Vues sur le Riesling en Alsace

A note to my English-speaking readers. An English version of this article will be forthcoming next week, but you can still check out the pictures and the list of the good Riesling wines that I tasted last Monday at Colmar in Alsace!

Je suis très amateur du cépage Riesling. C’est pourquoi je me suis concentré surtout sur cette variété (avec une partie de l’après-midi consacré au Pinot Noir dont je vous parlerai une autre fois ) pendant ma récente journée passée à Colmar, lors de l’opération bisannuelle intitulée Millésimes Alsace. Heureusement, il ne faisait pas trop chaud ce jour-là car la grande halle du Parc des Exposition de cette ville semble dépourvue de climatisation, ce qui est un peu étrange. En tout cas, les vins étaient tous servis à bonne température, ce qui n’est pas toujours le cas lors des grands salons.

Je dois aussi avouer une certaine perplexité devant les différences de saveurs et textures que peuvent proposer cette variété, et en particulier devant la présence ou l’absence des arômes/saveurs de type « hydrocarbure ». Personnellement je n’aime pas du tout cet arôme dans le Riesling, d’autant plus qu’il est très souvent accompagné par une texture un peu rêche/végétale et un fond d’amertume pas toujours agréable. Ce jour-là, j’ai demandé à plusieurs vignerons leur explication de la présence de telles caractéristiques et tous m’ont répondu sur la ligne « terroir », en parlant uniquement de la nature du sol. Cette réponse ne me satisfait pas du tout, entre autres parce que je rencontre ce profil dans des Rieslings issus de sols très variés, comme également deux Rieslings issus de la même parcelle et sol mais dont un seul rappelait le pétrole ! Dans ce cas, j’aimerais qu’ils m’expliquent précisément quel est l’ingrédient dans le sol qui provoques ses arômes, car le mot « terroir » me semble bien trop vague. Il doit y avoir autre chose et je ne suis pas loin de penser que la cause principale est plutôt la chaleur, et/ou le rayonnement solaire, car on trouve des Rieslings qui « pétrolent » essentiellement dans les zones les plus chaudes pour ce cépage : Alsace et Australie notamment, tandis que les vins allemands produisent cela bien plus rarement.

Et si c’était la carotte ?

Une explication plus crédible de cette famille aromatique qui peut diviser est qu’elle serait provoquée par un composé connu sous le terme difficile de 1,1,6-trimethyl-1,2-dihydronaphthalene (TDN pour faire court), et qui est produit, dit-on, pendant le processus de vieillissement (sans mention de la durée ce celui-ci) par l’hydrolyse de précurseurs carotenoïdes. Ces précurseurs auraient tendance à se développer sous une combinaison des facteurs suivants : des raisins très murs produits par des rendements faibles, une exposition forte au soleil, du stress hydrique et une acidité élevée. Je ne sais pas pour l’effet de vieillissement car je rencontre ces arômes aussi bien dans certains Rieslings jeunes que dans ceux ayant quelques années, mais le reste me semble cohérent.

Heureusement, beaucoup des Rieslings alsaciens que j’ai dégusté lundi dernier en étaient indemnes, et je vais vous parler essentiellement de ceux-là. Si vous ne trouvez pas votre producteur préférer dans cette liste, j’ai deux explications à vous donner, hormis mon aversion pour des arômes de pétrole : d’abord la taille de ce salon avec ses 99 exposants, ce qui en fait bien trop pour faire un tour complet dans la journée, car chacun présentait plusieurs cuvées de Riesling ; ensuite, le fait que j’ai évité des domaines dont je connaissais un peu la production, pour tenter de découvrir les vins de jeunes (ou de moins jeunes) producteurs.

Pour commencer, voici une liste des domaines dont j’ai particulièrement apprécié le style avec ce cépage : 

Domaine Agapé (Vincent Sipp à Riquewihr, ci-dessus) : clairement mon coup de cœur à ce salon, pour son style délicatement fruité, floral ou salin selon le cas. Et toujours une magnifique texture suave, totalement libre de toute rugosité. Une série de Riesling Grands Crus (Osterberg, Rosacker, Schoenenbourg) absolument impeccables, que ce soit dans les millésime 2015, 2016 ou, dans un cas, 2017. Rarement je n’ai trouvé une gamme aussi cohérente et séduisante dans le style à travers les 6 ou 7 vins que j’ai pu déguster.

Pierre Adam à Ammerschwihr, pour son Riesling Grand Cru Kaepferkopf 2010

Domaine Schoffit, à Colmar, pour ses Riesling Harth, et les deux Grands Crus Sommerberg et Rangen

Domaine Armand Hurst, à Turkheim, pour ses Riesling Grand Cru Brand 2016 et 2014, ainsi que d’autres vins

Domaine Martin Schaetzel, à Kientzheim, pour ses Rieslings « S » 2015 et Schlossberg 2016

Domaine Bott Geyl, à Beblenheim, pour ses Rieslings Graffenreben  et Grand Cru Sclossberg 2014

Domaine Stentz Buecher à Wettolsheim, pour les Rieslings Tannenbuhl cuvée Flavien et Grand Cru Steingrubler 2017

Wunsch & Mann à Wettolsheim, pour leur Riesling Grand Cru Steingrubler (je n’ai pas noté le millésime)

Domaine Zusslin, à Orschwihr, pour son Grand Cru Pfingstberg 2015

Et puis, aussi très réussi dans une gamme bien plus abordable (moins de 10 euros), il y avait le Domaine Ansen à Westhoffen. Pour les Grands Crus, la fourchette des prix au public des vins mentionnés se situe généralement entre 20 et 30 euros pour des vins qui ont une très belle capacité de garde.

En tout j’ai du déguster environ 80 cuvées différentes de ce cépage, entre AOP Alsace et Alsace Grand Cru. Les autres domaines dont j’ai dégusté des Rieslings, mais que j’ai moins bien notés, étaient les suivants : 

Henry Fuchs, Francis Beck, Scheidecker, Emile Beyer, Cave de Hunawihr, Baumann Zirgel, Paul Kubler, Sipp-Mack, Cave de Ribeauvillé, Gresser, Zinck, Haag.

Longue vie à ce magnifique cépage, avec ou (de préférence) sans arômes de pétrole !

David Cobbold

 

5 réflexions sur “Vues sur le Riesling en Alsace

  1. Mais puisqu’on est dans l’information scientifique avec toute la rigueur que cela impose, il serait peut-être bien pour lecteur de lui indiquer le contexte de financement qui a permi ces dégustations. Loin de moi l’idée de remettre en cause votre indépendance et votre objectifivité. Mais il serait bien que le lecteur sache à quelle occasion la dégustation a été faite. Qui a financé ou cofinancé le déplacement, l’hôtel, le ou les restaurants. Même si ces financeurs n’ont aucune influence dans vos choix de vins ici présentés. D Lefebvre

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    1. Bonjour,

      C’est le CIVA qui finance tout cela. Les inscriptions pour les vignerons au salon se sont faites « au premier demandé au premier placé ». Aucune « recommendation » pour aller déguster chez untel ou untel n’a été émise à ma connaissance, et tous les stands étaient rigoureusement identiques.

      Au pire on peut regretter une présence un peu forte des grandes maisons de négoce et l’absence du coup de quelques top vignerons, mais néanmoins la variété était bien là !

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    2. Millésime Alsace est un salon réservé aux professionnels, organisé par le Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace
      http://www.millesimes-alsace.com/fr/

      Les journalistes sont une des cibles, pas la seule; et la prise en charge des frais ne regarde pas plus nos lecteurs que ceux de mon- Viti, à partir du moment où elle n’a aucune influence sur le choix des vins présentés.

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  2. Ça fait sérieux de mettre des molécules, mais encore faut-il en comprendre le sens, sinon c’est du roman ! La littérature oeno s’est contredite à propos du TDN en l’attribuant à la fois à la maturité et aux excès d’azote. Le précurseur carotène est lipophile, il n’est donc pas supposé migrer dans le jus (hydrophile) au pressurage de vendange entière, sauf s’il y a trituration de la vendange. Dans les faits, le TDN correspond à une époque où les rieslings étaient triturés et n’étaient pas pressés en vendange entière. En clair il n’y a plus de pb de TDN ni en Alsace ni ailleurs. Sauf sur les vieux rieslings qui correspondent à un autre process oenologique où les vendanges étaient davantage triturées. Plutôt qu’un beau roman moléculaire, publiez une analyse de l’évolution de la teneur en TDN des rieslings sur 20 ans. Enfin je pense qu’il y a d’autres choses moins romantiques à dire sur l’évolution des rieslings alsaciens. DL

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