Riesling alsacien et choucroute au poisson

Pour la choucroute au poisson, ma première fois, c’était à Riquewihr; à l’hôtel du Sarment d’Or, reconnu alors pour sa bonne table. Je crois qu’elle est toujours réputée aujourd’hui.

C’était en plein mois de juillet et le soleil nous frappait sur le crâne du haut de ses 36°C. Bref, le soir, après une bière suivi d’un Riesling de circonstance, on aspirait à manger aussi frais que cet agréable vin blanc. Ce qui fut le cas jusqu’au moment où le chef nous annonça (nous étions en demi-pension) : « Ce soir je vous propose un menu typiquement alsacien, une tarte à l’oignon suivi d’une choucroute (déjà l’annonce de la tarte nous a coupé un instant la respiration déjà difficile en cette soirée de canicule, mais le mot choucroute nous a fait vaciller) … de poisson, et je vous rassure, c’est très léger et agréablement parfumé ».

OK pour la découverte, fallait tenter le coup et nous n’avons pas été déçus. Contrairement aux recettes de choucroutes au poisson qu’on trouve dans les livres ou sur le net, pas de crème fraîche, ni de beurre, mais juste un jus pour humecter les chairs maritimes qui trônaient avec élégance sur l’écume de chou. Ça avait de la gueule, ça sentait bon, et cela n’était pas un caprice de chef, celui de l’Auberge de l’Ill l’avait déjà remise au goût du jour. La choucroute au poisson n’était pas une nouveauté, mais un retour probable aux origines de cette préparation introduite en Alsace vers le milieu du cinquième siècle, apportée par les hordes barbares de Chine où le procédé fût inventé. Les premiers écrits qui en parlent remontent toutefois au 15es. Certains auteurs supposent que la garniture première était faite de poissons… Le saura-t-on jamais…

OK, l’assiette du Sarment était plus jolie

Avec un Riesling, ça le fait!

Un paquet de choucroute, un morceau de cabillaud, un autre de haddock pour la note fumée, un oignon et puis je vous renvoie aux recettes bien expliquées sur le net, faites-en une synthèse pour vous concocter une choucroute à votre goût.

Pas de crème, mais un peu de lait pour dessaler le haddock. Rincer aussi la choucroute qui est toujours trop acide.

Mais l’important, c’est le vin.

J’ai choisi un Riesling Steinklotz bien sec – moi, ça m’énerve quand on s’attend à de l’acidité et qu’une dizaine de grammes de sucres résiduels vient tout gâcher. Celui d’Arthur Metz.

Le Steinklotz est un grand cru en coteau (calcaire) à forte pente, au-dessus de Marlenheim; il se situe à une altitude de 200 à 300 m, exposé au sud-sud-est.

Riesling Steinklotz Alsace Grand Cru 2014 d’Arthur Metz

La robe vert jaune aux reflets fluo fait friser l’œil et donne vivement envie d’y plonger le nez. C’est vite fait, impatient, le tarin se précipite, puis se retient, séduit par la délicatesse du bouquet, parfums subtils du bouton de rose et de la fleur d’oranger. Puis, éclate la fragrance du citron vert accompagné de mandarine et poudré de cardamome. Enfin, un rien de poivre vient épicer l’élégance florale.

La bouche fraîche nous fait craquer en croquant d’un coup de dent la groseille à maquereau garnie d’une étoile de carambole. Les agrumes se sont légèrement confits, ce qui donne du volume et de l’onctuosité au vin. Il y a aussi cette petite pointe saline qui nous encourage à accompagner le vin d’une belle recette marine.

Et ça fonctionne bien!

Le cépage, ici fluviatile, ne se fait pas traiter de marin d’eau douce par la choucroute devenue maritime. Mais il y a une entente terre-mer des plus savoureuses. L’acidité du chou répond à celle du vin et les deux font match nul sur nos papilles.

Le cabillaud voit son goût un peu effacé relevé par le franc caractère du Riesling qui, à coup d’agrumes, le sort de l’anonymat, et à force d’emphases florales le transforme en petit nabab parfumé d’iode.

Le top, c’est avec le haddock, certes dessalé, mais loin d’être neutre. C’est qu’il a du goût de vieux loup et surtout pour les belles choses comme ce Steinklotz qui lui offre ses délectables richesses. Il s’en assaisonne les chairs et le temps d’une bouchée, devient poisson de prince aux atours recherchés.

Conclusion

 N’hésitez pas, la choucroute de poisson, ça n’est pas trop compliqué, c’est original et léger.

Marlenheim vu du Steinklotz

Àdje und viel Gliek !

 

Marko

5 réflexions sur “Riesling alsacien et choucroute au poisson

  1. Je te suis entièrement, Marc.
    D’abord, la choucroute de poisson, parfois appelée « de la mer » quand on utilise du poisson d’eau salée, est un plat exquis.
    Ensuite, un riesling sec l’accompagne bien. On peut le choisir issu d’un calcaire à astéries, pour le symbole! Les Slvaners (avec « i » et majuscule) sur ce même genre de sol en Franconie sont bons aussi.
    Le restaurant « Le Chevalier » (allusion à Albert Ier) sur la digue d’Ostende en prépare une très bonne.
    A Valras-Plage, au Delphinium (c’est plus loin pour vous), Evelyne en propose une exquise et lie son chou (effectivement bien acide) avec un beurre blanc aérien. NB: son mari, Olivier Piau, a fait in illo tempore ses premières armes (à 16 ans) à la « Pension Fleurie » de Coxyde,, établissement hélas remplacé par des cages à lapins pour vacanciers depuis 25 ans. Il propose une carte des vins très intelligente à prix fort doux (Puligny de Sauzet à moins de 60 € sur table étant le plus cher de sa liste!).
    Quand la vitesse n’était pas limitée, ou en tout cas les radars fixes inexistants , Marlenheim (via Saverne si je me souviens bien) s’atteignait facilement depuis BXL en partant en fin d’aprem. Et le meilleur restaurant du coin, Le Cerf (qui n’avait pas encore deux étoiles) proposait une table magnifique. Metz était déjà une bonne adresse, et aussi Mosbach. En outre, on était tout près de chez Frédéric Mochel.

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    1. Le Riesling, ça peut être vraiment sympa comme cépage, mais j’ai beacoup de mal quand il contient du sucre résiduel, c’est pas mon goût et c’est plus difficile à marier avec le repas, sauf avec les fromages.
      Marc

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  2. georgestruc

    Tiens, tiens, riesling sec et acide sur terroir calcaire ? Cela me rappelle quelque chose évoqué il n’y a pas longtemps, Marco.
    Belle description de cette choucroute et de son association avec le riesling de chez Metz. Cela donne tout simplement envie d’aller faire un tour « la haut » (le haut, pour nous du Sud, c’est toujours le Nord, bien entendu).

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