Si on s’achetait le nouveau Galet ?

Non, à l’inverse de mes confrères fins observateurs de la chose publique et électorale, quand bien même son discours séduit nombre de vignerons du Vaucluse au Bas-Rhin, je n’écrirai pas un mot de plus sur le spectre de la blonde Marine qui bat la campagne d’Amalou-les-Bains à Vichy. Tout cela finira bien en peau de zobi… et la moustache de s’envoler définitivement.

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Ne comptez pas non plus sur moi pour raviver le facétieux débat entre anciens et modernes, entre jeunes et vieux, entre journalistes vrais et blogueurs faux. Pas plus je ne souhaite revenir sur l’impérieuse nécessité d’inventer un spritz à la bordelaise où la glace en pagaille, l’eau à profusion et la tranche d’orange même pas sanguine permettront, selon les plus fins stratèges du cocktail ciblé markétinge, d’écouler dans le plus grand snobisme inversé le vin mauvais auquel on a osé donner le nom de Sauternes ou de Barsac. Non, je ne dirai rien au passage des vins dits natures ou naturels. Rien non plus sur le vin nu ou habillé. Non, mille fois non je ne piperai mot du grand bal des dupes, celui des primeurs, qui bat son plein en ce moment entre Garonne et Dordogne. Promis, c’est niet : silence sur Prowein comme sur Vinitaly d’ailleurs. Encore rien sur le site de vente par correspondance des Vignerons Indépendants, sur Bettane & Desseauve, sur la Revefe, sur les commentaires fleuves et les frasques passées de l’ami Luc. Rien non plus (et c’est navrant), sur le dernier numéro d’In Vino Veritas, l’indispensable revue belge que tout le monde s’arrache. Trèves de balivernes. Même pas un mot pour notre chère Tunisie et ses vins, en particulier ceux du Cap Bon.

Dico Cepages

En revanche, ne vous déplaise, je dis OUI. OUI, mille fois OUI, un OUI franc et massif, comme disait le Charlie de Colombey, un OUI en capitales tant la chose qui va suivre me tient à cœur et me paraît importante, pour ne pas dire primordiale. Alors, OUI au crowdfunding  (je vous l’accorde, en cette semaine de la Francophonie, le mot est sans doute aussi barbare  que le triste spritz au sauternes; mais il désigne le  financement de masse qu’est censé engendrer le recours au service de la Toile)! OUI à un projet titanesque, OUI à un travail ambitieux, valeureux, courageux. Oui à la somme d’une vie entière consacrée à la recherche génétique sur les plantes qui composent notre univers viticole. Oh, je sais, je suis nullissime en bateleur de foire, nul à chier en téléshopping, bon à rien en sciences, mais nom de Zeus, misez donc, faîtes comme moi et beaucoup d’autres, pariez vos euros et qui plus est à votre guise, sur le succès d’un ouvrage nécessaire qui a grandement besoin de vous pour exister.

Le livre est prêt : y’a plus qu’à imprimer !

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Un homme, que dis-je, un monsieur, un savant, un ampélographe émérite célébré de par le monde, le Professeur Pierre Galet, de l’École d’Agronomie de Montpellier, a décidé au soir de sa vie – il est né à Monaco, il a 94 ans aujourd’hui – de consacrer toutes ses forces à la réactualisation de son Dictionnaire Encyclopédique des Cépages et de leurs synonymes avec près de 10.000 cépages en France et dans le monde. Cet homme, qui a déjà inspiré des ouvrages de vulgarisation aujourd’hui en librairie à des prix bien plus élevés, ne manque ni de modestie, ni d’humour. Un jour, il avait résumé les difficultés de sa science par cette phrase : la vigne est le premier vêtement utilisé par l’Homme. Souvenons-nous d’Adam et Ève, on ne sait toujours pas de quel cépage il s’agissait !

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Lors de ma dernière connexion au site Fundovino consacré au rassemblement des fonds, sur les 20.000 € nécessaires, 14.000 € avaient déjà été collecté, soit 70% de l’objectif. Nous sommes donc dans la dernière ligne droite puisque les Éditions Libre et Solidaire souhaitent pouvoir commencer l’impression en Avril. La livraison de l’ouvrage de 1.200 pages et 3.000 photos est annoncée à un mois après la réalisation de la campagne. En fonction de l’argent investi, de nombreux cadeaux sont prévus dont un poster de Rémy Bousquet. N’étant pas aussi riche que je le souhaiterais, j’ai pour ma part misé sur une formule intermédiaire : pour 85 € investis, je vais recevoir le livre dédicacé par son auteur ainsi qu’un indispensable marque-page collector que je placerai d’office à l’entrée du texte consacré… au cépage Carignan. Puis j’irai voir l’Aspiran, le Cinsault, la Négrette, le Vaccarèse, la Clairette, la Roussette, etc.

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Papy Galet, l’été dernier, en compagnie d’une belle admiratrice venue du Gers ! Photo©MichelSmith

Au cas ou vous ne seriez pas encore convaincu par mon invitation en forme de supplique, allez donc faire un tour sur le blog de mon ami Vincent Pousson : sa plume sera peut-être plus efficace que la mienne. Ce faisant, nul doute que votre argent sera bien placé. Sachez qu’en allant sur la plateforme Fundovino mise en place par des passionnés, vous pourrez acquérir l’œuvre de votre vie ! Qui sait, celle que vous léguerez peut-être à vos enfants, qui eux mêmes… allez savoir, grâce vous, un jour, deviendront Vignerons.

Michel Smith

19 réflexions sur “Si on s’achetait le nouveau Galet ?

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  2. Luc Charlier

    Tu pratiques comme Brassens, voire même – tu vois en quelle estime je te tiens – comme Prévert, noble Forgeron, en énumérant tout ce que tu ne feras pas. On dirait un syndicaliste socialiste (ô le cuistre que je suis) en fin de droits. Et puis, badaboum, en vrai révolutionnaire (là, je me retrouve) tu montes aux barricades. Tout juste déplorerai-je la belle occasion manquée de « parler djeuns ». Tu dis que l’éminent Pierre Galet (il m’a dédicacé l’édition de 1990 de son encyclopédie en février 1993) « actualise » son ouvrage. Il s’agit en fait d’un UPDATING !!!! (lol)

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    1. georgestruc

      Exact, traduction toujours difficile. Pebble, pour un anglo-saxon, est plutôt un gravier de chez nous (taille moyenne à faible # 30 mm) ; Cobble est le mieux adapté ; aux états unis, on peut lire cobblestone ; mais cobble peut ne pas être un cailloux roulé ; j’emploie donc la locution rounded cobble ; mon ami Lincoln Siliakus préfère river stone…le choix est encore ouvert.

      Je conserve le souvenir merveilleux d’une tournée avec Pierre GALET sur les terrasses de Châteauneuf-du-Pape où il a dédicacé à chacun d’entre nous des galets de quartzite…

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    2. Luc Charlier

      Notre société – ya plus de saison, ma bonne dame – s’intéresse hélas plus à la finance qu’à la pédologie ou à la géologie, à part quelques beaux esprits comme ceux qui lisent le blog des 5 du vin. Je remarque quand même que tu peux compter sur COBBLE(old) pour servir de pierre angulaire, sur SMITH pour forger un cadre bien solide, sur LALEAU pour créer un réseau karstique , sur BUDD (-Chiari) pour éviter tout engorgement des veines (hépatiques ou carbonifères) et enfin sur VANHELLEMONT pour l’inversion des strates, si on en croit la génèse de ce patronyme (voir http://en.wikipedia.org/wiki/Helmond). Quant à GALET(te), je te propose: sinews of war, dosh (moins chic), bread ou dough, lolly, flouze ….

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  3. Une bonne idée, un bon travail n’a a priori ni nationalité ni langue; mais en cette semaine de la francophonie, n’est-il pas symptomatique de la baisse de l’influence de notre français, y compris dans le domaine du vin, que de constater qu’il faut un financement participatif pour éditer un ouvrage de référence en français sur les cépages? Même écrit par une grande figure de l’ampélographie mondiale (pas seulement française)!
    Tandis que Wine Grapes a été publié par un éditeur tout à fait traditionnel, et sans préfinancement par le lecteur potentiel.

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    1. Wine Grapes est plus un ouvrage pédagogique pour débutant (à mon avis) qu’un livre référentiel pour spécialistes ou véritables amateurs. En outre, WG a été publié en Anglais pour une diffusion mondiale (USA, Canada, Australie, GB, etc) sur laquelle il est facile de miser dès le départ pour peu que l’on soit bien distribué et que l’on ait un financier à portée de la main. J’ajoute que WG est plus cher que celui – bien plus didactique – que je propose à nos Lecteurs. Pierre Galet, sur un plan mondial, est un Monsieur, une autorité incontestable, comme on dit, qui a d’ailleurs inspiré les auteurs de WG. Sans l’immense travail de Pierre Galet, il va sans dire que WG n’aurait pas été possible. Reconnaissons-le. Pour le reste ce n’est pas le premier ni le dernier à s’intéresser au crowdfunding pour éditer un bouquin. Je crois que je vais tenter le coup moi-même un de ces quatre ne serait-ce que pour goûter à la liberté.

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  4. Pour contenter tout le monde, on va suggérer à ceux qui ont du pèse et qui causent le british de se procurer Wine Grapes. J’estime pour ma part qu’il est plus judicieux, du moins si l’on est francophone, d’acheter un ouvrage in french qui est le fruit d’un travail d’une vie effectué par une sommité en la matière. Mais on peut aussi avoir les deux. Ce n’est que plus dispendieux.

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  5. Tu m’as convaincu. Note que José Vouillarmoz, le Suisse qui a écrit Wine Grapes, est paraît-il très bien, d’après Jim, et je n’ai pas de raison d’en douter. Et je te rejoins sur un autre point: si un Suisse a décidé de l’écrire dans la langue de Shakespeare (même réactualisée), ce n’est certainement pas par facilité personnelle!

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    1. Luc Charlier

      M’enfin, Hervé, en « rosbif », toi qui eusses pu être prof. d’anglais, l’eusses-tu voulu (tout cru). Si encore cela avait été orthographié « roast-beef », j’aurais compris ta vocation éducatrice, mais là. Toi, un compagnon du Gruyère suisse, comment oses-tu enfreindre la neutralité courageuse de cettte confédération en déconsidérant ainsi le parler de Jim et David. Et la tolérance, mon ami ?

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  6. Luc Charlier

    Un de mes deux meilleurs amis, le Dr Michel Ingels, m’a offert Wine Grapes lors de sa parution, pour mon anniversaire il y a deux ans je crois. Nous avions mangé un « Rijsttafel » dans un restaurant indonésien à Maastricht à l’occasion, où ma fille m’avait rejoint également. Jancis, que j’ai rencontrée une fois ou deux, a eu la gentillesse de m’envoyer une dédicace sur papier auto-collant. Je possède aussi son « Vines, Grapes & Wines » de 1987. Et Pierre Galet m’a dédicacé son  » Cépages et Vignobles de France » de 1990 le 15 février 1993, à Montpellier. Je ne crois pas que ces ouvrages soient mutuellement exclusifs. Je lis, comme vous deux, le français et l’anglais de manière indiférente. Je suis attristé que ceci pût être un critère de choix, même marginal. Par contre, on n’y peut RIEN: si on édite en anglais, cela fait un marché mondial. Si c’est en français, on touche moins de 100 M de lecteurs. Je sais que la « francophonie  » affiche beaucoup plus de monde, dans la propagande, mais quel est le pouvoir d’achat de l’Afrique francophone? Et surtout pour le vin. Enfin, Hervé ne sera pas d’accord, mais l’anglais se prête BEAUCOUP mieux aux descriptions précises. Et surtout, les vrais anglophones – j’ai vécu quelque temps ave l’une d’eux, qui était très instruite et cultivée – ne se sentent pas obligés tout le temps de « faire du style ». Les vrais francophones bien. Donc, je me fais une p’tite cagnote pour le Prof. Galet, car je partage votre enthousiasme, mais ce n’est pas « l’un ou l’autre ».

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  7. Luc Charlier

    Michel, ce papier m’inspire et je t’ai lu et relu. Je suis comme toi, je n’aime pas trop les affiches de Madame Lepen – que je n’appelle jamais par son prénom. Mais si, pour Gainsbourg, « Quand Marilou chante reggae » sont les paroles correctes, la station thermale au pied de l’Espinouse et du Caroux, en-dessous de la belle « Auberge de Combes » où je te conseille d’aller manger, c’est Lamalou-les-bains. Lors des inondations de novembre, l’énorme pont qui enjambe l’accès à la vallée était presqu’entièrement obstrué par des débris d’arbres, des véhicules, des caravanes éventrées. Les Lamalousiens ont morflé. Voilà,ce qu’il en coûte d’accueillir le FN!

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  8. À n’en pas douter, notre José Suisse sera un jour le digne successeur de Pierre Galet, mais en attendant je ne pense pas qu’il parle ni écrit parfaitement le roasted beef (ses admirateurs me démentiront si besoin, mais me semble qu’il a été traduit), tout comme notre vieux Galet national aurait pu l’être si son éditeur avait été plus riche. Je ne serais pas surpris cependant qu’une édition en langue internationale (anglais) sorte un jour des presses. En revanche, je puis confirmer que les deux personnages ont de l’humour (et des anecdotes) à revendre ! Quant aux anglais (es), j’en ai fréquenté des tonnes qui faisaient du « style » à ne plus savoir qu’en faire… un peu comme toi, Léon, soit dit au passage !
    Mais n’envenimons pas les choses à la veille d’un France-Angleterre que j’espère mémorable… 😉
    Car ce n’est pas demain la veille que l’on jouera au rugby contre les belges !

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    1. Luc Charlier

      Vous n’oseriez-pas, à cause du pot belge. Il est parti de Perpignan avec Jacques Brunel, même si, apparemment, il marche moins bien à la sauce Buitoni. Quant à mon style, adorable Forgeron, tu ne peux pas dire que je m’en vante jamais. J’essaie de ne pas faire trop de fautes, je m’applique à l’orthographe, à la concordance des temps, à la syntaxe. C’ est « grammaticalement correct » et souvent concis, mais sans élégance ni talent … tout-a-fait à mon image. J’accepte facilement les reproches, mais ne mérite pas celui de vantardise. Je suis le meilleur et je le sais; pas besoin que je le dise !

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    2. Michel Grisard

      Michel, notre ami José à vécu et travaillé à l’université de Davis. Il y était à la découverte du génome de la vigne et en fait maintenant un des spécialiste de l’ADN. Il n’a pas eu besoin de traducteur.

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      1. À vouloir répondre trop vite aux commentaires, j’ai négligé la recherche et je me prends les pieds dans un beau tapis de vignes ! Toutes mes excuses à notre ami José et merci à toi, Michel, de rectifier mes bourdes et de préciser les états de service de ce grand ampélographie Suisse qu’est José Vouillamoz.
        Pour ceux qui ne le savent pas encore, Michel, proche de Pierre Galet, est le président du Centre d’Ampélographie Alpine. Il est aussi vigneron.

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