La politique et le vin en France : peut-on enfin espérer ?

(photo RVF)

Nous avons enfin en France un Président de la République qui aime le vin, qui le respecte pour le produit culturel qu’il peut être, et qui sait aussi le déguster (avec modération, cela va sans dire). Pour vérifier cette dernière affirmation, regardez le reportage video réalisé par le magazine Terre de Vins avant l’élection d’Emmanuel Macron.

Au cours des dernières 20 années, nous avons eu un Président qui préférait la bière au vin, puis un autre qui ne buvait pas du tout, puis un troisième dont j’ignore les goûts mais qui ne me semble pas avoir défendu le vin avec beaucoup d’ardeur, malgré les efforts louables de son ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius. A présent, nous avons comme Président un homme qui non seulement aime réellement le vin, mais qui sait aussi reconnaître son importance symbolique, culturelle et économique. Cela est attesté par le fait que, lorsque le sujet est évoqué, M. Macron ne joue pas au chat et à la souris avec des détours de langage pour éviter de choquer le redoutable lobby anti-alcool (mais quoi, vivons-nous en Iran ?!). Bien avant son élection, il a déclaré à nos collègues de Terre de Vins : «La France déçoit quand elle ne met pas les petits plats dans les grands. J’y tenais beaucoup quand j’étais à Bercy. Quand je recevais nos hôtes étrangers, ils s’attendaient à boire du bon vin, un bon champagne, un digestif. Le vin est un ambassadeur.» Et la loi qui porte son nom a aussi permis un certain assouplissement de la stupide loi Evin en facilitant la communication autour de l’oenotourisme, autre secteur très utile pour le bilan commercial du pays (10 millions de touristes et 5,2 milliards de dépenses en France en 2016). Pour lui, le vin est «un formidable atout pour le rayonnement de la France». Le candidat Macron n’éludait pas non plus les questions sensibles : «la réponse aux pesticides ne passe pas uniquement par le bio mais aussi par l’innovation […] Il ne faut pas opposer les techniques conventionnelles au bio».

Pour accompagner le nouveau Président dans ce domaine, une femme, Audrey Bourolleau, est devenu sa conseillère pour les sujets agricoles au sens large. Certains d’entre nous la connaissent pour l’avoir croisée en tant que Délégué Générale de Vin et Société, poste qu’elle a quitté pour suivre M. Macron dans sa campagne et où elle a milité avec succès pour une vraie politique de consommation raisonnable tout en faisant de la promotion de l’oenotourisme une autre priorité.

Mais cela n’a pas manqué de réveiller le sinistre lobby hygiéniste (voir aussi un récent article dans Vitisphere) qui voit en elle un danger pour leur politique de santé publique que je qualifierai plutôt de « politique de l’airbag ». Comme le dit mon copain et collègue Yves Legrand (triathlonien et « iron man » de près de 70 ans et aussi marchand de vin de son état), « après tout, la vie est une maladie mortelle sexuellement transmise » (je crois que c’est de Pierre Desproges en réalité). De cette politique de zéro risque, qui s’accompagne aussi de zéro plaisir très probablement, je dirai qu’elle ne va pas assez loin : ces zélotes devraient simplement estampiller sur chaque être humain à sa naissance « respirer tue ». Nous saurons alors que tout le reste est a relativiser.

La malhonnêteté intellectuelle ne semble pas connaître des limites dans certain propos des prohibitionnistes. Lutter contre l’alcoolisme est nécessaire. Mais il serait stupide de détruire la forêt parce qu’un arbre bloque votre chemin. Et mener des procès d’intention à l’encontre de quelqu’un qui vient d’être nommé à un poste, sans être en mesure de la juger sur des actes, me semble suspect, voire à tendance totalitaire.

David Cobbold

PS. A l’heure ou j’écris ces lignes, la finale du TOP 14 n’a pas encore commencé. Bien que supporter de longue date du Stade Français, je dis « allez Clermont », tant leurs dernières saisons, et celle-ci en particulier, ont régalé tout amateur d’un rugby de mouvement. Regardez le replay de la demi-finale entre Clermont et le Racing et vous verrez.

10 réflexions sur “La politique et le vin en France : peut-on enfin espérer ?

  1. Acceptons-en l’augure, David! Tout en sachant que le Président ne fait pas tout en France, qu’il doit composer. Et que la ministre de la santé qu’il a nommée a appelé naguère à l’abstinence totale. En parlant de totalitarisme…

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  2. georgestruc

    Les commentaires des lobbyistes (addictologues en particulier) vont bon train.

    Exemple sur RMC – Amine Benyamina, psychiatre addictologue, président de la Fédération française d’addictologie:

    « Avant d’être nommée conseillère agriculture d’Emmanuel Macron, Audrey Bourolleau dirigeait depuis 2012 Vin et Société, une association qui regroupe l’ensemble de la viticulture. Elle défendait donc, à ce titre, les intérêts de la filière à travers des stratégies de lobbying très offensives. C’est pourquoi, même si elle a démissionné de son poste, sa nomination nous inquiète. Même si officiellement elle est en poste en tant que conseillère sur agriculture, quand une personne qui a fait, comme elle, toute sa carrière dans le lobby pour pouvoir détricoter la loi Evin, on ne peut que s’alarmer de sa proximité avec le président de la République. Selon nous, les intérêts de la filière viticole contre les intérêts de la santé publique seront probablement prioritaires par rapport à la défense de l’agriculture en général. »

    Ce sont des discours complètement décalés, dignes des religieux iraniens !! Elle aura beaucoup plus de mal que l’on ne pense à faire entendre la voix de la viticulture française.

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  3. Juste et nécessaire, car que nous apportent véritablement les hygiénistes, à part faire inutilement peur aux gens au lieu de s’attaquer aux racines du problème, entre autres par un vrai travail sur l’éducation du goût qui inclut le vin.

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  4. Philippe Bon

    Bonjour,

    Rappelons nous qu’en 2013, Séverine Besse-Le-Saux avait occupé pendant une courte période le poste de DG de Vin et Société avant de « passer à l’ennemi » en intégrant le cabinet de Marisol Touraine au poste de conseillère en communication.

    Il ne me semble pas qu’à l’époque cela ait fait grand bruit.

    Philippe

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  5. Effectivement. Pour ceux que cela amuserait, je l’avais évoqué sur mon blog perso.
    http://hlalau.skynetblogs.be/archive/2013/11/28/une-carriere-7999220.html
    Pour info, Mme Besse-Le Saux est restée 2 ans au cabinet de Mme Touraine, puis a rejoint le privé – encore un cabinet, mais de conseil, celui-là (Taddeo); avant de revenir dans le public, pour un peu moins d’un an, au ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Depuis 2015, elle est experte indépendante en communication institutionnelle.

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  6. Ne comptons pas trop sur les politiques pour défendre nos intérêts. Par contre, unis autour d’un même message, nous pourrons vaincre tout le monde. En attendant, qui prend la tête de la croisade ? Je suis prêt à le suivre. Chez nous, il y a un petit millier de consommateurs qui passent chaque année…

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  7. Je crois Dominique que c’est une bonne démarche que de s’unir, producteurs, intermédiaires et amateurs, pour dire stop à cette dictature de l’interdit et de l’infantilisation des adultes à qui on demande, par ailleurs, de prendre constamment leurs responsabilités. Quel serait le message unique ? Pensons-le ensemble.

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