Muscadet et huîtres : un accord classique qui ne marche pas !

Les accords « classiques » ont la vie dure et longue. Parfois ils fonctionnent assez bien, mais, dans d’autres cas, j’ai du mal a comprendre leur justification gustative. C’est le cas de la combinaison hyper-classique du muscadet avec des huîtres. Le muscadet est un vin blanc assez délicat, voire discret et, pour les meilleurs, peu acide. L’huître, avec certes des variations saisonnières et selon l’origine, a un goût parfois bien marqué par le sel, souvent par l’iode, et qui contient pas mal de cette saveur que les japonais ont nommé umami. L’umami, aujourd’hui reconnu par des scientifiques comme un cinquième goût, est autant une texture qu’une saveur et dont la présence de glutamate est un ingrédient essentiel. Il agit aussi comme un exhausser de goût et, dans le cas de l’huître, cet effet est amplifié par la présence du sel. Je pense que cette combinaison est la source de mon problème avec l’accord huîtres/muscadet. En tout cas, le résultat pour mon palais, et que le goût de l’huître domine systématiquement celui du muscadet, qui disparaît presque totalement. Parfois aussi cette combinaison produit un goût métallique assez déplaisant.

J’ai souvent été déçu par un effet d’écrasement du vin par certains plats, et ceci me semble particulièrement vrai avec cet accord qui, pourtant, est constamment reproduit dans des livres ou articles. J’avoue y avoir cédé parfois par facilité. Pourquoi insister alors sur un tel accord ? Une proximité des régions de production des deux produits peut engendrer ce type de solution de facilité. Bretagne pour les huîtres et Muscadet pour le vin blanc est un cas évident. D’autres cas similaires fonctionnent mieux pourtant, comme Sancerre et fromage de chèvre, ou Gewurztraminer et Munster. Mais la proximité géographiques des produits n’est pas une preuve d’un bon accord.

Très récemment, à l’occasion d’une présentation des excellents vins de Muscadet de Jérémie Huchet et Jérémie Mourat, j’ai pu de nouveau expérimenter cet accord, ou plutôt ce désaccord, et avec des très beaux vins de Muscadet. Cette dégustation avait lieu à Paris et les accords avaient été préparés par l’excellent professionnel qu’est Olivier Poussier, avec des huîtres de grande qualité et de différentes provenances, assortis à des muscadets issus des crus communaux, sujet dont mes collègues ont déjà parlé sur ce même site.

Les vins provenaient de millésimes qui s’étalaient entre 2016 et 2002, renforçant clairement mon avis déjà acquis que ces vins ont une bonne capacité de garde et que les meilleurs y gagnent en complexité. Les vins présentés ayant beaucoup de qualités, je vais vous les présenter avant de revenir sur le sujet des accords, ou plutôt le problème des accords tels qu’ils étaient proposés à cette occasion.

Muscadet Sèvre et Maine, Clos les Montys 2016

Seul vin de la série à ne pas être issu d’un des crus communaux, son nez fin et délicat est plutôt floral. La bouche est directe, simple, relativement vive et très agréable. Une bonne mise en bouche pour la suite.

Monnières Saint Fiacre 2014

Ce vin était encore en cours d’élevage au moment de la dégustation. Le nez avait donc un caractère de réduction qui me faisait penser à de la cacahuète. Assez intense, ciselé et directe. pas encore très complexe.

Clisson 2014

Pas très aromatique au nez, mais cela semble être un constant pour les muscadets qui, pour moi, se révèlent surtout en bouche. Dans ce cas on découvre une belle suavité, qui est à la fois tendre et complexe, au cœur intense et avec une très belle longueur. Un très beau vin.

Goulaine 2013

Plus « large » dans ses saveurs avec aussi une belle intensité et beaucoup de longueur. Le fond est assez ferme avec une touche  un peu métallique. Du coup le fruit peine à enrober cela et le vin paraît assez austère. En anglais on dirait « steeely » (vous remarquerez mes efforts pour éviter le mot valise de « minéral » !)

Château-Thébaud 2012

Nez plus complexe avec des notes fumées. Relativement riche et savoureux en bouche. Précis et vif avec une excellente longueur.

Gorges 2012

Ce nez m’a semble plus parfumé que les autres, avec un léger fruité de fruits blancs et un accent océanique. Le fond est solide et, dans ce cas, le fruit s’y intègre très bien sans être écrasé. Une combinaison très intéressante entre tendresse et austérité. Très joli vin.

Château-Thébaud 2002

Ce vin était servi à table, juste après la dégustation. Il m’a semblé bien plus riche et puissant que tous les autres, peut-être en partie parce qu’il n’y avait pas d’huîtres pour interférer. En tout cas l’évolution dans le temps lui a été bénéfique, le faisant gagner en puissance aromatique et en complexité. Très beau vin.

Pour plus d’informations sur ces excellents vins, voici l’adresse de leur site dédié : www.lesbetescurieuses.fr

 

Les huîtres et la difficulté de ces accords

Les huîtres étaient de très belle qualité, là n’est pas le problème. Il y avait des spéciales de claire d’Oléron et du Bassin d’Arcachon, des spéciales de Bouzigues, des Princesses de Kermancy de La Trinté sur Mer, des Prat ar Coum d’Yvon Madec et des plates de Cadoret. Chaque huître était proposé avec un Muscadet en particulier. J’ai essayé les accords tels qu’ils étaient présentés, puis j’ai fait des croisements pour voir si cela marchait mieux. Sans grand succès.

J’ai trouvé que le meilleur accord était avec le muscadet le plus jeune et le plus simple : le premier vin dans ma liste ci-dessus, à condition de prendre une huître pas trop puissante. La saveur riche et la texture grasse de l’huître plate écrasait tous les vins, et, à moindre degré, toutes les autres huîtres s’avéraient trop puissantes pour tous les vins. Pour trouver un bon accord avec l’huître ne faudrait-il pas essayer plutôt des vins ayant des saveurs plus perçantes, à l’acidité plus prononcée ? Ou introduire un peu de sucre dans l’équation avec un demi-sec, afin de contrer l’effet de l’umami qui agit presque exactement comme le sucre dans les accords. Ou simplement accepter stoïquement la défaite et prendre plaisir avec son huître avant de boire un coup ? Vos idées et expériences seront le bienvenu ici…..

David

12 réflexions sur “Muscadet et huîtres : un accord classique qui ne marche pas !

  1. Les accords David, c’est toujours aléatoire et c’est une question de goût. Quant à dire que cela ne fonctionne, ce vieux mariage entre les huîtres et les Muscadet, c’est trop vite jeter aux orties cette union traditionnelle. Par contre, comme l’indiquent Marc André, Roger ou encore Jim, on peut changer le contrat et proposer des vins totalement différents. Dans le Sauternais, on buvait à une époque, et peut-être encore aujourd’hui, du Sauternes avec les huîtres accompagnées de saucisses grillées. Et pour clore ce commentaire, nous avons fait, il y a trois ans d’ici, une grosse dégustation de Muscadet et d’huîtres, avec comme but d’apparier 2 Muscadet à 1 variétés d’huître, soit 7 accords différents. Pour y arriver, nous avons tout dégusté en croisant les alliances. Il est vrai que certaines huîtres se transformait en quelque chose d’affreux en bouche avec certain Muscadet, mais qui avec d’autres s’accordaient délicieusement. Il faut par conséquent relativiser, il n’y a pas de panacée. Voici le lien avec l’article paru dans In Vino Veritas https://www.invinoveritas.be/fr/huitres-et-muscadets-un-mariage-reussi/
    Marco

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    1. Au Pays Basque, ils vous servent (quelquefois) les huîtres accompagnées de petites chipolatas au piment d’Espelette, façon merguèz. On est d’accord, il faut « relativiser ». Au Fisherman’s Wharf (quand je n’étais pas encore non grata aux US), j’ai reçu des « pieds de cheval » (huître du Pacifique) servies avec du chou blanc cru émincé et du ketchup. Là, il faut réellement relativiser.

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  2. mars75

    N’oubliez surtout pas qu’à Nantes, les huîtres sont servies avec un mélange de vinaigre et d’echalottes… ce qui vient encore plus compliquer l’accord…
    Pour moi un bon gros plant, bien sec et neutre en goût laisse parfaitement l’ huître s’exprimer !

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  3. Pour Mars75 (anonyme ?). le problème n’est pas de laisser l’huître s’exprimer, il s’en occupe assez bien tout seul. C’est de laisser le muscadet s’exprimer. Et là il a été écrasé de partout !

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  4. « Hâ-tends, Bouffon, si elle est bonne, t’as raison, pourquoi manquer un coup avec une salope en string? »
    Ceci n’est pas un commentaire, je me suis simplement découvert sur le tard un talent de rappeur. On m’appelle LC Konaar dans le milieu.
    NB: attention, j’ai bcp d’estime pour MC Solaar, dont le nouvel album (acheté) est excellent, après 10 ans de silence. Il est le fils spirituel de Gainsbourg.

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  5. Pas question de masquer l’huître avec du vinaigrent de l’échalote ! Si l’huître est de Marennes, quelques miettes de poivre aideront à la goûter sur un vrai muscadet de S et de M, qu’il soit jeune ou plus ou moins vieux (car ces petites bêtes vieillissent bien !), à condition de servir les deux prétendants à une température normale : entre 14 et 17°.

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  6. Josso Christophe

    Que de gens compliqués !
    En Bretagne, et notamment dans le sud Bretagne où le Muscadet est produit, l’accord huîtres / Muscadet ne pose pas de problème, c’est une tradition bien établie, et ça fonctionne parfaitement bien. Nous n’avons pas de problème non plus avec le vinaigre et les échalotes, traditionnels aussi dans la régions, mais nos palais doivent être plus rustiques…
    On n’est pas obligé d’aimer les traditions bretonnes, heureusement, nous ça nous convient.

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  7. Pierre Mailhes

    Les muscadets ont évolué et sont beaucoup plus travaillés aujourd’hui.Les producteurs proposent des vins plus complexes qui se marient moins bien avec les huîtres … mais très bien avec des fromages. Pour ma part, les muscadets les plus chers ne sont pas forcément les meilleurs avec les huîtres, et il faut choisir des muscadets plus simples (souvent les moins chers… même avec des Gillardeau). Et sur vos conseils je vais tester avec du gros plant

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