Terrasses du Larzac : une dégustation pour voir (1/2)

Cet article est le premier d’une série de deux, suite à une dégustation de 24 vins jeunes de cette appellation. Il manquait à l’appel la star incontestée de l’appellation, le Mas Julien, mais il y avait de très bons vins, et aussi des déceptions.

Je ne suis pas un spécialiste des vins du Languedoc ; d’ailleurs je ne suis un spécialiste de rien du tout, mon approche et mon inclination étant plutôt celles d’un « all-rounder » , ou touche-à-tout, ou, plus banalement, d’un généraliste. C’est pour celà que j’accueille avec plaisir et intérêt les occasions qui se présentent pour faire plus ample connaissance avec les vins de telle ou telle appellation ou région. Mes remerciements donc à Sarah Hargreaves, l’attaché de presse de l’appellation Terrasses du Larzac, pour m’avoir proposé cela et d’avoir organisé l’expédition de 24 vins de différents producteurs. Cela m’a donné l’occasion d’en savoir un peu plus sur cette appellation que certains collègues décrivent comme leur appellation préférée dans le région. Personnellement je ne sais pas trop comment on peut préférer, globalement, une appellation à une autre, mais passons !

J’ai toujours trouvé les appellations du Languedoc relativement difficiles à comprendre, souvent morcelées, parfois imbriquées les unes dans les autres, et avec des règles de production d’une complexité qui peut friser le byzantin. J’espère que cette carte simplifiée vos aidera au moins à situer la zone sur le plan géographique dans le vaste territoire du Languedoc.

L’aire de l’appellation Terrasses du Larzac est effectivement morcelée en une demi-douzaine de zones. Elle se situe sur les contreforts des Cévennes et du plateau de Larzac (d’où son nom).

AOP depuis 2014, son aire couvre quelques 670 hectares de vignes en exploitation, réparties entre 32 communes de l’Hérault. Autrement dit, il s’agit d’une zone éclatée et nécessairement hétérogène sur le plan des éléments environnementaux (au contraire de ce qui est écrit dans le dossier de presse !), d’autant plus que les altitudes des parcelles dans ses différentes sous-parties varient beaucoup : entre 50 et 400 mètres. C’est peut-être en partie cela, mais aussi les choix de vinification des différents producteurs, qui expliquerait la diversité de styles que j’ai découvert lors de ma dégustation. Les cépages autorisés sont des classiques pour toute la région : carignan, cinsault, grenache, mourvèdre et syrah, avec des combinaisons aussi diverses que le nombre de vins produits, ce qui en rajoute une bonne couche dans les variables.

Cette appellation revendique aussi le fait d’avoir 70% des domaines ayant une certification de type environmentale (HVE 3, ou un des labels bio).  Si possible, je préfère ne pas savoir si un vin est bio avant de le déguster, et ce fût le cas lors de cette dégustation. Par curiosité, et pour satisfaire (ou pas) les fanatiques du bio, j’ai quand même regardé après coup les fiches de mes vins préférés pour indiquer s’ils sont bio ou pas, juste pour voir !

La dégustation (12 des 24 vins cette semaine, la suite la semaine prochaine)

Elle fut conduite à l’aveugle et à deux, avec mon ami et voisin du Sud-Ouest Florent Leclercq, mais je vais essentiellement donner mes propres commentaires des vins. Je vais tenter de regrouper les vins selon leurs styles, même si cet exercice est parfois périlleux vu que les lignes de démarcation entre les catégories ne sont pas figées.

Les vins plus légers (tout est relatif) dont les sensations fruitées dominent parfois

Domaine La Croix Chaptal, Le Secret de Gellone 2016 (16 euros)

Nez fumé et réglissé, sur fond de fruits noirs. Vin paradoxal qui associé fraîcheur et austérité car les tannins semblent manquer de maturité. Amertume en finale (12,5/20). J’aime beaucoup les Clairette de Languedoc de ce producteur mais ce vin est décevant.

Malavielle, Alliance 2017 (pas de prix indiqué)

Nez d’iris ou de violette, en tout cas il m’a semblé un peu réduit. En bouche il y a une séparation entre fruit et structure tannique et la finale est rendue un peu ferme. (13/20).

Domaine Nova Solis, Crépuscule 2018 (12 euros)

Lez nez évoque les fruits et les fleurs, ainsi que des notes qui m’ont sembler venir du bois avec notamment de la vanille. C’est assez curieux car la fiche technique indique un élevage en cuve ! En tout cas le fruité est très présent dès l’attaque avec des saveurs vivaces de cassis et de groseille. Puis le vin devient plus sec et austère, mais sans perdre son équilibre. Bon vin. (14,5/20)

Le Clos Rivieral, Les Moros 2017 (prix inconnu)

Le nez de bonbon anglais semble indiquer un usage de macération carbonique au moins partielle. Dans un style relativement léger, ce vin est bien fruité à l’attaque, puis il devient plus sec en finale. S’il manque un peu de chair en milieu de bouche, il reste agréable. (14/20)

Les vins aussi structurés que fruités, mais plutôt en devenir

Mas Lasta 2018 (20 euros)

Le nez a des arômes à tendance bonbon. Assez charnu par son fruité en bouche sur un fond plus anguleux et structuré. Aura besoin de temps pour s’harmoniser (13,5/20)

Domaine de la Réserve d’O, La Côte d’Arboras 2018 (36 euros)

Nez profond et sombre de fruits sauvages avec des touches de feuille de laurier. Il y a du caractère, ici, mais les tannins demandent encore à se fondre dans l’ensemble. Ce vin me semble assez cher pour ce niveau de qualité. (14,5/20)

Le Mas de l’Ecriture, l’Emotion 2018 (16 euros)

Les nez est fermé et poussiéreux, mais ce vin a un joli fruité en bouche dès le début, puis devient plus texturé et ferme dans ses sensations, et même un peu rêche. Pas équilibré pour moi. (13/20).

Les vins structurés, complexes et harmonieux

Château Saint-Jean d’Aumières, l’Alchimiste Black Edition 2016 (prix non-indiqué)

Nez tendre et chaleureux, aux accents doux et épicés avec une touche de cire. Assez structuré en bouche, avec des tannins fins mais serrés. La finale est longue et juteuse. (15/20). Ce producteur aurait besoin d’un vrai traducteur pour la rédaction de la version anglaise de ses fiches !

Domaine Mon Rêve 2017 (14 euros)

Un très beau nez de fruits bien mûrs avec des notes soutenues de garrique et des sensations dues à un boisé très fin (barriques de 500 litres et pas de bois neuf).En bouche les saveurs sont tout aussi plaisantes, avec un fruité juteux et bien mûr qui est soutenu sans être dominé par des tannins fins. Belle longueur pour cet excellent vin qui fut un des mes préférés de cette dégustation et qui offre un excellent rapport qualité/prix. (17/20). Biologique.

La Peira 2017 (64 euros !!!!)

Le nez est marqué par son élevage (bois et réglisse) mais aussi par une belle densité de fruits noirs. Très juteux en bouche avec des saveurs de fruits noirs comme la mûre et la cersise. Les tannins sont en phase avec cette belle matière, donnant un vin structuré et bien équilibré. (15,5/20). Mais le prix !!!

Mas des Brousses 2017 (prix 22 euros)

Le nez est très suave, avec un élevage encore bien présent à travers des arômes d’épices douces. Une très jolie matière en bouche, qui est fraîche et bien équilibrée autour de tannins très fins. La finale juteuse rejoute une dimension très agréable. (16/20).

Tour des Baulx, Grande Réserve 2017 (prix autour de 18 euros)

Le nez est très intense et presque noir avec des arômes de réglisse et de cacao. Charnu et riche en bouche, sa superbe qualité de fruit le porte bien en longtemps autour de ses tannins bien intégrés. Une bonne affaire pour cette appellation. (16/20).

Quelques conclusions

Je vais garder l’essentiel de mes conclusions pour la semaine prochaine et après la deuxième série de 12 vins. Mais déjà on peut dire que les écarts de prix ne reflètement pas systématiquement les écarts de qualité dans cette appellation. Pour cette série de 12 vins, les prix vont de 12 à 64 euros, sans qu’il n’y ait un lien évident entre prix et qualité à la dégustation. Certains des meilleurs vins sont aussi les moins chers ! Hétérogénéité de styles, comme de prix, mais de très bons vins dans cette série.

David Cobbold

11 réflexions sur “Terrasses du Larzac : une dégustation pour voir (1/2)

  1. jean-marie PAUL

    Merci bien pour cette dégustation à l’aveugle . Ca bouscule souvent les idées reçues . Il semble que le meilleur vin se trouve en GD avec une étiquette basique !
    On attend la suite avec impatience

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  2. David Cobbold

    Et oui Jean-Marie ! Parfois l’habit ne fait pas du tout le moine, et payer plus cher n’est pas nécessairement une assurance tout risque non plus. La suite lundi prochain….

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  3. David,
    Déjà merci pour cet article et impatient de lire la suite.
    Tout à fait d’accord en ce qui concerne la diversité (et ses nombreuses raisons) de ce que l’on peut rencontrer dans cette appellation.
    Une chose m’étonne, ce sont les commentaires de la cuvée l’Emotion du Mas de l’écriture !?
    A mon humble avis, cette bouteille avait un soucis……. !
    Depuis toutes ces années que je suis ce domaine, et particulièrement dans la cuvée et le millésime cité, je n’ai jamais rencontré de telles soucis.
    J’espère, David, que vous aurez l’occasion de déguster à nouveau cette « émotion » !
    Gérard

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    1. David Cobbold

      Bonsoir
      Oui, il s’agissait bien de la cuvée Emotion dans le millésime 2018. Le fait que le nez avait un aspect poussieureux (j’ai relu mes notes) peut bien indiquer un léger effet de TCA transmis par la bouchon. Mettez-moi tous cela sous capsule-à-vis et on évitera ce genre de problème, en préparant bien les vins et avec moins de sulfites aussi !

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      1. Xavier Dalon

        Merci pour cette première partie et impatient de lire la suite et découvrir les autres domaines.

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    1. David Cobbold

      Salut Olivier. Oui, cela fait trop longtemps en effet. Le Pas de l’Escalette ne faisait pas partie de 24 échantillons qui m’ont été envoyé, et donc je ne saurai pas comment leur vin se serait comporté dans ce contexte. On se reverra bienôt j’espère.

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  4. georgestruc

    S’il n’existait aucune différence d’altitude entre les différents tènements, on appellerait cela un plateau, quelle que soit l’attitude, et non pas une succession de terrasses, qui possèdent alors particularité de pouvoir exprimer des caractères différents…L’uniformité n’est pas faite pour les curieux. Cette AOC a « le vent en poupe » comme on dit. Elle est très appréciée, au point de faciliter l’acception vins estimés trop chers. Encore faudrait-il savoir quels ont été les moteurs de ces prix, mais silence à ce sujet (cueillette et vinification de micro-parcelles, assemblages particuliers de cépages ?). Rien…
    Sur les lieux et les sites (je n’ose même pas parler de terroirs, par souci de ne pas provoquer un afflux de bile), rien. Rien également sur les cépages qui entrent dans les vins dégustés. Rien sur les millésimes (quatre sur le lot présenté – nota : l’étiquette du Mas des Brousses indique 2010 et non pas 2017, sauf si ma vue est défaillante). Et moi, sur ces sujets, tous ces riens, cela m’énerve. Quelle pauvreté !! Je pressens la réponse : on ne peut pas tout dire et cela nous incite à aller sur les sites des producteurs. Pas d’accord, on doit pouvoir accéder facilement à l’essentiel. Je me résigne à attendre la suite semaine prochaine. Une chose étrange, à propos du vin de la Tour des Baulx : « Le nez est très intense et presque noir » ; pb de chiasma ou d’interférence olfacto-visuelle ?

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    1. David Cobbold

      Georges,
      Prenons vos remarques un peu dans le désordre, mais d’abord imprimez-vous dans la tête que nous faisons tous cela pour rien, juste par l’amour du vin et qu’il est parfois permis de ne pas tout mettre dans un article qui est réalisé, comme la dégustation et la préparation, sur notre temps dit « libre ».
      Pour les cépages, j’ai les fiches des vins et je pourrais les mettre. Cela ne change pas grande chose je pense, sauf exception. J’ai cité dans l’article les cépages admis dans l’appellation et la plupart piochent largement dedans. Vous verrez que je les mettrai la semaine prochaine, si j’ai la patience, mais tous n’indiquent pas les pourcentages, alors ????
      Quant aux lieux de production, certains vins sont des mono-parcellaires, d’autres des assemblages issus de parcelles parfois nombreuses. Mais qu’est-ce que cela change dans la dégustation ? On ne peut pas déguster par des chiffres, des proportions ou d’autres données techniques, mais seulement avec son palais, et aucun n’est identique. J’essaie simplement d’être fidèle à mon goût.
      Si les données techniques vous intéressent, tant que cela je peux vous envoyer le fichier (il ma faut une adress mails et cela viendra pas WeTransfer car il y a du monde !).
      Comme les échantillons ne sont pas accompagnés de phtoos et que j’ai le phlegme de prendre des photos sytématiquement et puis de les transférer, il arrive que les images que je capte vite fait sur le wab ne soient pas du bon millésime. Et alors ? c’est just une image non ?
      Je vous trouve assez pinailleur sur le coup !

      Aimé par 1 personne

  5. David Cobbold

    Good one the last comment, but who has signed ? The mysterious Mr L perhaps ?

    Dear Georges, I will gladly supply all the details that you request with such insistence but I doubt whether they will explain everything. You should perhaps remember that this blog is a labour of love (of wine) and that these articles, including the tastings, take a lot of time for each of us and that we are not paid for that. So please be a little more indulgent.

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