Quand la Savoie m’appelle, j’accours ! (1ère partie)

(Première partie : une sombre histoire de Mondeuse à Genève)

Franck Merloz, l'un des instigateurs de cette dégustation. Photo©MichelSmith
Franck Merloz, l’un des instigateurs de cette dégustation. Photo©MichelSmith

C’est encore un truc tout con, un truc de ouf. Pas un happening politique qui consiste à défiler dans les beaux quartiers avec poussettes et crucifix pour une manif anti mariage gay. Non, il s’agit d’un simple message d’un Savoyard qui défend avec conviction son terroir, ses cépages, ses vignerons. Une de ces initiatives spontanées qui fleurissent un peu partout désormais, une bouteille à la mer jetée suite à une amicale séance de provocation du genre : « Nous on fait de meilleures Mondeuses que vous » ! Et vlan ! Voilà le défi lancé. Une battle comme on dit désormais en bon Français sur les réseaux sociaux. Z’auraient pu choisir la plus belle pomme, la plus belle vache, le plus beau fromage, le plus beau lac… Non, il a fallut que maître José Vouillamoz d’un côté, Suisse de nationalité, et même Valaisan, lance un jour le défi pour que Franck Merloz, de l’autre côté du Léman, relève le gant. Résultat, ce dernier, très actif sur Twitter et sur son propre site In Roussette We Trust m’a intimé l’ordre d’être la cinquième roue du team France tendance Savoie afin de juger laquelle des dix Mondeuses présélectionnées – cinq Savoyardes, cinq Suisses – remporterait le titre de Meilleure Mondeuse des Alpes !

La Maison qui accueille notre dégustation. Photo@MichelSmith
La Maison qui accueille notre dégustation. Photo@MichelSmith

J’étais donc le seul estranger. Et j’ai accepté ce sort avec grand plaisir car cela faisait un bail que je n’avais pas mis les pieds dans les alpages. En y ajoutant une seule condition : que le facétieux Franck Merloz, en grand défenseur des vins de sa région, m’organise par la suite une mini-tournée au sein de l’appellation Vin de Savoie. Le mec a tenu parole et c’est pourquoi mon expédition fera l’objet de trois articles pour zéro centime. Quant au concours, rien de très folichon. Hormis la composition des jurys, la rigueur de mise et le bon déroulement de la dégustation, c’était genre décontracté, avec une bonne bouffe à la fin. Verres appropriés, température convenable, vins sélectionnés préalablement par chaque équipe, salle de dégustation acceptable (merci à la Maison du Terroir de la République et du Canton de Genève, à Berneix), crachoirs, papier, crayons et un accord vite réalisé sur « la façon de procéder » avec, en prime, pour bien montrer que je n’avais pas fait la route à mes frais, cette sentence de ma part : « silence absolu pendant la dégustation, pas d’échanges, pas de remarques ». Après tout nous étions en Suisse, pas au café du commerce de Chambéry ! Pour les détails, voir en fin d’article.

José, le Prof... Photo@MichelSmith
José, le Prof… Photo@MichelSmith

À ce stade, je me demande si tout le monde sait ce qu’est une Mondeuse. Mon ami Marco, certainement, lui le sait, je n’en doute pas. David aussi qui voit en elle une sorte de Syrah light. Et Hervé, en bon érudit du vin, fort probablement sait de quoi il en retourne. Quant à Jim et moi, vaguement… mais vous, vous cher Lecteur ? Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire l’affront d’un cours ampélographique. Laissons cela à José Vouillamoz, biologiste savant né « avec du Fendant dans le biberon » qui a cosigné récemment Wine Grapes, un gros livre sur les cépages. Sans se séparer de sa casquette noire ni desserrer sa cravate trop courte, le gars nous raconte en préambule qu’il s’agirait d’un cépage rouge apparenté à la Syrah. Ça, nous le savions, mais comment se fait-ce ? Simple, sa maman, dame Mondeuse blanche, se serait croisée avec un cépage noir de l’Ardèche du nom de Duréza probablement dans les rangs d’une vigne de l’Isère. De son côté, le Duréza aurait une sœur nommée Teroldego dans le Trentino. Il faut noter aussi, tests adn à l’appui, que ces deux cépages sont les petits-enfants du Pinot noir. En outre, le professeur trouve des liens entre Mondeuse noire et Viognier… Enfin, je m’y perds comme toujours. Vous lirez la suite dans cet article passionnant qui vous apprendra que dans la nature tout le monde fricote avec tout le monde, ce que vous saviez déjà, non ?

À gauche, les Suisses, à droite, les Français. Photo@MichelSmith
À gauche, les Suisses, à droite, les Français. Photo@MichelSmith

Cinq Mondeuses Suisses, cinq Françaises, toutes goûtées à l’aveugle bien entendu, toutes classées au final dans un ordre très protocolaire : une Française, une Suisse, etc. alors que l’ordre de présentation à la dégustation était aléatoire (il pouvait y avoir deux Suisses de suite). Et la gagnante fut : la Mondeuse 2010 « Quintessence » de Philippe Héritier, vigneron en bio et éleveur d’escargots au Domaine des Orchis en Savoie. Ce vin n’était pas classé premier de mon côté (je l’avais mis en troisième position), mais j’avais noté sa finesse, sa structure bien présente, ses notes de petits fruits rouges fins, ses superbes et élégants tannins de cuir. Ensuite, pour la seconde place, la quasi unanimité s’est faite autour du vin présenté en quatrième position. Il s’agit de la Mondeuse 2012 du Domaine Mermoud sis dans le canton de Genève, tout près de notre lieu de dégustation : belle robe violine, nez épicé, boisé, puissance en attaque, très joli fruit, beaux tannins, mais boisé un peu trop dominant à mon goût. Le Château de Mérande de Yann Pernuit, cuvée « La Noire » 2011 est arrivé troisième du « concours ». J’ai relevé une robe sombre, presque opaque, un nez franc purée de cassis, laurier, très serré en bouche, belle finale sur le fruit et je l’avais classé cinquième pour ma part, ayant, je le reconnais après coup, été un peu trop sévère au moment d’établir un classement. Il faut dire à ma décharge que ce classement s’est opéré trop vite – les membres du jury avaient faim… – laissant peu de temps à la réflexion.

Les vainqueurs, dans l'ordre, de gauche à droite. Photo@MichelSmith
Les vainqueurs, dans l’ordre, de gauche à droite. Photo@MichelSmith

Heureusement, les participants avaient amené du renfort pour le dîner. Michel Grisard, par exemple, était venu avec une superbe Mondeuse 1989 de son Domaine du Prieuré Saint-Christophe. Mais comme ce voyage est fort long à narrer, histoire de vous faire saliver, je vous en dirai plus un de ces prochains jeudis sur d’autres Mondeuses (et d’autres cépages rouges) de choix. En attendant, la semaine prochaine, je vous ferai part de mes retrouvailles avec les blancs de la région. De belles surprises en perspective car, des deux côtés de la frontière, les vignerons de talents ne manquent pas.

Michel Smith

Le vainqueur, un Savoyard. Photo@MichelSmith
Le vainqueur, un Savoyard. Photo@MichelSmith

Pour info…

L’ami Franck Merloz édite Roussette In The Pocket, un petit guide perso de ses bonnes adresses vigneronnes. Vous pouvez le télécharger ici : http://www.irwt.fr/roussette-in-the-pocket

* L’équipe de Suisse comprenait :

-Pierre Thomas, Journaliste: www.thomasvino.ch

-Richard Pfister, Œnologue, www.oenoflair.ch

-Catherine Cornu, www.vinvitation.ch

-José Vouillamoz, Botaniste, Généticien, Ampélologue

-Stéphane Meier, www.vinvitation.ch

* L’équipe de France :

-Caroline Daeschler, Sommelière, consultante, blogueuse (http://motsetvins.e-monsite.com/)

-Bruno Bozzer, Sommelier, Caviste à Annecy Le Vieux, élu Caviste de l’année 2013 par la RVF

-Michel Smith, Journaliste Indépendant et blogueur (https://les5duvin.wordpress.com/)

-Franck Merloz, Blogueur (http://irwt.fr), web-entrepreneur (TweetAWine.com) et consultant indépendant

-Michel Grisard, Vigneron en Savoie, grand spécialiste de la Mondeuse, Président du CAAPV (http://www.cotes-et-vignes.fr/centre-dampelographie-alpine-pierre-galet/caa-pg/)

* Les vins de Savoie (et du Bugey) présentés :

– Domaine des Orchis (Philippe Heritier) Quintessence de Mondeuse 2010

– Domaine Saint-Germain La Perouse 2012

– Chateau de Mérande (Yann Pernuit) La Noire 2011

– Domaine Grisard (Jean-Pierre) Mondeuse Prestige & Tradition 2011

– Domaine Bonnard Mondeuse de Montagnieu (Bugey) 2011

* Les vins de Suisse :

  • – Domaine Mermoud Mondeuse 2012, Genève
  • – Domaine de Grand-Cour (Jean-Pierre Pellegrin), Mondeuse, assemblage de 2009/2010 (50%/50%), Génève
  • – Domaine Mayencourt Mondeuse du Globe Yvorne 2011, Vaud (Chablais)
  • – Domaine Mermetus (Vincent et Henry Chollet), cuvée « Le vin du Bacouni » 2012, Lavaux (Vilette)
  • – Domaine des Rueyres (Jean-François Cossy), cuvée « Es Pedances » 2012, Lavaux (Chardonne).

* Le Classement final :

1 – Domaine des Orchis (Philippe Heritier) Quintessence de Mondeuse 2010

2 – Domaine Mermoud Mondeuse 2012 – Genève

3 – Chateau de Mérande (Yann Pernuit) La Noire 2011

4 – Domaine Mayencourt Mondeuse du Globe Yvorne 2011, Vaud (Chablais)

5 – Domaine Jean-Pierre Grisard Mondeuse Prestige & Tradition 2011

6 – Domaine Bonnard Mondeuse de Montagnieu 2011 – Bugey

7 – Domaine des Rueyres, « Es Pedances » 2012, Lavaux (Chardonne)

8 – Domaine Saint-Germain « La Perouse » 2012

-Non classée car bouchonnée: Domaine Mermetus, Lavaux (Vilette)

-Disqualifié car assemblage de millésimes non retenus: Domaine de Grand-Cour, Génève

8 réflexions sur “Quand la Savoie m’appelle, j’accours ! (1ère partie)

  1. Luc Charlier

    Mondeuse qu’elle est belle! Oui, je sais, pas terrible. En même temps, vu l’heure qu’il est! Nous préparons des cartons « panachés » … 175 en tout, chacun contenant 6 vins différents et dans 2 formats de bt. Je ne sais pas si vous avez déjà fait ça, mais c’est « time-consuming » et pas folichon. Il faut être très attentif, en plus. Donc, longues journées pénibles pour la tête (la manutention n’est pas ce que je préfère dans mes activités), pour le dos (prendre carton,ouvrir carton, trier bouteilles, composer nouveau carton, scotcher carton, palettiser carton …) et pour les couples.
    Bonne journée, Michel.

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  2. Hervé Lalau

    Les porteurs de crucifix (ou simples sympathisants) te saluent, Michel. J’aimerais que tu t’indignes autant contre les excès des autres religions… Qu’au détour d’une chronique sur le carignan, par exemple, tu dénonces les Djihadistes qui partent en Syrie. Ou bien ne faut-il taper que sur les cons de cathos?

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  3. Hervé, je suis moi-même un « con de catho » – donc bien placé – et, bien entendu, les djihadistes ne sont pas ma tasse de thé non plus. J’écris parfois aux aurores avec mes tripes, même quand il s’agit de vins et lorsque quelque chose m’énerve (comme les anti mariages gays), et surtout s’il arrive qu’une actualité me chauffe passablement les méninges, j’ai tendance à tout mélanger. D’un côté la simplicité d’une approche moderne du vin, de l’autre l’affichage d’une France cramoisie qui me ramène aux années cinquante. Le grand âge, peut-être…
    Mais je ne veux surtout pas faire de ce lieu une tribune.

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  4. Regain

    Merci Monsieur Smith pour ce reportage bien intéressant, la suite est attendue avec impatience!
    Juste une question, qu’entendez vous par « ses superbes et élégants tannins de cuir » ?
    Le cuir est obtenu par tannage des peaux (tannage végétal réalisé à base de tanins il est vrai), mais le cuir en lui même n’est pas tannique…Je me trompe?

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  5. Passons sur le crétins anti-mariage gay (on s’en fout du mariage, après tout), et crachons sur les djihadistes débiles (qu’ils aillent tous en Syrie avec un aller simple et bon débarras) pour revenir au sujet de ton article et à la mondeuse, que je trouve, effectivement un peu comme une syrah en plus léger. Content de voir émerger un vin du Domaine des Orchis que j’avais très bien dégusté (aussi bien leur rouge que leur blanc) lors d’une récente dégustation des vins de Savoie, je crois à Paris. Tu vois Michel, il m’arrive même, et assez régulièrement, d’aimer certains vins « bio ». Nous attendons la suite avec grand intérêt, surtout en ce qui concerne le cépage jacquère !

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    1. Moi, c’est la Noire que j’avais remarquée à la même dégustation que David, il m’arrive de passer par Paris. Certes un peu extrême la Mondeuse de Yann, mais la cuvée montre bien les possibilités du cépage.
      Marco

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