Un restaurant exemplaire pour le vin: Le Mercière, à Lyon

Récemment, l’ami Michel (Smith) nous a conté sa visite dans un restaurant plutôt haut de gamme dans le Grand Sud. Et s’est élevé au passage contre les marges dissuasives sur le vin.

J’ai beaucoup de mal à comprendre le bien-fondé de cette très mauvaise habitude française qu’on ne retrouve pas, ou beaucoup moins, chez nos voisins italiens ou espagnols par exemple. Alors, pour poursuivre ce sujet avec un contre-exemple, je voulais vous parler d’un bon traitement du vin par un restaurant que j’ai fréquenté à deux reprises, avant et après les épisodes de confinement, et dont ma dernière visite date de samedi dernier.

Lyon est une ville de vin: le Rhône, le Saône et le Beaujolais sont ses trois fleuves selon le dicton; même si, de nos jours, il faut inclure les vins du Rhône dans ce concept vini-fluvial. Lyon est aussi une place forte de la gastronomie et le « bouchon lyonnais » est son aspect le plus traditionnel. Je ne vais pas entrer dans la définition de ce qu’est un vrai bouchon lyonnais, car je ne suis ni compétent ni vraiment intéressé. Je veux simplement parler du vin au restaurant et d’un restaurant en particulier, Le Mercière, rue Mercière à Lyon, qui me semble exemplaire.

Pourquoi allons-nous au restaurant?

La question n’a rien de philosophique, ni de superflu. Pour moi, le choix d’aller au restaurant, quelque soit le profil de l’établissement, dépasse la question de la nourriture. On peut très bien se nourrir sans jamais entrer dans un restaurant. Il s’agit donc d’autre chose, de sociabilité, entre autres facteurs, même si la nourriture fait partie de nos motivations, bien entendu. Chacun peut d’ailleurs s’amuser à mettre dans l’ordre qu’il veut les différents ingrédients qui comptent dans le choix d’un restaurant : ambiance, accueil, prix, qualité de la nourriture, créativité de la nourriture, carte des vins, prix des vins, décor, confort, service, qualité du personnel, situation, prestige, etc.

L’ordre variera selon l’occasion et l’individu, sans doute. Pour ma part, décor et prestige arrivent au fond de mon ordre personnel de préférences, et la créativité de la nourriture aussi. Je vais au restaurant pour l’ambiance, l’accueil et la qualité des vin à des prix raisonnables, avec une bonne nourriture en 4ème place (ou troisième ex-aequo). J’aime bien manger mais je ne suis pas un « foodie ». De là, il découle que j’ai tendance à préférer des bistrots (ou « bouchons ») à des restaurants chics, à condition qu’ils remplissent bien les critères que j’ai mentionnés.

Le Mercière : un peu d’histoire

Le Mercière se décrit comme un bouchon lyonnais, servant une cuisine traditionnelle et plutôt copieuse. Mais je dirai, avec mon peu d’expérience du sujet, qu’il s’agit d’un bouchon véritable mais haut de gamme vu la qualité du service, de la nourriture et de l’offre des vins. Situé dans une rue piétonne qui ne connaît presque que des restaurants, pas toujours très qualitatifs d’ailleurs, il se singularise aussi par le fait d’être transpercé par une traboule, ces passages étroites du vieux Lyon. Cela rend les fumeurs heureux car il peuvent fumer dehors tout en étant à l’abri.

L’histoire récente de cet établissement fondé en 1890 est intéressante et explique bien de choses sur la plan de ses qualités remarquables aujourd’hui. Il a été repris en 1978 par un cuisinier, Jean-Louis Manoa, qui est aussi le beau-père de l’actuel gérant, César Ponsonnet. Jean-Louis apprécie bien le vin et s’est lié d’amitié avec des figures de la viticulture locale comme Marcel Lapierre. On voit bien, sur les vitrines de l’établissement, que le vin est fortement mis en avant ici, avec les noms de nombreux vignerons, ainsi que leurs appellations, imprimés en blanc sur les vitres. La carte actuelle comporte 250 références dont 13 sont proposées au verre. Si les régions proches, Beaujolais, Bourgogne et Rhône, dominent la sélection, d’autres, comme la Loire ou Bordeaux ont leur place. Deux régionaux sont absents quand-même, il me semble :  le Jura et la Savoie. Mais les choses évoluent et continueront à le faire. Il y a même une page pour ce machin qui n’existe pas: le vin nature!

Sur le plan des prix, les coefficients sont très raisonnables, entre 2,5 et 3, et parfois moins sur les vins les plus chers. Les vins au verre commencent à 5,50 euros. Les plus grosses ventes se font avec les appellations Morgon et Crozes-Hermitage, mais un chardonnay du Bugey figure bien aussi.

César entre en scène

Si l’essentiel de la carte a été constitué avec les vins de vignerons devenus amis avec Jean-Louis, César commence à rajouter quelques coups de coeur tout en bien gérant l’esemble avec ses 7 personnes en salle, et 3 en cuisine. Ce garçon a passé son diplôme à l’école Ferrandi à Paris; ensuite, il a enchaîné les stages chez Ducasse (Rech), puis à Madrid, puis encore au Park Hyatt à Paris avant de se faire embaucher comme chef de rang par le Bernardin de New York (3 macarons Michelin), puis de grimper les échelons pour devenir le bras droit du directeur. Après 7 ans de vie new-yorkaise et la rencontre avec sa femme Marie Vayron, il reçoit un jour un appel de sa mère qui lui propose de reprendre l’affaire familiale afin de la faire perdurer.

Il prend ce pari début 2020, puis arrive l’épisode que nous connaissons avec la fermeture des restaurants. On peut imaginer de meilleurs auspices, mais César ne se démonte pas (destin du prénom ?) et il est le seul dans le quartier à continuer à servir des bons repas complets à emporter pendant toute la période et à vendre aussi du vin à emporter, au prix caviste. L’affaire tourne malgré tout, renouvelant son stock. Elle re-fonctionne maintenant à plein régime, servant 80 couverts à midi et 160 le soir.

Parfois, un restaurant marque votre esprit par des détails qui n’en sont pas. Par exemple, au Mercière, toute personne se mettant à table est accueilli par un panier de très bon pain frais et une assiette qui comporte trois bols avec des lentilles du Puy dans un vinaigre maison, des carrés de pomme de terre dans une sauce au cervelas et des rillettes de compétition, le tout avec une plaquette de beurre Bordier. C’est cela se sentir bien accueilli ! Générosité de l’accueil et la promesse de choses à venir, aussi. Et moi j’aime bien la simplicité du marbre, sans nappe.

Ensuite, j’ai pris un formidable pâté mixte au foie gras et truffes, puis des succulents blancs de volaille en sauce blanche. Avec deux bons verres de vin et un café, mon addition était de 47 euros un samedi soir. On n’est pas volé, ici!

Mes coups de coeur parmi quelques vins dégustés

Beaujolais Blanc 2020, Pierre-Marie Chermette. Une richesse et profondeur de saveurs qui m’a agréablement surpris. Je connaissais et appréciais ses vins rouges mais ce blanc était une bonne découverte.

Maison Ventenac, cuvée Marie, IGP d’Oc (colombard/chenin) : vif, simple mais bon, parfaitement réalisé.

Vespro, Abbaye Sainte-Marie-de-Pierredon 2015, IGP Alpilles. Vin fait par Antoine Dürrbach, avec un assemblage syrah/cabernet et un élevage de 24 mois. Vin formidablement fondu dans un ensemble riche et complexe mais sans excès. Magnifique !

Et je n’oublie pas la qualité du service, avec des verres impeccables et sans mauvaises odeurs et plein de détails qui comptent. Voilà ce qui se conjugue pour des moments de bonheur peu onéreux et qui pourrait bien servir d’exemple à d’autres restaurants qui feraient mieux de respecter aussi bien le producteur que le client…

A bon entendeur, salut!

David

5 réflexions sur “Un restaurant exemplaire pour le vin: Le Mercière, à Lyon

  1. Walrave Édith

    Merci à David pour ce superbe commentaire et reportage sur le Mercière que nous avons eu le plaisir de connaître lors de notre étape avant de rejoindre la Corse

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  2. Suzy Jacquet

    Merci pour cette belle adresse.
    Je ne voudrais pas chipoter, mais la marge n’est pas de 2,5 à 3, mais plutôt de 5 quand on la calcule à partir du prix professionnel.

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  3. Voyageur75

    Le prix des vins au restaurant est moins cher en Espagne car la TVA est à 10 %, identique à celle de la nourriture. En France, c’est le double.
    Ceci étant, il est vrai que les coefficients appliqués par certains restaurateurs sont inadmissibles.

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