sourire des enfants » qui se battent en déchirant le paquet cadeau renfermant la mitrailleuse, pour ne pas voir la misère me faire un pied de nez magistral à chaque coin de rue, pour ne pas prendre conscience de ce qui se passe autour de moi, ne serait-ce qu’en Syrie, par exemple, pas si loin de la terre et de la grotte qui vit naître celui que l’on nomma Jésus de Nazareth, je vais me glisser parmi mes semblables, boire, écluser des bouteilles, bouffer à en frôler la crevaison. Mais ce faisant, je penserai fort à mon Cher Gamay, à mon Gamay du Cher.

Noëlla, dans son Gamay… Photo©MichelSmith
Noëlla, dans son Gamay… Photo©MichelSmith

En effet, en cette énième traversée de gué, comment envisager un autre vin de partage que ce Gamay 2012 venu tout droit des coteaux de la vallée du Cher et si gentiment offert par sa génitrice, Noëlla Morantin, rencontrée il y a quelques semaines pour les besoins d’un portrait ? Normal qu’en ce Boxing Day, en ce jour de lendemain de Noël je pense à une Noëlla. En le croquant, en le sentant m’irriguer le corps, j’y trouve de la fine gelée au goût de framboise, de l’esprit, de la légèreté et, quitte à me répéter, de la joie débridée en veux-tu en voilà ! Le flux de ce cépage noir à jus blanc glisse dans le gosier tel un tissu au soyeux palpant la peau. À quoi bon penser à autre chose dîtes-moi ? Que ce jaja juteux légèrement perlant cherche à m’ensorceler et qu’il y arrive à la perfection ? Voilà que je me laisse faire sans recul. Je m’abandonne au simple plaisir et je refile aux savants prétentieux qui nous entourent, aux goûteurs pompeux qui nous cernent, même sous le sapin, la joie de me voir m’enivrer alors qu’ils sont probablement condamnés à écluser à vie et le petit doigt en l’air un triste Nicolas Feuillatte ou un morne Moët & Chandon. Car ce que l’on éprouve avec ce Gamay (oui, j’ose la majuscule, comme pour le Carignan, le Cinsault, le Mourvèdre, le Cabernet Franc, le Pineau d’Aunis ou le Pinot noir), c’est un insolant bonheur qui me remet à ma place sans que je puisse argumenter. Et je le bois.

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Pour certains, le vin est un plaisir caché, un cérémonial maniéré, un truc intello qui frise la branlette et qu’il faut décortiquer jusque dans ses moindres recoins. Une fiche technique qui dévoile tout ou presque sans offrir l’ombre d’un poil de cul de mouche de découverte. Or, comme ce si ce n’était pas suffisant, un Gamay comme ce « Mon Cher » a une histoire, celle d’un très beau ménage à trois. Une belle histoire d’amour entre un vigneronne qui s’est posée là un peu par hasard, un monsieur qui s’appelle Laurent qui cuisine vachement bien et qui ne craint pas d’être l’employé de la dame en question et, pour finir, un amant qui n’est autre qu’un terroir (damned, je devrais dire un terrain, sol, ou sous-sol !) d’argiles à silex, de beaux coteaux avec vues dégagées sur la rive droite du Cher, le tout en un point de rencontre, un triangle magique qui fait se rejoindre la Touraine, la Sologne et le Berry.

Noëlla Morantin, dingue aussi de vieilles bagnoles… Photo©MichelSmith
Noëlla Morantin, dingue aussi de vieilles bagnoles… Photo©MichelSmith

Enfin, puisque la Gamay de Noëlla m’a transporté dans une humeur furibonde au départ, puis chaleureuse et amicale à l’arrivée, je voudrais en profiter pur remercier Jim Budd de m’avoir donné les clefs de sa maison d’Epeigné-les-Bois, gîte qu’il partage avec ses amis Britanniques. Grâce à son hospitalité digne de celle que l’on aurait dû célébrer hier, j’ai pu me rendre à quelques lieues de là, à La Boulinerie où vivent Noëlla Morantin et Laurent, en compagnie de leurs bouteilles, des gélines et du cochon Mister Pig qui, bientôt, finira en pâtés, boudins, saucisses et jambons. Je vous embrasse et vous souhaite une bonne fin d’année à tous ! Et merci d’avoir supporté mes humeurs…

Michel

PS – Au fait, « Mon Cher » 2012 est un Vin de France qui n’est déjà plus au tarif proposé par Noëlla. Un trop plein d’amour qui conduit au succès, puis à la rareté. À moins de le trouver chez certains cavistes avisés. Il me semble qu’il coûte autour de 10 à 12 euros la pièce. En appelant la vigneronne de ma part, il sera peut-être possible de réserver un peu de 2013, mais j’en doute. Peut-être vous suggérera-t-elle un caviste près de votre lieu de résidence. Eh oui, même les choses simples peuvent se faire rares…

3 réflexions sur “White Christmas (5) ou pas, mon cadeau c’est le Gamay du Cher !

  1. Non, elle préfère labourer et ne pas intervenir sur le développement naturel de la faune afin de préserver la vie dans le sol. Enfin, si tu connais les Mosse en Anjou ou les Penot en Muscadet, c’est tout comme. Et puis elle est en bio…

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  2. Voilà ressuscité les heures de gloire du Gamay de Touraine , quelque peu oublié !
    J’irai les visiter prochainement, en voisin, car étant de Selles sur Cher….. ceci est cher à mon cœur !

    Amitiés à toi

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