Le Petit Sommelier: pas si petit que ça !

Il existe certainement bon nombre de bistrots de rêve pour l’amateur de vins, à Paris ou ailleurs dans le monde. Le problème, particulièrement en France, est de les distinguer parmi la masse d’établissements, parfois même ceux qui se disent « bistrot à vins », mais pour lesquels le vin n’est qu’une vache à lait, une quantité négligeable, un truc qu’il faut avoir, un emmerdement de plus dont on s’occupe le moins possible, ou bien un phénomène de mode sur le dos duquel le patron joue la carte de l’opportunisme.

Rassurez-vous, l’établissement dont je vais vous parler relève de la première catégorie mentionnée : celle des bistrots de rêve. J’ai déjà mentionné, en passant, cet endroit dans un autre article sur ce blog (du 20 janvier 2014, si le sujet vous intéresse) à propos d’un repas tout au porto, car Le Petit Sommelier de Paris organise régulièrement des dîners à thème avec d’excellents producteurs parmi ceux qui figurent sur sa carte impressionnante.

IMG_5902Pierre Vila Palleja, qui n’est pas exactement un petit sommelier

Cela dit, quand, à la sortie de la Gare Montparnasse, on découvre dans l’Avenue du Maine la devanture du Petit Sommelier, on ne peut guère soupçonner les richesses viniques que recèle cette enseigne. Son décor « Néo-Art-Nouveau » est d’un style « brasserie chaleureuse » qui peut se trouver ailleurs. C’est sympathique et accueillant, avec une touche rétro qui cache un peu son jeu. Ce lieu est aussi une vraie brasserie, ce qui vous permettra de vous restaurer selon vos besoins et à toute heure. Lors de notre arrivée à midi, un samedi, notre élégant voisin de table en était à son petit déjeuner, avec thé, croissants, jus d’orange et deux œufs au plat.

Le faux semblant du Petit Sommelier, ce lieu aux possibilités multiples, se poursuit avec le patron, Pierre Vila Palleja (voir ci-dessus), qui n’est pas petit du tout, car il doit bien mesurer au moins 1m90.

IMG_5905L’accueil est parfait, du patron à ses co-équipiers (photo David Cobbold)

Le vrai trésor ici, outre un excellent accueil et une très bonne nourriture de bistrot, est évidemment la carte des vins. Jugez pour vous-mêmes, même si cette version de la carte n’est pas nécessairement à jour et qu’il a bien d’autres vins disponibles :

http://www.petit-sommelier.com/carte/vins.pdf

Ce n’est pas par hasard si cette carte a été adoubée 4 ans de suite par le Wine Spectator (que j’appelle parfois Wine Speculator, ou bien Wine Dictator). Pierre a été sommelier dans des grands établissements avant de reprendre ce bistrot familial que ses parents avaient acheté en 2001. Ils ont depuis poussé les murs, refait le décor et constitué une carte de vins qui ferait drôlement envie à beaucoup de lieux prestigieux… les prix en moins. Car le « petit » de l’enseigne pourrait s’appliquer aux coefficients pratiqués : 2 sur les grands vins et 3,5 au maximum sur les vins les moins chers. Pour vous éviter de compter, cette carte comporte 700 références dont 18 sont proposées au verre. Le restaurant est ouvert en permanence du lundi au samedi, entre 11h et 23h, ce qui est exemplaire et bien pratique pour ceux ou celles qui arrivent à la gare avec un peu d’avance, ou bien qui débarquent avec une petite faim ou soif. Mais je vous conseille de prendre votre temps ici et de profiter de ce lieu exceptionnel pour tout amateur de vins.

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Lors de mon dernier repas ici, qui date de samedi 8 mars à midi, peu de temps avant le triste match du XV de France en Ecosse, j’ai attaqué avec un verre d’un très bon Muscadet, Le Fief de Breil, de Jo Landron (photo ci-dessus). Assez dense, il allait très bien avec des magnifiques huîtres de Bretagne (Prat-ar-Coum, je crois), qui m’ont semblé bien salées. Certains diraient que ce vin a des saveurs « minérales », mais je ne mange pas souvent de clous et ne sais pas trop ce que cela peut bien signifier. Ayant fini mon verre avant les huîtres, j’ai poursuivi avec un splendide blanc d’Espagne, issu de la DO galicienne Valdeorras, et du cépage Godello. Cette variété, que l’on trouve aussi bien au Portugal qu’en Espagne, sous divers noms (Gouveio et aussi, à tort, Verdelho au Portugal), est en pleine renaissance en Galice. Le vin en question, appelé Louro do Bollo (voir photo ci-dessous) et élaboré par la famille Palacios, était plus gras, plus suave et plus parfumé que le Muscadet, mais contenait aussi toute l’acidité utile pour accompagner les sel des huîtres. Il vaut très largement le prix au verre de 8 euros.

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Ma compagne, comme beaucoup de Françaises, il me semble, ne boit que rarement de vin blanc sauf quand il y a des bulles dedans, ce qui m’interpelle car on trouve le comportement inverse en Angleterre avec bon nombre des femmes qui ne boivent jamais de vin rouge: encore une différence culturelle? Mais elle a daigné goûter à ce nectar et elle était d’accord sur sa qualité. Puis elle a pris la direction de l’Italie, plus précisément du Piémont, avec un verre d’un formidable Nebbiolo (oui, je l’ai goûté aussi) de la DOC régionale Langhe et du producteur Parusso (photo ci-dessous). Ferme comme il faut, mais subtilement fruité, ce qui n’est pas toujours le cas avec ce cépage aussi capricieux que le pinot noir. Je pense qu’il serait difficile de déguster des Barolos ou Barbarescos, issus du même cépage, aussi jeunes, mais l’appellation régionale peut produire des vins plus amènes.

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Enfin, pour accompagner mon bœuf bourguignon, j’ai préféré l’intensité d’une syrah rhodanienne à la délicatesse d’un pinot noir de Bourgogne en optant pour un Crozes Hermitage du Domaine Combier. Des deux bouteilles sur la photo ci-dessous, c’était celle de droite, appelé Laurent Combier. Impeccable !

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Et combien ça coûte ?

Le patron ayant eu la gentillesse de nous offrir deux verres parmi les quatre que nous avons consommés, j’estime la facture à environ 95 euros, avec deux entrées, deux plats, les 4 verres d’excellents vins et un café. Soit 47 euros par personne, à peu près. Service au top, lieu agréable, très bonne nourriture avec des produits de qualité, et le plaisir de rêver au regard d’une carte de vins remarquable en largeur comme en profondeur, dont 20% des références vous permettent de voyager bien plus loin que les destinations desservies par la gare d’à côté. Et tout cela au cœur de Paris, à Montparnasse. Si vous disposez de plus de temps, d’un portefeuille suffisamment garni, et que vous n’avez pas de travail à faire dans les heures qui suivent votre repas (ce qui fut malheureusement mon cas samedi) laissez-vous aller avec un Champagne de 1988 et/ou un Vega Sicila de 1985 : c’est dire les ressources de cet établissement que tout amateur de vin devrait inscrire dans son carnet.

Le Petit Sommelier, 49 Avenue du Maine, 75014 Paris (tel : 01 43 20 95 66)

http://www.petit-sommelier.com/

Bon voyage!

David Cobbold

(PS. maintenant, je signe de mon prénom et de mon nom, vu qu’il y a des personnes, que je rechigne un peu d’appeler « bio-cons », qui ne lisent ni les articles complètement, ni la présentation de ce blog, avant de poster leurs commentaires).

12 réflexions sur “Le Petit Sommelier: pas si petit que ça !

  1. Tu as bien raison de signer de ton propre nom, David. Je note simplement qu’au moins deux des vins que tu as aimé sont issus de vignobles bio, le premier, celui qui hésite entre le salin et le minéral, étant même en biodynamie depuis longtemps. Ce qui prouve bien que tu es loin d’être un « biocon » puisque tu sais te laisser guider vers les bonnes choses. Ce dont je n’ai jamais douté ! 😉

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  2. Oui Michel, le goût seul guide mes plaisirs gustatifs, pas des croyances.

    D’accord sur la difficulté de trouver des beaux vins d’Italie en France (et pas que du Piémont). Cela dit, c’est le cas aussi pour tous les pays étrangers. Dans les restaurants de base italiens (pizzerias etc) c’est généralement le bas de gamme qui est présent. Ailleurs on est trop frileux à sortir des frontières de l’héxagone.

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  3. J’y ai bien bu (un Pignan 2001, quoique un peu cadenassé, avec l’ami Emmanuel Delmas) mais très mal mangé …

    Le Godello, frais, rappelle un peu le muscadet (il est souvent moins fruité que l’albarino, sur Rias Baixas)
    Dans mon souvenir, Louro do Bolo 2011 est trop boisé, ce qui fait qu’on ne sait pas trop si l’on a affaire un chardonnay de Somontano ou un Rioja blanc.

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  4. Laurent, la différence entre « trop » et « juste ce qu’il faut » n’est qu’affaire de subjectivité. Au contraire de vous, j’ai trouvé ce vin délicieusement frais, certes suave et un peu gras, mais parfaitement équilibré et gourmand. Plus près d’un albarino que d’un muscadet. J’ai vu qu’Emmanuel avait aussi écrit sur cet établissement.

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  5. bel article, j irai lorsque je serai à Paris et ils ont raison de servir de 11 à 23 H, car les anglo saxons mangent vers 17 h. Et aussi pour les coefficients; ils ont raison….
    Jean-charles Botte un « bio con » qui aime vous lire

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  6. Bien entendu pour la subjectivité (le goût personnel), le contexte aussi, David …

    Je ne suis pas spécialiste de l’ampélographie, mais je croyais le verdelho de Madère plus proche du Verdejo de Rueda (à côté, en Castilla y Leon).
    La proximité gustative entre verdejo et albarino est forte (le verdejo étant plus proche d’un variétal de sauvignon).

    A noter que le godello existe aussi en Bierzo (peut-être s’y exprime-t-il un peu différemment)

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  7. Si les coefs sur la carte semblent en effet raisonnables (à l’échelle française, voire parisienne) pour les bouteilles, les prix au verre me semblent voler un peu plus haut (notamment sur le Louro do Bolo mentionné dans l’article)
    Ceci dit, vu que j’habite à moins de 10′, et depuis le temps que je me dis qu’il faut que j’aille y manger, je testerai sans doute la cuisine prochainement.

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  8. Laurent, en en me référant à Vouillamoz, qui a fait du travail sur cette variété, oui, le godello existe à Bierzo, comme à Ribeiro, Ribeira Sacra et à Monterrei, mais aussi à Tierra de Léon, sous le nom de Prieto Picudo Blanco. On estime les surfaces plantés en Galice à plus de 1200 hectares aujourd’hui. Au Portugal, la même variété est connue sous les noms de verdelho (à Dao), ou de Gouveio (à Douro). Au Portugal on arrive à 1000 hectares plantés, mais ce cépage est surtout utilisé en assemblage. La dénomination verdelho est trompeuse, car la variété de Madère est distincte.

    Eric, je suis assez d’accord avec vous. 8 euros au verre est un peu élevé, bien que je ne connaisse pas le prix d’achat de ce vin. Cela dit, combien de restaurants à Paris ayant une carte de vins de ce niveau pratiquent des prix aussi raisonnables ? Il est malheureux de devoir se contenter de cela, mais c’est ainsi.

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