Que boire avec le caviar?

C’est toujours un challenge, comment accompagner les œufs d’esturgeon de bonne façon. Il y a certes la vieille habitude russe, la vodka, mais pour moi, ce n’est rien d’autre qu’un prétexte pour ne pas être trop vite ivre. J’ai testé, ça marche. Le caviar mérite mieux.

 

J’ai expérimenté

Lors d’une petite réunion de presse au sein de l’entreprise Caspian Tradition à Waterloo, à 10 min de chez moi, j’avais emporté quelques flacons pour remplacer l’inévitable Champagne. Ce dernier fonctionne à partir du moment où après quelques années de caves, il offre une patine légèrement oxydative. Sinon, ça fait chic, c’est tout. Mais avant de parler accords, rappelons quelques éléments de base.

Le caviar

Aujourd’hui, on ne peut plus vendre de caviar sauvage, la pêche des esturgeons sauvages est interdite depuis 2008. On le vérifie sur le dos des boîtes, près du code barre, on peut lire de quelle espèce il s’agit suivi de la lettre C qui indique que c’est un esturgeon d’élevage. La lettre W pour sauvage ne se rencontre plus. Après on a le pays d’origine du lot/ l’année du prélèvement/ le numéro de l’usine de traitement et le numéro d’identification du lot. Ou quand il s’agit d’un reconditionnement, l’espèce/C/code du pays d’origine/année de traitement/code du pays qui reconditionne – numéro d’identification du lot.

Le code IT pour Italie peut étonner, mais la Botte est le deuxième pays producteur de caviar après la Chine et devant la France. Cette dernière fut le premier pays à initier l’élevage en Gironde avec des esturgeons sibériens.

Autre matière à réflexion, les espèces. Du temps de l’Iran et de la Russie qui restent des pays producteurs, on parlait de Beluga, d’Osciètre et de Sévruga, ces espèces peuplent toujours les élevages, mais d’autres viennent combler les palais des connaisseurs comme le Baeri, les différents Acipenser, le Kaluga. Quant aux élevages, on peut distinguer ceux en piscines et ceux en lacs. J’ai un a priori défavorable pour le vase clos qui souvent génère un léger goût de vase, j’y suis fort sensible et c’est comme la moisissure dans le vin, je déteste ça. Enfin, l’âge du poisson, il faut 6 ans pour le Baeri par exemple, mais entre 15 et 20 ans pour un Beluga, ce qui fait monter les prix. Du coup quid des boîtes de 10 g vendues pour 10 balles. Il s’agit d’esturgeon abattus dans leur première année de maturité (trop tôt), leurs œufs sont plus petits, ont moins de goût, sont huileux et sont plus mous, et souvent congelé, dégelé et pasteurisé.

Pour le moment, ma préférence va au caviar chinois issu d’un élevage en lac; le poisson, en semi-liberté, grandit plus et plus vite, il est moins gras et par conséquent ses œufs sont plus goûteux.

Les accords

 J’ai quitté le classique pour expérimenter le saké, l’amontillado, le rancio sec et le bitter. Tout fonctionne relativement bien, avec bien entendu de belles surprises et des alliances plus douteuses.

Avec le Baerii

Esturgeon de 6 ans aux œufs d’un joli vert émeraude foncé, odeur toastée, d’une texture croquante, salé avec mesure, des goûts qui rappellent l’algue et la noisette avec un accent iodé assez prononcé et une pointe de poivre.

 

Avec l’Amontillado de Colosia

Un accord épicé qui révèle le poivre des œufs en y ajoutant un rien de cumin.

Avec le Rancio sec de l’Etoile

Le vin écrase un temps le caviar, puis ce dernier reprend l’avantage tout en imposant ses arômes iodés et épicés.

Avec le Vermut catalan de Priorat Natur

Là, cela devient assez curieux à cause de la légère sucrosité du vin, mais cela équilibre le salé du caviar, ces velléités neutralisées, les deux partenaires s’entendent pour développer des notes de plantes aromatiques, d’algues, de poivre et de noisette.

 Avec l’Impérial Gold

 Ce caviar est d’une espèce hybride, le Huso Dauricus & Acipenser Schrenckii, en provenance de Chine. Les poissons sont élevés dans des lacs sino-russes au bord du fleuve Amour et jouissent de la place nécessaire pour circuler librement. De ce fait, ils brûlent le surplus de leurs graisses ce qui nous donne le plaisir d’apprécier la fermeté de leurs grains. Ainsi que leur grosseur et leur goût explosif de sel bien dosé, bien épicé de poivre, teinté d’iode et de notes terrestres qui rappellent le thé vert, la sauge, avec une impression de fumé.

Avec le Saké Ginjo

La boisson japonaise de style Ginjo atténue l’élan salé et offre ses arômes floraux et fruités au caviar. Un accord à la raffiné et délicat.

Avec l’Amontillado

Le vin et les œufs s’accordent pour développer des saveurs de noisette et de noix, l’iode vient par après, la finale se poivre.

Avec le Rancio sec

L’amertume du Rancio convient, et c’est étonnant, au caviar qui s’en trouve sublimé en exprimant certes ses saveurs iodées mais y ajoute d’inattendues notes de cacao.

Avec le Vermut catalan

Une impression sucrée, un bouquet de plantes aromatiques, donne à ce mariage un caractère désuet, comme un cocktail de fin de soirée, en tous les cas, cela nous transporte ailleurs.

Avec l’osciètre

L’Oscietra est issu de l’espèce Acipenser Gueldenstaedtii, également connu sous le nom d’esturgeon russe. Il provient de différentes origines (Chine, Uruguay, Italie…). Ces esturgeons se développent dans un milieu naturel, dans des lacs et des lacs de barrages de grandes profondeurs. À leur maturité, ils produisent un caviar de qualité comparable à l’osciètre sauvage. Ses œufs sont de couleur assez claire avec des reflets parfois dorés. Ils se parfumes d’iode avant la noisette et la pistache grillée. En bouche, les saveurs sont amples et la texture onctueuse qui apporte beaucoup de plaisir buccal. Quant aux arômes, on reconnait facilement le thé vert fermenté, saveur végétale élégante épicée de poivre blanc et d’algue.

Plus difficile à accorder, certes à cause de sa forte présence en bouche.

Avec l’Amontillado

La noisette d’entrée, puis le vin supprime l’accent végétal du caviar pour en développer le caractère épicé.

Avec le Rancio sec

Un accord sur l’iode, mais il faut constater qu’ici le vin se met au service du caviar, certes difficile à croire vu le caractère bien trempé du Catalan. Les œufs s’épicent de poivre, croquent la noisette, profitent de l’amertume du vin pour faire jaillir d’autres fruits secs, puis encore un bouquet d’algues, du thé délicatement fumé.

Ce passage chez Caspian Tradition a été pour moi comme un petit labo d’essais.

Merci à Arya et Ahmad Razavi dont l’accueil est toujours chaleureux et instructif.

www.caspiantradition.com

Ciao

 

Marco